CULTURE SANG & OR

Elisabeth

L’épreuve du temps

Ce week-end, les échos d’un passé plus ou moins récent ont été invoqués dans l’enceinte de Bollaert-Delelis, allant de Franck Haise à Raphaël Varane en passant par Jonathan Clauss. Pour répondre aux interrogations que suscitait ce Lens-Nice, les réactions du public sang et or ont été tranchées. Le vieillissement du vin peut en améliorer la qualité, mais la façon dont il évolue est influencée par de nombreux facteurs, et les saveurs qui en résultent ne sont pas toujours du goût de tous. Il semblerait qu’il en soit de même pour les souvenirs que nous rattachons aux joueurs et entraîneurs de football. Qu’ils aient bercé notre quotidien pendant de nombreuses saisons ou simplement marqué l’histoire du club lors d’un court passage, chacun en gardera une image toute personnelle influencée par de multiples éléments : son affection pour l’homme, le talent de ce dernier, les conditions de son départ ou encore la suite donnée à sa carrière n’en sont qu’un échantillon. À l’approche de la confrontation contre l’OGC Nice, il n’était pas rare de voir fleurir sur les réseaux des sondages interrogeant les internautes sur leur réaction face à l’apparition de notre ancien coach au stade. Avec toujours les trois mêmes options proposées : le siffler, ne rien faire, l’applaudir. Pour certains, impossible d’effacer ses sept saisons passées au club d’un coup de gomme capricieux. Pour d’autres, le fait qu’il parte sur la Côte d’Azur était impardonnable. Finalement, c’est un tonnerre d’applaudissements accompagné d’un chant entonné à plein poumons qui a résonné dans les travées de Bollaert samedi. Et si personne ne peut prétendre tout savoir ni tout comprendre des conditions de son départ, l’évidence reste là : Franck Haise a laissé une empreinte indélébile sur le Racing Club de Lens. Raphaël Varane n’a lui non plus jamais perdu l’amour que lui portent ses premiers supporters, et l’inverse est aussi vrai. L’annonce de sa retraite lui a valu samedi une banderole d’hommage déployée en Marek. Sur son cas, le peuple artésien est unanime : cet enfant de la Gaillette a des pieds et un cœur en or. On pourrait aisément croire qu’il a passé une décennie en équipe première. Pourtant, il ne lui aura fallu qu’une seule saison pour s’attacher irrémédiablement l’affection des supporters lensois. L’enfant prodige, dont le départ pour Madrid aura donné un apport précieux aux finances du club, est désormais une icône. « Le temps adoucit tout », a un jour écrit Voltaire. Apparemment pas toujours, car ce sont en revanche des sifflets qui ont accueilli l’entrée de Jonathan Clauss sur la pelouse de son ancien club. Cette rancœur a de quoi étonner : un départ peut-être mal digéré par certains aurait-il déformé nos souvenirs de ce joueur ? Aurait-on déjà oublié ses courses fulgurantes dans le couloir droit, ses centres soignés et ses nombreuses passes décisives ? Ou encore la joie que son appel en équipe de France nous a procurée en mars 2022, faisant de lui le premier joueur lensois sélectionné chez les Bleus depuis dix-huit ans ? Il est vrai que le cœur a ses raisons que la raison ignore. Néanmoins, rappelons-nous qu’au bout du compte, seuls les supporters restent. Un club de football est comparable au bateau de Thésée : avec le temps, les départs de ses joueurs et têtes pensantes sont inévitables. Ils suscitent des sentiments paradoxaux, étant donné l’attachement viscéral aux représentants de nos couleurs. Mais il serait sans doute bon d’en rester conscients et d’aborder chacune de ces séparations avec le pragmatisme qui s’impose, et, aussi, un brin de philosophie. Que tel ou tel homme parte ou reste, Lens restera toujours Lens.

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Sang et Or olympique

Hier soir, la France s’est une nouvelle fois retrouvée face à l’Espagne, seulement un mois après la demi-finale de l’Euro perdue par les Bleus, pour tenter d’arracher la médaille d’or olympique. Hélas en vain. Mais une autre équipe, où se trouvaient trois joueurs lensois, a déjà réussi cet exploit. C’était il y a quarante ans. Les protagonistes Nous sommes en 1984. Big Brother et la police de la pensée sont restés fictifs. La grève des mineurs a éclaté dans la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher. Le lecteur CD existe depuis deux ans seulement, on écoute plutôt des 45 tours. Les gens se trémoussent et s’égosillent sur « Thriller », « Still Loving You » et « Wake Me Up Before You Go-Go ». La France vient de remporter l’Euro à domicile et s’apprête à participer aux JO de Los Angeles. Parmi eux, trois joueurs du Racing Club de Lens. Didier Sénac est certes le dernier Lensois en date appelé en équipe de France, mais le premier des trois à avoir rejoint l’effectif sang et or. Ce défenseur central y effectue sa formation dès 1977. Son père, Guy Sénac, a lui aussi joué à Lens dans les années 60 comme défenseur, et a été appelé deux fois en sélection. Bien inspiré, Didier se met très vite à marcher dans ses pas. C’est ainsi qu’à dix-neuf ans seulement, il foule pour la première fois la pelouse avec le maillot lensois sur ses épaules, pour le dernier match officiel de la D1 1977-78. Il restera en tout dix ans au sein de la défense artésienne, avec à ses côtés Hervé Flak ou encore Daniel Leclercq à ses débuts, et à la fin Jean-Guy Wallemme et Éric Sikora, avant un départ vers Bordeaux. En février 1981, Daniel Xuereb est encore un joueur lyonnais lorsque Michel Hidalgo l’appelle en Équipe de France, deux saisons et demie après ses débuts en pro. Mais plus pour longtemps. L’été suivant, cet attaquant de pointe rusé rejoint le Racing Club de Lens pour former une attaque qui restera dans les mémoires, avec le Polonais Roman Ogaza et un certain François Brisson, ailier qui débarque à Lens en même temps que lui. Brisson, formé au Paris Saint-Germain, est déjà un habitué du maillot des Bleus depuis six ans. Pour Didier Sénac, à l’inverse, la porte tarde à s’ouvrir. C’est finalement lors des Jeux olympiques de 1984 qu’il est lui aussi appelé à représenter son pays pour la première fois. Nous y voilà, nos trois mousquetaires sont réunis : Brisson, Sénac, Xuereb. Aux côtés de vieux briscards comme Albert Rust ou Guy Lacombe, et de jeunes talents comme José Touré ou William Ayache. L’épopée Les Bleus se sont qualifiés pour les Jeux en l’emportant face à l’Espagne et la Belgique en éliminatoires, puis l’Allemagne de l’Ouest en barrages. Mais étonnamment, malgré un groupe abordable sur le papier, les matchs de poule se révèlent être une marche autrement plus difficile à franchir. Après un match nul 2-2 face au Qatar et une courte victoire 2-1 contre la Norvège, où Brisson inscrit un doublé, c’est Daniel Xuereb qui leur évite l’élimination en égalisant juste après l’heure de jeu face au Chili (1-1). « La préparation n’a pas été très longue, donc on s’est bonifiés au fil des matchs », reconnaîtra plus tard l’ancien Lensois au micro de France TV Sport. Il faut dire que les conditions étaient loin de ressembler à celles que l’on connaît aujourd’hui : « On dormait à cinq ou six par appartement, on avait mis des matelas par terre. C’était à la bonne franquette. » Pas de quoi entamer pour autant la confiance du buteur, qui se montre décisif à chaque confrontation ensuite. Contre l’Égypte en quarts, il marque à deux reprises et permet à son équipe de retrouver la redoutable Yougoslavie en demi-finale. Redoutable, parce que ses joueurs sont devenus les favoris de la compétition après avoir infligé une raclée 5-2 à la RFA — que les Bleus avaient certes déjà battue en barrage, mais qui avait été repêchée en raison du boycott des équipes du bloc soviétique. Comme avec l’Espagne en 2024, la France — de Michel Platini cette fois — avait aussi croisé la route de la Yougoslavie peu de temps auparavant, lors de l’Euro 84. Mais vous connaissez l’histoire : la victoire était allée aux Bleus. L’heure n’est donc pas à la revanche cette année-là. Il y a un titre olympique à aller chercher. Or, ce n’est que la troisième fois dans leur histoire que les Bleus accèdent à une demi-finale olympique, et les deux premières commencent à sérieusement dater : 1908 et 1920. Pour le plus grand plaisir des spectateurs, l’affiche tient toutes ses promesses, et même plus encore. L’entame de match des hommes d’Henri Michel est réussie : ils mènent déjà de deux buts à zéro au bout d’un quart d’heure de jeu. Mais les Yougoslaves ne l’entendent pas de cette oreille. Le scénario s’emballe, tout comme le bras de l’arbitre qui se transforme en distributeur de cartons. Juste avant la mi-temps, le solide Didier Sénac est emmené à l’hôpital après un choc tête contre tête avec Borislav Cvetković, qui lui fracture la mâchoire. La tension ne redescend pas en seconde période. Le Yougoslave Jovica Nikolić écope d’un carton rouge après avoir envoyé valser son poing sur le visage de Jean-Philippe Rohr. Être en infériorité numérique ne les empêchera pourtant pas d’envoyer le cuir au fond des filets à la 63e minute. Ni d’égaliser dix minutes plus tard. Le score est de 2-2, retour à la case départ. Dans une ambiance tendue, Cvetković finit par se faire exclure à son tour. Mais cela ne suffit toujours pas aux Bleus pour retrouver leur efficacité du début de partie. L’arbitre siffle la fin du temps réglementaire. Si en prolongation les Yougoslaves tentent de jouer la montre pour arriver aux tirs au but, les Français, eux, sont bien décidés à l’emporter le plus rapidement possible. C’est Guy Lacombe, du TFC, qui trouve enfin la faille grâce à un ballon mal dégagé. 3-2. Le combat est âpre, mais les Bleus tiennent bon. Et quelques instants

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Parfum d’Europe

À la saveur des derniers matchs de préparation estivale, où le RC Lens rencontre déjà des équipes étrangères, se mêlera bientôt celle de nos retrouvailles avec l’Europe. Parfait pour se hisser tout de suite vers le haut niveau. Première de Will Still à Bollaert Samedi, nos Lensois ont étrenné le maillot third de la saison 2024-25 devant un Bollaert à guichets fermés pour la 49e rencontre consécutive. Et les Sang et Or l’ont chèrement défendu, faisant preuve de mental et de réussite face au champion d’Allemagne, et répondant coup pour coup, poussés par le public. Si d’ordinaire, on sort la perceuse avant d’installer un climatiseur, nous savons désormais que l’inverse est également possible. C’est donc satisfait que Will Still s’est éloigné de la pelouse, après sa première à domicile sous les couleurs du RC Lens. Visiblement déjà conquis : « C’est incroyable, c’est comme être à la maison », a-t-il confié lors du débrief. « Il y a une telle énergie, une telle puissance qui se dégage, surtout sur les vingt dernières minutes où on est même capables de renverser le match, c’est top. On va en avoir besoin [des supporters] et on sait qu’ils sont là, c’est magique. À nous de continuer le travail cette semaine et d’accueillir Leicester samedi prochain de la même manière. » On compte là-dessus ! Une semaine chargée Mais avant de voir débarquer en terre artésienne les Anglais de Leicester City, et d’affronter le FC Versailles (à huis clos) mercredi, un autre événement nous donnera à coup sûr du grain à moudre : le tirage au sort des barrages de l’UEFA Conference League, aujourd’hui même, à 14h. Plus que quelques heures avant d’être fixés sur l’adversaire que le Racing affrontera les 22 et 29 août prochain, avec l’espoir d’obtenir le précieux sésame pour la phase de ligue de cette nouvelle compétition européenne. Ce gros enjeu arrive très tôt dans la saison, ce qui justifie le choix d’adversaires relevés pour la dernière ligne droite de la préparation. Le Bayer, même s’il n’est pas encore revenu à son top niveau, a donné une idée de l’exigence des joutes continentales. Il a imposé par moments un combat intense au milieu, et confisqué le ballon lors de certaines phases. Mais, menée pendant une bonne partie du match, l’équipe de Will Still n’a jamais abdiqué. Lens étant tête de série, il n’affrontera pas lors des barrages les épouvantails de cette compétition que sont Chelsea, la Fiorentina ou le Betis. Il ne croisera pas non plus la route du FC Copenhague et ne pourra donc pas tenter de se venger d’un certain 4 octobre 2007. En revanche, il est possible que le perdant du match Panathinaïkos-Ajax soit notre prochain adversaire. Sinon, vous vous laisseriez bien tenter par un petit voyage en Écosse, en Pologne ou en Suède, non ? Dans tous les cas, préparez vos passeports et révisez votre anglais… car l’Europe, c’est pour bientôt !

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Les femmes et le football [3/3]

Pour conclure cette série d’articles sur les femmes et le football, Culture Sang et Or a eu l’immense plaisir d’échanger avec Sarah M’Barek, coach et manager de l’équipe féminine du RC Lens, première intervenante du Racing pour notre rédaction ! À cette interview s’ajoute le point de vue de Charles, spécialiste D2F de notre équipe et auteur du compte @RC_Elles. Culture Sang et Or : Charles, tu suis les féminines de Lens depuis leur lancement en 2020. Te souviens-tu des réactions qu’a générées cet événement, du côté des supporters et du club ? Charles : « Je me souviens que l’arrivée d’une section féminine au Racing a suscité un certain engouement parmi les supporters. Nous étions dans la foulée de la remontée en Ligue 1 et c’était en quelque sorte un signe du renouveau lensois. Du côté du club, la naissance du RC Lens Féminin a été officialisée en grande pompe à la mairie d’Arras en présence de Joseph Oughourlian pour la signature de la convention avec la Ville d’Arras. Le club a aussi frappé un grand coup en nommant Sarah M’Barek à la tête de la section, preuve d’une certaine ambition. » CSO : Quels ont été les moments qui t’ont particulièrement marqué lors de ces quatre premières saisons ? Charles : « Il y a plusieurs choses, notamment les événements solidaires comme Octobre rose organisés par le RC Lens féminin, et l’engouement progressif des sections de supporters. Mais un autre m’a marqué tout particulièrement : le combat de Sarah M’Barek contre la maladie. Elle est du genre à ne jamais lâcher et elle a mis cette force pour lutter contre son cancer et déjouer les pronostics. Elle est un exemple de résilience. » CSO : Sarah, votre parcours force le respect, mais ce combat n’a pas été le premier pour vous. Votre carrière de joueuse, à une époque où le football féminin était largement négligé par les médias, a débuté en 1992 et s’est arrêté en 2005. En 2007, vous devenez entraîneure. Rétrospectivement, quel regard portez-vous sur l’évolution de la pratique du football par les femmes ? Sarah M’Barek : « J’ai fait partie des premières joueuses que l’on peut qualifier de “professionnelles” en France, parce qu’on était trois et payées pour jouer au foot, même si nous n’avions pas de vrais contrats de joueuses. J’avais un contrat de secrétaire ! Mais les contrats, pour les filles, ça n’existait pas. « Aujourd’hui, il y a les contrats fédéraux, les championnats de D1 et D2 sont professionnels depuis cette année, donc l’évolution est réelle et concrète. Mais je dirais que les avancées se sont faites essentiellement sur les trois ou quatre dernières années. On était quand même bien en retard par rapport aux autres pays d’Europe, que ce soit en Angleterre, en Espagne, en Italie ou en Allemagne. Les conditions d’entraînement et le niveau ont aussi évolué, mais on a encore un petit frein au niveau des mentalités, dans les instances et dans ce sport qui est encore très machiste. » CSO : Vous avez connu 18 sélections en Équipe de France, entre 1997 et 2002. Qu’avez-vous observé de différent par rapport aux conditions de travail en club ? S.M. : « Une anecdote toute simple : on avait des survêtements qui étaient les restes des garçons, pas du tout adaptés à un corps féminin, beaucoup trop grands, jamais ajustés. Les restes, c’était pour les filles. Aujourd’hui, on a des équipementiers qui dessinent des vêtements de sport et de foot spécifiquement pour les femmes. C’est une très belle avancée. » CSO : Que pensez-vous de la création de la Ligue féminine de football professionnel (LFFP), officielle depuis le 1er juillet ? S.M. : « Il était temps ! On a pris beaucoup de retard, notamment sur l’Angleterre et l’Espagne. On a perdu beaucoup de joueuses françaises de très bon niveau qui sont parties jouer à l’étranger. Notre championnat va certainement en pâtir. Même nos coachs commencent à s’expatrier, donc il était temps de le faire. C’est une bonne chose, c’est sûr, maintenant on va voir comment ça va permettre d’avancer. Après, il n’y a pas que la Fédération : les clubs aussi doivent mettre des moyens à disposition de leurs équipes féminines. Ça, c’est quand même en bonne voie depuis plusieurs années. Que ce soit en D1 ou en D2, on voit vraiment des clubs qui sont investis et qui soutiennent leurs sections féminines, donc on est sur les bons rails, mais il était tout juste temps de le faire, et j’espère qu’on va pouvoir rattraper notre retard. » CSO : Charles, quels sont les principaux chantiers pour cette LFFP ? Charles : « Je salue sa création, mais reste assez perplexe sur ses moyens d’action. On est pour l’instant sur une coquille vide qui reste dans le giron de la FFF. On nous promettait une convention collective pour les joueuses avec un salaire minimum et une prise en charge pendant les grossesses, mais les négociations n’ont pas encore abouti. Tout n’est pas à jeter, avec la création de centres de formation et un quota de contrats fédéraux revu à la hausse. Il faudra un peu de temps pour voir les résultats, et pendant ce temps, les autres championnats prennent de l’avance. » CSO : On dit souvent que le football féminin suscite une certaine indifférence face à la concurrence écrasante du football masculin. Quel est ton point de vue ? Charles : « C’est un problème essentiellement français. Le football féminin remplit les stades en Angleterre, en Espagne et même en Australie où la Coupe du monde 2023 a été un détonateur. On espérait le même engouement en France après le Mondial 2019 mais le COVID est passé par là. Et, surtout, les instances n’ont pas su surfer sur la vague. La création de la LFFP, justement, va peut-être changer les choses. » CSO : La diffusion des matchs des féminines à la TV est un sujet épineux : pour certains, il est difficile de susciter l’engouement du public si l’on ne peut pas suivre les matchs, mais pour d’autres, acheter les droits TV des divisions féminines est délicat car l’audience ne sera peut-être pas au rendez-vous. Quel est ton sentiment là-dessus ? Charles : « On est avant tout sur un problème de

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Les femmes et le football [2/3]

Après avoir raconté comme le ballon rond a attiré des joueuses en Grande-Bretagne à partir de la fin du XIXe siècle, Culture Sang et Or se penche sur le développement du football féminin en France, jusqu’en 1945. Les débuts Le football féminin est né, comme son homologue masculin, en Angleterre. De l’autre côté de la Manche, il faut attendre les années 1910 pour qu’il fasse son apparition, d’abord en région parisienne. Un club omnisport de la capitale, le Fémina Sport, va ouvrir la voie en ajoutant le football à la liste des disciplines pratiquées en son sein. C’est le stade Élisabeth, dans le sud de Paris, qui en devient le siège. Le premier match de football féminin en France a lieu le 30 septembre 1917, opposant deux équipes de ce club. Son score de 2-0 est inscrit dans une brève du quotidien sportif L’Auto. Alice Milliat, sportive de haut niveau et présidente du Fémina Sport à partir de 1915, devient l’une des pionnières du développement du sport féminin, au moment où les hommes sont sur le front. « La France est un pays de préjugés où persiste le désir de tenir toujours les femmes en tutelle », déclare-t-elle à l’époque. En 1919, elle prend la tête de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF), renommée par la suite en Fédération féminine sportive de France (FFSF). Au sortir de la Première Guerre mondiale, les équipes féminines se multiplient. Un championnat parisien créé en 1919 s’étend deux ans ans plus tard à toute la France, avec dix-huit clubs engagés. L’année 1920 voit se dérouler les premières rencontres internationales féminines. Les Bleues se lancent dans une tournée caritative en Angleterre, à Preston, Stockport, Manchester et Londres. Ce sont ensuite les Anglaises qui effectueront le déplacement en France. Envolée avortée Mais d’après Laurence Prudhomme-Poncet, historienne, « cette période des années 1920 est suivie d’une période de régression. […] C’est à partir des premières rencontres franco-anglaises que les résistances vont se faire sentir et les critiques se développer. » Les propos tenus par le cycliste Henri Desgranges en 1925 illustrent bien le genre de commentaires que l’on pouvait entendre à l’époque : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui, d’accord. Mais qu’elles se donnent en spectacle à certains jours de fête où sera convié le public, qu’elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est inacceptable. » À ce moment-là, rappelons-nous que les joueuses anglaises ont déjà été bannies des stades par la Football Association depuis quatre ans. La tendance, pour les joueuses, n’est donc pas à l’optimisme. Le contexte politique des années 1930 n’aide pas la cause des femmes, et c’est bien là un euphémisme. Alors que le football masculin progresse en se professionnalisant – déjà –, les subventions accordées à la FFSF diminuent, puis disparaissent. Deux salles, deux ambiances. La FFSF se voit contrainte de cesser de soutenir le football féminin en 1933. Le championnat féminin disparaît en 1937, après avoir vu le nombre de ses clubs diminuer drastiquement. C’est le régime de Vichy qui portera le coup fatal le 27 mars 1941 en interdisant aux femmes la pratique de plusieurs sports, dont le football. Selon ces messieurs, l’activité sportive détournerait les femmes de leur vie familiale, en particulier du rôle de mère qui leur est intimé, qu’elles aient déjà enfanté ou non. Pire, elle encouragerait le lesbianisme. À compter de ce jour, les femmes n’ont plus le droit d’accéder aux terrains des clubs affiliés aux instances officielles. Les tentatives de justifications médicales et morales fleurissent. Les critiques les plus viles pleuvent contre celles qui s’obstinent à vouloir pratiquer leur discipline. Car certaines sportives en France et dans d’autres pays d’Europe font de la résistance, y compris en organisant des matchs clandestins, alors que tout est fait pour décrédibiliser et anéantir le football féminin. Les efforts de ces rebelles, bien que vitaux, restent un souffle tout juste suffisant pour ne pas voir s’éteindre les dernières braises de ce qui était encore, au lendemain de la Grande Guerre, un feu de joie. Dans un tel contexte, comment espérer un renouveau ? C’est ce que nous verrons dans la dernière partie, avec, bien sûr, un focus sur les féminines du RC Lens. À suivre… [La partie 1/3 de cette série est à lire ici]

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Les femmes et le football [1/3]

Ce lundi 1er juillet 2024, la Ligue féminine de football professionnel (LFFP) a enfin vu le jour. Reconnaissance extrêmement tardive, et pas de géant dans le football féminin français, d’autant qu’il reste encore un long chemin à parcourir. Culture Sang et Or revient sur cette histoire aussi passionnante que sujette à controverses, clichés et polémiques : celle des femmes et du football. Premier volet sur les pionnières britanniques. Les origines Le football féminin, à l’instar de nombreux sports collectifs, trouve ses racines en Angleterre. Malgré une mentalité très conservatrice, la fièvre du ballon rond qui s’est emparée du pays finit aussi par toucher les femmes. Le premier match officiel entre deux équipes féminines est organisé le 9 mai 1881 à Édimbourg. Il oppose des Écossaises à des Anglaises, sans qu’aucun club n’ait encore été créé. À cette époque, le Sheffield FC, premier club de football masculin, existait déjà depuis vingt-quatre ans, et la Fédération anglaise de football (FA) depuis dix-huit ans. Voici ce que raconte le Glasgow Herald, journal local, à propos de la rencontre : « Les jeunes femmes, qui devaient avoir entre dix-huit et vingt-quatre ans, étaient élégamment vêtues. Les Écossaises portaient des maillots bleus, des culottes [ndlt : des pantalons larges et courts de l’époque] blanches, des collants rouges, une ceinture rouge, des bottes à talon et un capuchon bleu et blanc. Leurs sœurs anglaises avaient des maillots bleus et blancs, des collants et une ceinture bleue, des bottes à talon et un capuchon blanc et rouge. » L’impulsion est donnée. Si l’initiative est bien accueillie ce jour-là, ce n’est malheureusement pas le cas lors de la rencontre suivante des joueuses écossaises à Glasgow, le 16 mai 1881. Voici ce que nous en dit le Nottinghamshire Guardian : « Ce qui sera probablement la première et la dernière démonstration d’un match de football féminin à Glasgow s’est déroulé lundi soir, à Shawfield. […] Le piètre entraînement des équipes ne présageait pas d’une excellente compétence de jeu, et si l’étalage de leurs tactiques footballistiques était désolant, ce n’était rien de plus que ce à quoi certains avaient dû s’attendre, et guère pire que les premiers efforts de nos clubs les plus illustres. » Le jugement est quelque peu cassant, mais, soulignons-le, le rédacteur observe que les prestations des footballeurs masculins n’étaient pas si différentes que cela à leurs débuts. Homme ou femme, quand on débute dans un sport, la qualité laisse à désirer. Merci Captain Obvious, diront certains. Un peu plus loin dans l’article, après avoir passé quelques commentaires vestimentaires visiblement indispensables, nous apprenons que les hommes chargés de jouer les arbitres étaient « encore plus ignorants des rudiments les plus élémentaires des règles » que les joueuses. Et qu’un violent envahissement de terrain est survenu à la 55e minute : les spectateurs – majoritairement des hommes – ont laissé éclater un irrépressible besoin de s’en prendre physiquement à elles. Ce n’est que grâce à l’aide de la police que ces dernières ont réussi à s’enfuir. Richard Holt, historien du sport, résume parfaitement la crainte des messieurs de l’époque : « Comment les hommes pouvaient-ils être des hommes si les femmes prenaient possession des activités mêmes à travers lesquelles la masculinité était définie ? » âge d’or et déclin forcé Malgré des heurts qui nous rappellent que la société victorienne est encore loin d’être tolérante, la pratique se développe aux quatre coins du Royaume-Uni, avec un engouement croissant. Mais elle est également perçue comme un acte politique. On compte parmi les pionnières du football féminin de nombreuses féministes revendiquées, autant issues de la classe moyenne que de l’aristocratie. Bien sûr, toutes les joueuses ne se reconnaissent pas comme telles, mais en ces temps-là, le simple fait de poser le pied sur le cuir revêt une dimension militante. En parlant de pied, il faudra tout de même attendre 1895, soit quatorze ans de pratique, pour que les joueuses puissent enfin porter des chaussures de sport adaptées. Cette même année, le premier club de football féminin voit le jour : le British Ladies Football Club, présidé par Lady Florence Dixie, une aristocrate correspondante de guerre et militante féministe. Ce club prendra notamment part à des confrontations face à des équipes masculines et s’illustrera par des victoires. L’anxiété monte chez certains hommes : le risque de voir leur supériorité remise en question dans la société n’est jamais pris à la légère. Le football féminin connaît son âge d’or en Angleterre au début du XXe siècle. Mais comme le laissaient présager les préoccupations égoïstes des hommes, son succès sera aussi éclatant qu’éphémère. Le 5 décembre 1921, alors que l’on dénombrait 150 équipes féminines en Angleterre et que leurs matchs pouvaient attirer jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, un coup de tonnerre éclate : l’association britannique de football, la FA, décide de bannir les femmes des terrains. Cette décision est prise au prétexte que « le football est inapproprié pour les femmes. » En vérité, les hommes de la fédération ne supportaient plus cette concurrence. L’interdiction perdurera pendant pas moins de cinquante ans, et ses effets se font ressentir aujourd’hui encore, comme en témoigne l’auteur et journaliste sportif Simon Kuper dans les colonnes du Spectator en 2022 : « Le moment qui a précédé la chute du football féminin peut être daté avec précision. Lors du Boxing Day de l’année 1920, le Dick, Kerr Ladies FC a battu le club de St Helen 4-0 dans un Goodison Park à guichets fermés, sous les yeux de 53.000 spectateurs ayant acheté leur ticket. C’en fut trop pour les hommes de la Football Association. Hystériques à la vue de ces femmes courant comme bon leur semblait, et effrayés par la concurrence du football féminin, ils le bannirent un an plus tard. “Le football est un sport tout à fait inapproprié pour les femmes”, décrètera la règle. À partir de ce jour, la FA a interdit aux clubs masculins de laisser les femmes utiliser leurs terrains. Les joueuses en furent réduites à utiliser des pulls en guise de poteaux de buts dans des parcs. Dans les années qui suivirent, un bon nombre des associations de football les plus éminentes

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L’union fait la force

En s’imposant 2-0 face à Lorient, bête blessée qui n’aura finalement pas piégé les Sang et Or, le RC Lens a engrangé une victoire qui fait du bien au classement comme dans les têtes, et qui apaise l’ambiance quelque peu tendue de ces derniers temps. Tout le monde serait bien inspiré de maintenir cette communion jusqu’à la dernière minute de la saison. Lucidité Le premier ingrédient notable de la semaine dernière, c’est la lucidité. D’abord dans les mentalités. Franck Haise en témoigne lors de la conférence de presse tenue la veille du match : « On est bien conscients qu’il nous manque de l’efficacité offensive, défensive, ou une certaine justesse. » Jonathan Gradit reconnaît lui aussi que l’équipe a « manqué de certaines choses lors de certains matchs » et que tout n’a pas été parfait. Le lendemain, les Artésiens ont su montrer sur le terrain que cette lucidité n’était pas feinte. Après avoir beaucoup tenté, en vain, ils ont su profiter d’un moment de flottement de la défense des Merlus. Le but d’Elye Wahi inscrit à la 57e minute a été salutaire, sans doute autant pour le club que pour le joueur après les critiques virulentes qu’il a dû essuyer. Il se trouve que ce onzième but avec le Racing est aussi son quarantième en Ligue 1. Seuls Karim Benzema et Kylian Mbappé se sont montrés plus précoces que lui. Pour le célébrer, le jeune attaquant a brandi son maillot comme un étendard : il va falloir compter sur lui jusqu’au bout, quoi qu’en disent les mécontents. Un geste qui rappelle celui de Loïs Openda la saison passée, lui aussi décisif après un moment de doute. Cette lucidité s’est également vue chez ses camarades. Comme pour faire écho au superbe démarrage de l’année 2024, David Pereira Da Costa imite son acolyte une vingtaine de minutes plus tard, lui qui n’avait plus marqué depuis février. Notons également la belle inspiration de Nampalys Mendy et d’Adrien Thomasson, deux joueurs souffrant souvent – comme la plupart de l’effectif – d’un certain manque d’éclat cette saison, mais auteurs d’une passe décisive chacun lors de ce match. Communion S’il est un autre ingrédient dont les Sang et Or sont censés avoir le secret, c’est cette communion entre les joueurs et les supporters. En conférence de presse, Jonathan Gradit a su en souligner l’importance : « Je me rappelle du match contre Arsenal à domicile. Avec des supporters différents, nous n’aurions peut-être pas remporté ce match. » Sur la question de l’exigence de ces mêmes supporters, tout du moins une partie d’entre eux, il déclare : « Oui, il y a des réactions peut‑être disproportionnées par moment, mais […] on a besoin d’eux pour décrocher quelque chose de fantastique. » Nous retiendrons surtout de sa prise de parole cette dernière phrase, qui résume tout : « Il faut arriver à tous tirer dans le même sens. » Tirer dans le même sens, et initier une réciprocité dans cette volonté d’être unis, c’est ce que les joueurs ont eu l’intelligence de faire ce vendredi. À Bollaert-Delelis, les hommes de Franck Haise n’ont cette fois pas rechigné à célébrer leur victoire avec les supporters. Si cette célébration arrive un peu tard dans la saison, voyons tout de même le verre à moitié plein : elle a fait du bien au moral. Sur le terrain comme en tribunes. Ces ingrédients-ci seront-ils suffisants pour une fin du championnat réussie ? Le RC Lens doit encore affronter Rennes et Montpellier avant de clore une saison plus que mouvementée. On ne pourra hélas plus compter sur Neil El Aynaoui, ni sur Kevin Danso, dont le centième match sous les couleurs Sang et Or pourrait bien avoir été le dernier. Espérons que les joueurs restants et l’ensemble du staff lensois sauront s’inspirer de cette rencontre de vendredi, où tous ont mis du cœur à l’ouvrage, à l’entame du sprint final.

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Grain de sable dans la machine

L’impression laissée par le match de vendredi à tous les supporters lensois est terrible. Les défaites font partie du sport, et les faux pas peuvent arriver. Mais c’est surtout l’attitude des joueurs ces derniers temps qui a du mal à passer. Après l’Espoir Que vaut ce RC Lens millésime 2024 ? En juger avec ce seul Metz-Lens serait cruel. L’année avait commencé sous de bons auspices en Ligue 1, avec, hormis la défaite contre le Paris Saint-Germain, trois victoires d’affilée qui nous ont bien vite fait oublier notre élimination précoce en Coupe de France. Surtout, un grand motif de réjouissance est apparu : la résurrection de David Pereira Da Costa, buteur lors de ces trois victoires en championnat, bien accompagné par un Elye Wahi qui semble enfin avoir trouvé comment passer la vitesse supérieure. Le mois de février s’est achevé plus péniblement avec un passage express en tour préliminaire de Ligue Europa qui nous a laissé un goût amer, un match nul contre Reims et une défaite contre Monaco. Trop de jaune et de rouge sur le calendrier des résultats, plus assez de vert. On a cru que la machine artésienne repartait de bon pied avec six points pris contre rien moins qu’un Olympique Lyonnais en pleine résurgence, et un Stade brestois qui a depuis longtemps pris le large en haut du classement. D’autant plus qu’Elye Wahi et David Pereira Da Costa s’illustraient encore. Si tout n’était bien sûr pas parfait, les rouages semblaient suffisamment bien huilés pour assurer à la locomotive Sang et Or une progression comptable amplement satisfaisante. LE Grain de sable Mais la joie aura été de courte durée. Contre Nice, Lens a décidé de se saborder tout seul en offrant une large victoire aux hommes en rouge et noir, sous le regard d’un Bollaert médusé. Le but d’Elye Wahi à la 76e minute n’aura pas suffi à rattraper les erreurs lensoises. Dans le derby, nos joueurs n’y étaient pas non plus. Une seule équipe avait envie de gagner, et ce n’était pas Lens. Encore une fois, le but d’Elye Wahi à la 78e ne fait pas basculer la rencontre. Les supporters lensois comptaient sur un enchaînement de trois matchs contre des adversaires coincés en bas de tableau pour se relancer : Le Havre, Metz et Clermont. C’est simple, ajoutez à ces noms celui de Lorient et vous avez les quatre clubs les plus bas dans le classement. Alors, l’objectif était clair : prendre les 9 points sans tergiverser avant les deux rencontres cruciales à Marseille et à Rennes. « J’adore quand un plan se déroule sans accroc », se gargarise Hannibal Smith dans L’Agence tous risques. Nous espérions tous pouvoir déjà lâcher cette réplique à l’issue de ce week-end, mais nos joueurs en ont décidé autrement : match nul contre Le Havre, et défaite contre Metz. Soit les mêmes résultats qu’à l’aller. Le RC Lens que l’on voit sur le terrain n’est ni inspiré ni inspirant, et pire encore, il ne semble pas vouloir se donner les moyens d’inverser la tendance. Les changements pour le moins radicaux de Franck Haise au stade Saint-Symphorien n’y auront rien fait. Le mental n’est plus là. Et la question qui nous taraude tous est : pourquoi ? La lumière se serait-elle éteinte lorsque le rideau de la scène européenne s’est refermé sur nous ? Y avait-il tant que cela de nos joueurs qui surperformaient la saison passée, ou bien sont-ils plutôt nombreux à sous-performer cette saison ? Ont-ils déjà la tête ailleurs ? Quelque chose s’est-il cassé dans le vestiaire ? Pourtant, malgré un début de saison dramatique, le Racing a réussi à se hisser à la 6e place du classement. Bien des clubs aimeraient se trouver à cette même place ! L’Europe est encore un objectif réaliste. Et le board artésien, malgré les émois en interne, répond toujours présent : il vient de prolonger l’un de nos joueurs phares, Facundo Medina, première pierre officiellement posée sur le chantier de la saison prochaine. Alors pourquoi baisser les bras ainsi ? Avec un tel contenu ces derniers temps, le souffle chaud de nos concurrents directs se rapproche dangereusement. Il est grand temps de poser le doigt sur ce grain de sable et de le balayer en vitesse, avant que la machine ne s’enraye irrémédiablement. Au charbon !

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European Hangover

Gueule de bois à l’européenne : c’est cruel, le football. On espère, on vibre, on exulte, on attend, on serre les dents, on prie, et parfois, le destin nous assène un coup de poignard dans le dos. Inspirons un grand coup et prenons un peu de recul. La fin de notre belle aventure européenne fait mal, mais on a connu pire. Tellement pire. Dernier espoir européen Le jeudi 15 février, vingt-quatre équipes pouvaient encore théoriquement prétendre à la victoire finale en Ligue Europa : les seize équipes des barrages de la phase à élimination directe, et les huit vainqueurs de la phase de groupes, qui attendaient patiemment de rentrer à nouveau dans la danse. Parmi ces vingt-quatre, il y avait du beau monde : l’AC Milan, Liverpool, l’Atalanta Bergame, West Ham, l’AS Rome, sans oublier un Bayer Leverkusen en tête du championnat allemand cette saison. Et il y avait le RC Lens. De ces barrages, la moitié des clubs allait voir son parcours s’arrêter brutalement. Ce sont les lois du sport, les lois du football, et elles s’appliquent à tous. « Car à la fin, il n’en restera qu’un », comme dirait l’autre. Et parmi ces clubs encore en lice se trouvait le SC Fribourg. Notre adversaire. Le lion à occire pour espérer entrer dans l’arène des huitièmes de finale. Certains parlaient d’un « tirage clément ». Mais n’y a pas d’adversaire facile quand on est le petit poucet dans une compétition que l’on n’a plus connue depuis presque deux décennies, peu importe la dynamique en championnat de l’une et l’autre équipe. Le match aller nous a rappelé la rudesse d’une confrontation européenne. Les Allemands savent y faire, et ce ne devait être une surprise pour personne. Le score vierge pouvait être frustrant, tout comme le contenu du match, mais ne pas avoir encaissé de but était déjà une bonne chose. Dernière danse Frank Haise et ses hommes ont semble-t-il su tirer des leçons de cette première confrontation, car c’est avec de bien plus belles intentions que le Racing a démarré le match retour en terres fribourgeoises. Le petit prince de la Gaillette, David Pereira Da Costa, nous a fait lever de nos sièges en ouvrant le score à la 28e minute. Puis Elye Wahi, en doublant la mise juste avant la mi-temps, nous a laissé croire que nous venions d’enfoncer un second clou dans le cercueil des joueurs allemands. Ces dernières saisons, Lens en a connu, des retours de vestiaire difficiles. Et malheureusement, ce match n’a pas fait exception. Fribourg, un peu plus frais grâce à deux changements effectués dès le début de la seconde période, a mis le pied sur le ballon face à des Lensois qui ont vu leur assurance leur glisser entre les doigts. Bientôt, elle sembla loin, cette maîtrise affichée en première partie. La tension s’est accentuée juste avant un coup-franc allemand. Przemysław Frankowski et Florian Sotoca ont tous les deux écopé d’un carton jaune. Nous n’étions plus concentrés. Ritsu Doan a tiré. Roland Sallai a marqué. Après cela, la difficulté du match s’est encore intensifiée pour les Lensois, aux prises avec une bête allemande blessée qui refusait de mourir. Six minutes après avoir subi cette réduction de l’écart, Frank Haise a procédé aux premiers changements : Ruben Aguilar et Morgan Guilavogui sont rentrés, sifflant la fin de match pour Frankowski et Wahi. Un peu plus tard, ce fut au tour de Jhoanner Chávez et David Pereira Da Costa de céder leur place à Massadio Haïdara et Angelo Fulgini. Hélas, on ne peut pas dire que cette fraîcheur ait fait se lever un véritable vent de révolte du côté des Lensois, qui ne parviendront pas à asséner le coup fatal. Deux minutes avant la fin du temps additionnel, alors que tous les supporters regardaient le chronomètre en retenant leur souffle, le coup du sort s’abat : Fribourg égalise et arrache les prolongations. Nos hôtes prennent le large à la 98e minute. Lens ne reviendra pas au score. Nouvelle expérience européenne On retiendra quelques occasions lensoises ratées qui auraient pu changer le cours de l’histoire si elles avaient bien voulu finir au fond des filets, mais également plusieurs arrêts salvateurs de Brice Samba. Le scénario est cruel, presque sadique. C’est le football de haut niveau. Dans ce contexte, il est bon de se rappeler ces mots célèbres : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends. » Ce soir-là, le RC Lens a eu de quoi avoir des regrets. Mais il a appris.   Ces dernières années, le club a évolué à vitesse grand V. Une progression impressionnante que notre ambition toujours plus folle nous pousse parfois à minimiser, à coups de « oui, c’est bien joli tout ça, mais maintenant, il faut viser plus haut ! » Bien sûr qu’il faut toujours viser plus haut. C’est le moteur même du sport. Mais attention aux vertiges des hautes altitudes : là-haut, l’oxygène se fait plus rare, et il faut s’acclimater intelligemment. Nombreux sont ceux qui peuvent se brûler les ailes en voulant atteindre le soleil trop vite, sans réfléchir, sans apprendre de leurs erreurs. Des erreurs, le Racing en a commis. Il a aussi pâti du manque d’expérience de ce groupe à un tel niveau. Mais qui pouvait sincèrement penser que nous ne ferions aucun faux pas ? Que nous roulerions sur tout le monde avec l’assurance insolente des plus grands monstres du football ? Des clubs avec une expérience internationale bien plus fournie que la nôtre en commettent chaque saison, des erreurs ! Alors nous, petit poucet de la scène européenne, grande surprise de la saison 2022-23 en championnat, qualifiés en Ligue des champions après être remontés en Ligue 1 trois ans auparavant, nous n’en ferions pas ? Nous aurions la prétention de nous croire plus forts, plus malins, plus talentueux ? Non. Tomber face au SC Fribourg, qui joue sa troisième Ligue Europa en sept saisons, fait partie de l’apprentissage normal. Désormais, il va nous falloir encaisser rapidement cette déception et nous remettre la tête à l’endroit. Car cette saison, s’il se donne les moyens de ses ambitions, le Racing peut aller chercher à nouveau

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Émoi en Artois

L’hiver dernier, le RC Lens avait prolongé un bon nombre de joueurs clés et accueilli dans ses rangs Adrien Thomasson et Angelo Fulgini, deux renforts qui se sont révélés très intéressants pour la deuxième moitié de saison 2022-23. Cette année, c’est finalement sur un mercato hivernal très calme que les portes se sont refermées. Cela n’a pour autant pas empêché la neige du mois de janvier d’apporter son lot de rumeurs et d’interrogations. Bilan comptable Une seule arrivée en tout début de mercato est à noter, celle du piston gauche Jhoanner Chávez, qui a déjà eu l’occasion de se montrer contre le PSG et Toulouse et laissé une très belle première impression. De l’autre côté de la balance, plusieurs départs ont été enregistrés : Faitout Maouassa est reparti à Bruges pour être prêté dans la foulée à Grenade. Wuilker Faríñez, que le club a libéré de son contrat six mois avant son terme, est retourné librement au Caracas FC. Sa blessure au genou survenue en juin 2022 l’aura privé d’un destin de portier numéro un chez les Sang et Or. Et enfin, le jeune Óscar Cortés a été prêté avec option d’achat chez les Glasgow Rangers. Un bilan qui n’annonce donc pas un souffle de renouveau sur les terres artésiennes. Pourtant, il aurait pu en être autrement, car un autre joueur nettement plus important dans le vestiaire lensois avait été pressenti sur le départ. Le « cas Haïdara »… Massadio Haïdara, dont c’est déjà la sixième saison au Racing, a fait l’objet d’un intérêt poussé du FC Nantes pendant les dix derniers jours du mercato pour permettre le départ de leur arrière gauche Quentin Merlin à l’OM. Le club à l’hermine avait d’ailleurs obtenu l’accord du joueur malien, sous contrat avec le RC Lens jusqu’en juin 2025. Il a été question d’un transfert entre 1,5 et 2 millions d’euros, à condition de lui trouver un remplaçant. Ce qui n’a pas été le cas. Se queda, comme on dit. Hormis cette incertitude qui a tout de même perduré pendant plusieurs jours, un autre détail a remué les eaux très calmes de ce mercato : la réaction de Franck Haise sur son potentiel départ. « Je n’ai jamais souhaité que Massadio parte », a-t-il assuré en conférence d’avant match contre Toulouse. Avant d’ajouter : « La direction sait aussi très bien ce que j’en pense. Je suis là pour avoir le meilleur groupe possible, pour faire la meilleure fin de saison possible. Ce n’est pas pour autant que l’entraîneur est toujours écouté. […] On a beaucoup de communication entre nous, mais on n’est pas toujours obligés d’être d’accord. » Et un cas Franck Haise ? Cinq jours plus tard, un communiqué du club a annoncé que le technicien normand quitte le poste de manager général pour se recentrer « sur la fonction de Manager de l’équipe professionnelle. » Y aurait-il de l’eau dans le gaz entre Franck Haise et le reste du board lensois ? C’est ce que beaucoup ont redouté, et cela peut se comprendre, car les signaux de ces derniers jours n’étaient pas des plus glorieux. Heureusement, Franck Haise a clarifié la situation dès le lendemain. Cette décision a été le fruit d’une réflexion personnelle entamée dès la fin de l’année 2023 : « Je souhaitais préserver mon énergie pour la recentrer sur mon cœur de métier, celui que j’aime le plus, c’est d’être au contact de mes joueurs, de mon staff, et d’être entraîneur », a-t-il expliqué. C’est donc bien l’entraîneur lensois qui a fait part de son choix à Arnaud Pouille et Joseph Oughourlian, et non l’inverse. Ces derniers ont par ailleurs fait preuve de beaucoup d’écoute et de compréhension. Frank Haise pourra donc prendre du recul et se concentrer sur l’essentiel. Un choix qui ne peut qu’être bénéfique au club et qui souligne, comme si c’était encore nécessaire, l’intelligence du coach là où d’autres se seraient sans doute obstinés jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Et pour ceux qui auraient encore des doutes sur son état d’esprit, ces mots devraient les rassurer : « Il n’y a pas cinquante solutions, soit j’arrête d’entraîner, soit j’arrête d’être manager général. Et comme j’aime trop mon métier d’entraîneur et que je veux le faire encore pendant plusieurs années, j’ai pris l’autre décision. » On peut se féliciter que l’entraîneur des Sang et Or ait su prendre la hauteur nécessaire au moment opportun. En parlant de hauteur, justement, voilà encore un signe qu’il est toujours en pleine forme : son exil forcé en tribunes l’a amené à constater que la vue y était bien meilleure qu’au bord de la pelouse. Au point même qu’il envisage la possibilité de rester en tribune pendant les premières périodes !   Ainsi donc, il y aura eu plus de peur que de mal cet hiver. L’un des joueurs clés du vestiaire que l’on pensait voir partir reste, et notre entraîneur qui semblait montrer des signes de fatigue ou de contrariété a apporté des éléments rassurants. Bien sûr, le football étant ce qu’il est, impossible de prédire quel sera l’avenir de l’un comme de l’autre une fois la saison terminée. Alors concentrons-nous sur le présent. Ce mercato hivernal désormais clos, le restant de la saison semble avoir pour maître mot la stabilité. La recette est différente de celle de l’hiver précédent. L’avenir nous dira si elle est aussi judicieuse – le match de ce week-end étant déjà de bonne augure.  

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