Le Choix des Hommes, ou tentative d’analyse d’un mercato parfaitement maîtrisé
Cette semaine marque le retour du football français dans nos quotidiens d’aficionados lensois. Et beaucoup s’enflamment sur la destinée future du RC Lens. La perspective de voir le club artésien se maintenir en L1 pour son grand slash vrai retour dans l’Elite est réelle. Plus que ça, elle semble aujourd’hui presque actée. « Doucement, doucement », me susurre une douce voix dans la partie arrière de mon cervelet, encore endolorie par les fêtes de fin d’année. Oui, doucement, car il y a encore des matchs à jouer. Beaucoup de matchs à jouer. Mais comme toujours, c’est avec un froid recul que je souhaite analyser les faits. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de me pencher, pour Culture Sang et Or, sur ce qui sera certainement la base du succès de « l’opération maintien » du RC Lens en Ligue 1 ; le choix des hommes.
Trop souvent, le supporter se perd dans les analyses mercato. Été comme hiver, c’est toujours la même rengaine. Et comment pourrait-on le lui reprocher ? Aux rumeurs twittériennes, aux annonces farfelues de certains journalistes, aux fausses-pistes de certains agents, s’ajoute désormais la grande discrétion des dirigeants lensois, passés maîtres dans le subtil art du recrutement. Quand on est supporter du Racing Club de Lens en 2021, il est quasiment impossible d’avoir une information sur ce qui se trame en coulisses. Preuve que « ça bosse bien ».
Rome ne s’est pas construite en criant César !
Le choix des hommes, c’est la clef de la réussite. C’en est même absolument essentiel. Dans le recrutement de toute personne, il y a plusieurs étapes. D’abord, on « scout », puis on recrute. La première phase est longue, et nécessite un investissement continu. Rome ne s’est pas construite en criant César ! La base de données de Luis Campos non plus. Le scoutisme, anglicisme utilisé à outrance dans le football moderne, consiste à définir le profil de compétences qui manquent à un collectif, et d’alimenter une base de données de joueurs (mais pas que), tout en la segmentant avec des priorités différentes. Puis, vient la plus prosaïque étape d’approche, de négociation, et quand l’accord finit par être total, de signature.
Comme indiqué dans le paragraphe précédent, la phase de scoutisme concerne en grande partie les joueurs, acteurs privilégiés de ce sport qu’est le football. Mais pas que. On développera cette partie en fin d’article. Aujourd’hui, beaucoup de supporters, et même de nombreux journalistes qui suivent ce sport, ne considèrent que la partie visible d’une équipe de football. On se rappelle tous des premières analyses sur le début de saison réussi du « Racing Club ». Pour beaucoup, la destinée sportive des Sang et Or ne reposerait que sur la soyeuse patte gauche de Gaël Kakuta. A mi-saison, le bilan du RC Lens sur le recrutement est un succès total, et celui-ci ne se limite pas au simple prêt payant avec option d’achat obligatoire de l’enfant prodigue de la Gaillette. Explications.
On parle souvent de tête de gondole, terme emprunté au merchandising de la grande distribution pour parler de ce qui va incarner au mieux une campagne x ou y. Dans notre cas, il s’agirait de définir qui est la tête de gondole du recrutement estival du RC Lens pour la saison 2020/2021 ? Est-ce Kakuta ? Fofana ? Ganago ? Difficile à dire, car en fait, le recrutement du RC Lens s’est vite avéré bien plus équilibré que beaucoup semblaient le dire. Comme cela a été débriefé dans l’émission CSO du 4 janvier, certains concurrents comme Lorient ne peuvent aujourd’hui se targuer d’avoir renforcé toutes les lignes de leur effectif de la même façon que l’a fait le RC Lens. Car pour obtenir une telle réussite, il faut forcément avoir effectué un formidable travail en amont. Qui nécessite lui-même une vision extrêmement claire.
Il faut aussi prendre en considération le fait que le RC Lens s’est donné les moyens financiers pour attirer ces pointures.
Depuis sa prise de poste, Franck Haise sait où il veut aller en termes de jeu et certainement d’objectifs sportifs (qui eux, sont fixés par sa hiérarchie). Le travail avec l’autre cheville ouvrière du succès lensois, à savoir Florent Ghisolfi, a permis à l’ensemble sportif lensois de recruter des joueurs dont le profil s’inscrivait parfaitement avec le projet de jeu que souhaitait mettre en place le coach. Tout en respectant l’équilibre financier. Les « coups » Kakuta et Fofana peuvent être classés dans la catégorie des transferts d’exceptions, tant ces joueurs pouvaient prétendre à jouer dans un club plus « huppé » de par leur qualité intrinsèque. Et il faut aussi prendre en considération le fait que le RC Lens s’est donné les moyens financiers pour attirer ces pointures. Mais parler de ces deux joueurs étant relativement facile, tant leur plus-value dans le collectif était attendue, j’aime illustrer le brillant mercato lensois avec le cas Issiaga Sylla. Critiqué avec véhémence à sa signature, le profil de Sylla a finalement contribué au fait que le collectif de Haise a su mettre en bouteille de nombreuses équipes de L1 depuis le début du championnat. La capacité du Guinéen à répéter les efforts sur les phases de « contre-pressing » était une des clefs pour comprendre son transfert. Une des clefs, car dans le football, il n’y a pas d’équation à une inconnue.
Issiaga Sylla (crédit photo | rclens.fr)
Le succès du mercato réside aussi dans la capacité à conserver des éléments, et de compter sur leur progression en vue d’apporter une plus-value dite gratuite à l’effectif. Dans le cas du RC Lens, étant donné son statut de promu, il s’agissait d’identifier quels étaient les joueurs de Ligue 2 qui réussiraient à franchir le cap de la Ligue 1 afin d’être compétitifs dans l’Élite. Là encore, l’homme qui a fait débat avant d’éteindre les critiques est le quatrième joueur le plus utilisé par Franck Haise depuis le début de saison ; Florian Sotoca. Courses à répétition, déviations de la tête, jeu dos au but, Sotoca apporte une alternative au jeu Sang et Or, et aura fait une première partie de saison à un niveau que nul n’espérait. Même certains de ses coéquipiers, si on s’en réfère à la déclaration de Gradit du début de saison, qui avouait avoir confié à son pote que « La Ligue 1, ça serait peut-être difficile pour lui ». La grande majorité de l’effectif L2 (si ce n’est tout le monde) a su se mettre au niveau de la L1, certains avec plus d’efficacité que d’autres. Jonathan Clauss est également une recrue de très grande valeur, dans la mesure où il venait lui d’une deuxième division étrangère, et a signé au RC Lens en tant que joueur libre.
Il y a également l’incorporation des jeunes joueurs dans l’effectif professionnel. A Lens plus qu’ailleurs, on aime voir La Gaillette sortir des jeunes talents. Cette saison encore, on le voit, on le sent, certains frappent à la porte et commencent même à l’entrouvrir. C’est le cas de Boura, qui épate sortie après sortie. Pereira Da Costa n’est pas loin. D’autres devraient bénéficier du matelas comptable pour pointer le bout de leur nez, si ces derniers ne sont pas prêtés cet hiver. Les arrivées de Loïc Badé du Havre, de Boris Enow de FC Porto, et le prêt avec option d’achat de Kalimuendo, démontrent que Lens surveille également de nombreux jeunes joueurs évoluant dans les équipes réserves européennes. Pour un travail dit de « post-formation ». Facundo Medina et Wuilker Fariñez, jeunes espoirs du football sud-américain, représentent quant à eux un peu tout ce qui a été évoqué dans les paragraphes précédents.
Hommes de l’ombre
Enfin, je ne peux conclure ce billet sans parler du recrutement invisible. Celui dont peu de personnes ne parlent. Les hommes de l’ombre. Ceux qui tirent les ficelles. En cela, et outre le choix audacieux de nommer Franck Haise au milieu de la tempête hivernale de début 2020, les dirigeants ont su « staffer » le RC Lens avec de la compétence à tous les étages. L’arrivée de Laurent Bessière et son équipe à la Performance est à mes yeux un des facteurs x qui permettent d’expliquer l’excellent début de saison du sportif. Le retour d’Eric Assadourian à la formation est un gage de réussite, et permet d’entrevoir le long-terme avec confiance. Il sera secondé par Eric Sikora, légende du club. Lens étoffe également son équipe de recruteurs, avec les retours de Bijotat (Nord) ou Yahia (région parisienne), et le recrutement de Grégory Thil (Centre). Sans parler de Sylvano, ancien capo Tigers désormais speaker terrain.
Le RC Lens abat un travail assez exceptionnel sur la dimension « recrutement », et ce terme, bien souvent galvaudé, est en fait extrêmement réducteur. Que ce soit le recrutement de joueurs confirmés, de talents sur le point d’exploser, ou encore le recrutement interne, Lens a pour le moment presque tout juste. Et on a tous le sentiment que le début de saison réalisé par les Sang et Or va permettre au club de passer les crises COVID et Mediapro avec beaucoup plus de sérénité que certains de nos concurrents. D’ailleurs, qui sont-ils actuellement ?
Ecrit par Antoine (@l2F_bm)