CULTURE SANG & OR

Des retrouvailles à l’odeur de poudre

Demandez à un Lensois ce que lui évoque Arsenal, et il vous parlera forcément du but de Michaël Debève à Wembley, les yeux encore brillants de cette émotion sur laquelle le temps n’a aucune emprise. Avant d’enchaîner aussitôt sur le carton rouge injustifié dont a écopé Tony Vairelles dans ce même match, suite à une honteuse simulation de Lee Dixon qui semblait avoir oublié sa dignité aux vestiaires. Le sentiment d’injustice n’a pas disparu, mais il n’a pas effacé l’histoire pour autant. C’est souvent ça, le football. Un mélange inextricable d’extase et de rancœur, d’euphorie et de frustration. De sport et d’émotion. Et c’est assurément ce qui nous attend ce soir encore.

Arsenal contre Lens
Photo RC Lens

Quand le 31 août dernier, nous avons découvert que le RC Lens et Arsenal FC avaient été tirés dans le même groupe, une décharge électrique a sûrement chatouillé les muscles d’un bon nombre d’entre nous. Un clin d’œil de l’histoire, vingt-cinq ans plus tard.

En 1998, Lens et Arsenal ont tous deux connu leur première participation en Ligue des champions après avoir été respectivement champions de France et d’Angleterre. En 2023, ils ont tous deux fini à la deuxième place de leur championnat, avec un même total de 84 points.

La situation des deux entraîneurs est elle aussi comparable sur le plan de la longévité. Mikel Arteta et Franck Haise sont tous deux à la tête de leurs effectifs depuis près de quatre ans et ont su faire infuser leur mentalité et leurs principes de jeux au fil du temps. Enfin, détail anecdotique mais tout de même intéressant à relever : c’est une semaine chargée pour les deux clubs, car celle de Lens s’achèvera par la réception de Lille, tandis qu’Arsenal recevra Manchester City, principal prétendant au titre de champion d’Angleterre.

Franck Haise et Florian Sotoca
Photo RMC Sport

Mais les parallèles s’arrêtent là. Alors que les similitudes étaient frappantes entre notre début de saison et celui du FC Séville, notre premier adversaire dans cette compétition, c’est tout l’inverse cette fois-ci : Arsenal est encore invaincu depuis le début du championnat et se trouve actuellement à un petit point de la première place.

À la reprise, les Gunners ont dû tourner la page d’une saison où le titre de Premier League leur a pratiquement tendu les bras, jusqu’à ce qu’une méforme sur la fin de saison laisse le souffle chaud de Manchester City les rattraper, puis les dépasser. Un exercice psychologique dans lequel ils se sont montrés plus adroits que les Lensois, car ils ont jusqu’à présent engrangé cinq victoires et deux nuls. Leur entrée en Ligue des champions est d’aussi bonne facture, avec rien de moins qu’une victoire 4‑0 contre le PSV Eindhoven.

Un collectif puissant…

Le club peut en effet compter sur une équipe bien en place, dotée de plusieurs points forts. « Le capitaine Martin Ødegaard est monstrueux depuis le début de saison. C’est l’homme du match face au PSV Eindhoven. C’est le maître à jouer de cette équipe, il est indispensable, excellent, et il prend un volume énorme dans cette équipe » nous confie Antoine, rédacteur en chef d’Arsenal French Club, qui a eu la gentillesse de répondre à nos questions la semaine dernière.

Odegaard et Saka
Photo Arsenal.com

« L’autre joueur qui fait un très bon début de saison, c’est Bukayo Saka. Il devrait normalement être apte face à Lens et amener beaucoup de danger sur le côté. On peut en dire autant de Martinelli, même s’il y a une certaine incertitude sur son retour. Si Lens n’arrive pas à museler Ødegaard et Saka, ce sera compliqué. Toutes les équipes qui ont réussi à nous mettre en difficulté l’ont fait en mettant un deux contre un en place contre ces joueurs, notamment Saka. Il s’est retrouvé en un contre un quasiment tout le match contre le PSV Eindhoven et il a fait des différences fulgurantes. Ce sera une des clés du match d’arriver à contenir les ailiers. »

…mais pas invincible

Malgré cette forme, il ne faut pas oublier qu’Arsenal aussi fait son retour en Ligue des champions après sept ans d’absence, sèchement éliminés à l’issue des huitièmes de finale de la saison 2016-17 par un Bayern bouillonnant. Sept ans, une véritable traversée du désert pour un club de cette envergure. En dépit de sa riche histoire, il n’en demeure pas moins que son effectif est le troisième plus jeune de Premier League (25 ans en moyenne) et qu’un bon nombre de ses joueurs découvrent eux aussi la Ligue des champions, comme à Lens.

Par ailleurs, quelques absences pèsent dans les rangs des canonniers. Si l’on a vu Thomas Partey réapparaître à l’entraînement lundi, il assistera vraisemblablement à la rencontre depuis le banc ce soir. Gabriel Martinelli, sorti sur blessure lors du match contre Everton le 17 septembre dernier, a manqué la confrontation contre le PSV à cause d’une blessure aux ischio-jambiers. N’ayant pas participé à ce dernier entraînement, il devrait être absent. Enfin, une légère incertitude plane autour du jeune Bukayo Saka, qui devrait néanmoins être apte à jouer.

Bukayo Saka
Photo Arsenal.com

« Pour ce qui est des faiblesses, il y a les erreurs défensives de ce début de saison, les prises de risques dans la relance qui ont amené à des buts adverses », nous éclaire Antoine. « Nous ne sommes pas impériaux en défense en ce début de saison, on prend quand même pas mal de buts. Lens a la possibilité d’être dangereux en contre, d’avoir des occasions. Tout dépendra de leur réalisme. »

Projection

Voilà de quoi donner de l’espoir aux Sang et Or. Mais alors, à quoi peut-on s’attendre ce soir, sur la pelouse de Bollaert-Delelis ? « Arsenal va venir à Lens avec l’intention de gagner, comme pour les six matchs de poule », nous prévient Antoine. « Le déplacement sera peut‑être piège, donc l’équipe va aborder ce match avec beaucoup de concentration et d’implication. Ce qui avait fait la différence face au PSV, c’est que ces derniers ont joué un football très offensif, ils ont laissé beaucoup trop d’espace derrière et nous les avons pris en contre sur trois buts sur quatre. En se refusant à renier à ses principes de jeu, Peter Bosz s’est fait complètement avoir. C’est l’interrogation que j’ai à propos de Franck Haise : est-ce qu’il va être capable de renier ses principes de jeu ? Pas pour mettre un bloc bas non plus, mais on sait qu’il faudra éviter de faire ce qu’a fait le PSV. »

PSV Arsenal
Photo Football London

Avec ces éléments en tête, Antoine reste prudent : « La logique voudrait qu’Arsenal gagne les deux matchs contre Lens, mais je me méfie tout de même d’un piège au match aller. Ça reste un match à l’extérieur, et le fait que Lens joue contre nous leur premier match de Ligue des champions à Bollaert n’est pas forcément une bonne chose pour nous. On verra si nous sommes capables de passer outre. Je pense que même si Arsenal gagne, ce ne sera pas un score type 3-0. Ça risque d’être un match serré, difficile. Ce sera un bon test pour voir si on est capables de faire un gros match à Bollaert, de s’imposer, de gagner sans se faire trop peur. »

Côté lensois, voici ce qu’en pense Florian Sotoca : « Ça va être avant tout beaucoup d’émotion, mais il faut que ce soit avant et/ou après le match, parce que pendant le match, on ne doit faire des cadeaux à personne, et on veut montrer notre vrai visage comme on l’a fait à Séville. On sait que cela ne va pas être facile, mais pour eux non plus. Donc à nous de garder nos principes de jeu et notre qualité comme on l’a montré lors de ces derniers matchs. Et en tout cas, on va tout faire pour embêter cette équipe d’Arsenal. »

Florian Sotoca avant Lens Arsenal
Photo RC Lens

Et l’ensemble des phases de poules, comment sont-elles perçues par les Gunners ? D’après Antoine, « tout autre résultat qu’une première place dans ce groupe serait décevant. Le déplacement au PSV ne sera pas facile, mais on a fait le travail à domicile. Je vois bien Séville finir troisième, vu qu’ils jouent la Ligue Europa en permanence. La deuxième place se jouera entre le PSV et Lens. Et avec ce premier résultat à Séville, les Lensois peuvent objectivement espérer terminer deuxième du groupe. »

Focus Outre-Manche

Du côté de Lens, sans aucune contestation possible, les objectifs de la saison concernent bien évidemment le championnat. La Ligue des champions est un plaisir auquel nous goûtons sans aucune retenue, avec la candeur et l’enthousiasme du petit poucet que nous sommes. La pérennisation du club en Europe est dans toutes les têtes, mais il ne faudrait surtout pas nous défaire de notre réalisme pour autant. Et si certains se sont surpris à voler trop près des étoiles cet été, ce début de saison laborieux les a rapidement fait redescendre sur terre.

À Londres, en revanche, la musique n’est pas du tout la même : « L’objectif premier d’Arsenal est de sortir des poules en tête. Le tirage nous a donné Séville en chapeau 1, qui est un adversaire abordable. Ensuite, tout dépend de ce qui se passe en championnat, mais je pense que si le début de saison se confirme et que Manchester City est encore une fois intouchable pour le titre de Premier League, la Ligue des champions pourrait être un véritable objectif pour Arsenal » pressent Antoine.

Arsenal préparation
Photo Arsenal.com

« Ça reste une compétition à part, mais aujourd’hui, Arsenal peut être une équipe prétendante à la victoire finale. Même si bien sûr, cela peut paraître un peu présomptueux de dire ça pour l’instant, parce qu’on est de retour dans cette compétition après sept ans d’absence. Mais je pense que si nous ne sommes pas en quarts de finale, ce sera une énorme déception. Après, tout dépendra des adversaires, du tirage. »

Le clin d’œil

Nous ne pouvions pas échanger sur cette rencontre sans revenir sur ce fameux Arsenal-Lens de 1998 avant de conclure. Diplomate, Antoine retient surtout ceci : « Ce qui reste, c’est que Lens était venu gagner à Wembley. C’était en 1998, donc à une époque où Arsenal était champion d’Angleterre, ce qui n’est pas rien. Cela veut dire qu’il faut être vigilant sur ces matchs-là, parce que la surprise peut arriver légitimement. »

« Mais c’est vrai que quand j’ai vu Lens-Arsenal, ça m’a fait instinctivement penser à cette confrontation qui reste dans les mémoires, avec le but de Michaël Debève. C’est un joli clin d’œil. Et puis forcément, quand on est supporter d’Arsenal en France, c’est toujours sympa d’affronter une équipe française. Arsenal est un club qui est très français dans sa manière d’être, c’est donc toujours particulier de le voir jouer contre des équipes françaises. »  

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