CULTURE SANG & OR

Anton Marek, l’homme au bandeau

Découvrez l’histoire d’Anton Marek, dit Tony Marek, aussi connu sous le surnom de « l’homme au bandeau », dont le nom est aujourd’hui associé à une tribune emblématique du stade Bollaert-Delelis. Pendant près de deux décennies, le défenseur autrichien a gravé sa légende dans la cité minière, avec ses qualités d’athlète hors du commun.

Anton Marek
Photo La Saga des Sang et Or

Né le 9 février 1914 dans les faubourgs de Vienne, Anton Marek commence son parcours footballistique en rejoignant le club de Nord Wien à l’âge de 17 ans. À peine deux ans plus tard, il franchit le pas du professionnalisme en signant pour le Wacker de Vienne, où il a l’opportunité de côtoyer des joueurs de talents comme Karl Zisckek, Franz Hanreiter ou encore Anton Windner. Mais prononcez son nom en Autriche, et vous n’aurez aucune réaction : il y est aujourd’hui inconnu, faute d’y avoir fait sa carrière. À seulement 20 ans, ce défenseur gauche talentueux quitte ses parents, Thomas Marek et Maria Nowotny, pour rallier la France et sa capitale. Il a été recruté par le Stade français, qui évolue en deuxième division.

Il ne quittera plus jamais le championnat français, que ce soit en tant que joueur ou entraîneur. Cependant, cela commence difficilement. Quelques mois après l’arrivée de l’Autrichien, le Stade français est contraint de se retirer de la compétition en raison de difficultés financières, le 5 décembre 1934. C’est ainsi que Marek se retrouve sur la liste des transfert avec d’autres joueurs, dont ses compatriotes Walter Presch et Josef Hanke.

Le RC Lens saisit l’opportunité et acquiert Anton Marek pour la modique somme de 8 300 francs. Un jour de décembre 1934, le pauvre Anton Marek débarque sur les quais de la gare de Lens vêtu d’un maigre pardessus et d’une valise contenant son peu d’effets personnels. Ce jeune homme, qui avait espéré trouver une vie meilleure en France comme tant d’autres Viennois, se retrouve alors presque sans ressources dans une ville qu’il ne connaît pas, toute consacrée à l’industrie du charbon.

Quel avenir ?

En huit années marquées par sa volonté et sa persévérance, ce grand et solide athlète de 80 kilos, au tempérament bien trempé, gravit les échelons pour devenir le capitaine respecté et l’entraîneur écouté d’une des équipes française les plus performantes de son époque. De plus, grâce à une très belle histoire d’amour, il va devenir aussi l’un des plus notables commerçants de la ville.

Après deux saisons et demie au club, Anton Marek devient champion de France de deuxième division, ce qui permet au RC Lens d’accéder pour la première fois de son histoire à l’élite du football français. Quelques semaines après une saison exceptionnelle sur le plan sportif, il célèbre le 16 mai 1938, son mariage avec Nelly Vanbeselaere, la fille d’Arthur Vanbeselaere, membre éminent de la société Les Amis du Racing et propriétaire d’un café-tabac de la place de la Gare à Lens. La même année, alors que l’Autriche perd son indépendance, rattachée au Reich allemand par l’Anschluss, il est naturalisé français. Il effectue son service militaire au 3e régiment du génie à Arras.

Anton Marek
Photo Les Immortels du foot nordiste

Anton Marek fait le bonheur du RC Lens jusqu’en 1939, date à laquelle il est mobilisé pour la Seconde Guerre mondiale. Il se retrouve séparé de sa famille par l’invasion allemande. En attendant de pouvoir retrouver son foyer, il rejoint l’équipe de Toulouse en zone libre pour la saison 1940/1941, avec laquelle il atteint la finale de la coupe de France contre Bordeaux (défaite 3-1).

De retour à Lens en 1941, Anton Marek participe au championnat de la zone interdite. L’année suivante, il prend la relève de Georges Beaucourt en tant qu’entraîneur-joueur et conduit son équipe au titre de champion de France de la zone Nord. Il devient également champion de France avec l’équipe fédérale de Lens-Artois en 1944. Tout lui réussit puisqu’il connaît sa première sélection en équipe nationale, le 30 septembre 1944, lors du match opposant la France libérée à la Grande-Bretagne (défaite 5-0).

Direction la côte d’Azur

Anton Marek avec Nice
Anton Marek (en haut, 4e) avec l’équipe de Nice en 1948
Photo Gallica

Après une relégation en deuxième division avec Lens en 1947, Anton Marek pose ses valises avec sa femme et son jeune fils Michel dans la ville de Nice. Toujours comme entraîneur-joueur, il mène l’équipe azuréenne en division nationale et assure son maintien à une bonne position, avant d’être remercié et remplacé par Émile Veinante. C’est là que s’arrête sa carrière de joueur. Par la suite, il dirige l’équipe de Cannes pendant deux saisons, puis celle de Draguignan pour la saison 1952/1953.

Le retour aux sources

Anton Marek
Marek et René Gouillard
Photo Gallica

Anton Marek fait son retour en 1953 au Racing Club de Lens, qui a renoué avec la D1 quatre ans auparavant. Le club est en plein essor sur le plan sportif, et « Tony » Marek bâtit une formation qui, contre toute attente, devient la place forte du football nordiste au lieu du redoutable LOSC. En 1956, il est tout proche de remporter le premier titre de champion de France du club, terminant à la deuxième place, à seulement un petit point derrière un rival qu’il connaît bien, Nice.

Son contrat arrive à expiration. Marek, dans ces années où le statut des joueurs et entraîneurs est particulièrement précaire, réclame entre autres conditions un nouveau contrat portant sur cinq ans. Cependant, le comité du club rejette ses demandes. C’est donc l’entraîneur d’Angers, Karel Michlowsky, qui le remplace la saison suivante. Anton Marek prend ensuite les rênes de Monaco pour une saison et demie jusqu’en 1957, avant de se retirer du monde du football. Il décède six ans plus tard, le 6 février 1963, quelques jours avant ses 49 ans.

Mais il n’est pas oublié. En 1997, à l’occasion des rénovations du stade Félix-Bollaert pour la Coupe du monde, le RC Lens rebaptise Marek la section inférieure de la tribune latérale populaire, érigée en 1974 et surnommée Seconde. C’est dans cette tribune que réside le kop lensois. Sa position latérale, contrairement aux autres enceintes où les kops sont généralement situés derrière les buts, en fait l’une des caractéristiques les plus distinctives de Bollaert-Delelis.

Anton Marek
Anton Marek
photo RCL, un siècle de passion en Sang et Or

Tony Marek, ce n’est pas l’arrière aux envolées spectaculaires, aux arrêts acrobatiques. C’est mieux que cela : c’est un costaud, c’est l’athlète au métier parfait, à la technique assurée joint la souplesse à la vigueur. Il sait se faire écouter de ses hommes, il sait aussi se faire respecter de l’adversaire.

Roger Dufer, L’Auto-Vélo, 7 janvier 1943

Sources :

  • rclens.fr
  • Archives du Pas-de-Calais
  • 50 ans de football dans le Pas-de-Calais par Olivier Chovaux
  • But, 17 septembre 1946
  • L’Auto-Vélo, 7 janvier 1943
  • Le Réveil du Nord, 25 octobre 1941
  • O.G.C Nice : le roman des Aiglons par Roger Driès et Jean Chaussier
  • Secrets de transferts par David Derieux et Grégory Lallemand
  • La Saga des Sang et Or par Laurent Dremière
  • Les Immortels du football nordiste par Paul Hurseau et Jacques Verhaeghe
  • Racing Club de Lens, un siècle de passion en sang et en or par Isabelle Dupont, Dominique Paquet et Patrick Robert
Vous souhaitez partager l'article ?
Retour en haut