Le style tranche. Le nouvel homme fort du sportif est plus jeune que Florian Sotoca, mais sa poigne ne laisse aucune place au doute. Will Still débarque dans l’Artois avec son flow très singulier.
Photo Icon Sport
Braine-l’Alleud, banlieue aisée de Bruxelles. On est proche de Waterloo, de la Butte au Lion. Terre de défaites françaises à quelques encablures de ce qui est devenu la capitale belge : le Brabant wallon, connu pour ses villages calmes et chics. C’est ici qu’est né William Still, nouvel entraîneur du Racing Club de Lens, le 14 octobre 1992. Ses parents, anglais, avaient décidé de quitter la perfide Albion pour s’installer au plat pays. On a échangé avec Sidney Brosteaux, ami d’enfance du nouveau coach du RC Lens. « Will ? On se connaît depuis un moment. Il a un an de moins que moi. On jouait dans le même club quand on était gamins. De temps en temps il venait jouer avec nous en étant surclassé. Edward, son grand frère, a un an de plus que moi, et j’allais parfois jouer dans sa catégorie quand j’étais à mon tour promu. Son petit frère Nico était notre gardien. »
Will Still retournera bien vite en Angleterre, à l’âge de 17 ans plus précisément. L’objectif est de se former au métier de « football manager » au sein du Myerscough College, situé dans la ville de Preston. C’est au sein de l’historique club de la ville, Preston North End, que Will Still fait ses premiers pas dans l’univers du ballon rond, travaillant comme assistant auprès des U14. Il a trouvé sa voie.
Will Still avec Sidney quand il devient « T1 » du Beerschot
En 2014, son pays natal le rappelle. « Tout s’est fait naturellement. Il a toujours été là au bon moment. Il a gravi les échelons tranquillement, sans faire de vagues. Ses entraîneurs lui ont toujours donné des responsabilités, en tant que manager de transition. Et il a toujours eu des résultats », souligne Sidney. Le K Saint-Trond VV, club qu’il avait côtoyé en tant que jeune joueur, l’embauche en tant qu’analyste vidéo et assistant de Yannick Ferrera. En 2015, après avoir connu la montée en Jupiler Pro League, Will Still décide de suivre le coach belgo-espagnol au Standard de Liège, club avec lequel il remporte la Coupe de Belgique. Avant de connaître un premier licenciement conjoint avec celui de Ferrara. C’est à Lierse, alors en Proximus League (D2) que l’Anglo-Belge poursuit son début de carrière. D’abord adjoint de l’entraîneur en place, il profitera du licenciement de ce dernier pour vivre sa première expérience de « head coach », avec une première série de sept victoires consécutives. Mais ne disposant pas du diplôme UEFA, il sera contraint de reprendre un rôle d’assistant.
« Il a une vraie aura »
À l’issue de la saison 2017-2018, Lierse ne surmonte pas ses difficultés économiques, devant mettre la clef sous la porte. Still, alors âgé de 25 ans, s’installe à Anvers, et devient assistant coach au Beerschot, club avec lequel il connaît, là encore, la montée dans l’élite belge. À cette période, la pandémie contraint le football à vivre sous cloche. Sidney nous raconte : « Pendant le Covid, Will organisait des groupes d’entraînement pour des joueurs de Division 1 et 2 belges afin qu’ils puissent garder le rythme. Je participais en tant que kiné, et aidais à la préparation des échauffements. À l’époque, il avait entre 27 et 28 ans, mais tous les joueurs professionnels montraient énormément de considération pour Will. C’était assez bluffant. Quand il arrêtait les exercices, je me rappelle parfaitement sa manière de parler aux joueurs. Il a une vraie aura auprès du groupe. Il est capable de transcender les joueurs. Ces stages m’ont vraiment permis de reprendre contact avec lui. Et à ce moment-là, il officiait en tant que T1 (ndlr : coach principal) au Beerschot. Il m’avait même proposé de venir travailler avec lui à Anvers. »
Bien qu’il obtienne des résultats, Will Still est écarté par les dirigeants du vieux club anversois, anciennement Germinal Beerschot, au profit d’un profil considéré comme plus expérimenté. C’est alors qu’il se décide à rejoindre le Stade de Reims, en qualité d’assistant d’Oscar Garcia, pour la saison 2021-2022. Mais au bout de quelques mois seulement, Will Still fait ses valises pour retourner au Standard de Liège. Il déclare que ce choix est motivé par le besoin de se fixer temporairement en Belgique, où il passe son diplôme UEFA. Il reviendra à Reims en fin de la saison pour y retrouver son rôle d’assistant de l’entraîneur espagnol. C’est lors de la saison 2022-2023 que Will Still verra sa carrière d’entraîneur réellement décoller. Après un départ catastrophique, cumulé à des problèmes personnels graves, Oscar Garcia est démis de ses fonctions. Le Brainois est promu entraîneur principal du Stade de Reims, et les performances suivent immédiatement. Du haut de ses trente printemps, Will Still devient l’entraîneur le plus jeune des cinq grands championnats européens, et éclabousse le football français de son talent. Déclenchant une irrésistible hype autour de lui.
Photo L’Union
Maxime Masson, journaliste qui suit le Stade de Reims, est formel : « Tactiquement, c’est très cohérent. Sa philosophie, pour être caricatural, c’est de mettre un but de plus que l’adversaire plutôt que de jouer la serrure. La saison passée, il avait fait une série de 19 matchs sans défaite. Cette saison, il a un peu navigué entre 4-3-3 et 3-5-2. Il n’avait pas forcément les hommes pour faire quelque chose de cohérent ». Caractéristique essentielle : Will Still est un coach de la nouvelle génération. « L’homme est très au fait du football moderne, de ses réseaux. Il a été très bon communicant, avant qu’il ne parle trop. C’est un mec qui sait manager un groupe, il peut emmener ses joueurs au front. C’est un Anglo-Belge, qui a une bonhomie naturelle, qui parle plusieurs langues, avec qui tu adorerais passer une soirée en mode bière-tapas. Il est très compétent mais il reste très jeune, d’où la difficulté assez naturelle de gérer les moments chauds. Mais je suis convaincu qu’il peut faire quelque chose », complète Maxime.
« la gniak ! »
Son départ du Stade de Reims est-il aussi la conséquence de sa jeunesse ? Un tempérament fort, une volonté de tourner vite la page ? « Ça s’est mal terminé avec le Stade de Reims car il clamait peut-être trop ouvertement ses envies d’ailleurs. Il voulait l’Angleterre, et son vrai-faux départ à Sunderland a créé une cassure avec le groupe. C’est la version officielle qui semble tenir quand on voit la réaction des joueurs après son départ. Il est toutefois bon de noter les déclarations de Jean-Pierre Caillot, qui a encore récemment affirmé que Will Still était une personne qu’il avait beaucoup appréciée, et il en dit toujours beaucoup de bien. »
Sur la continuité ou la rupture à venir avec le style de Franck Haise, il est également difficile d’affirmer quoi que ce soit. Toutefois, Maxime y voit un dénominateur commun assez clair : « Ce sont deux entraîneurs qui aiment ouvrir le jeu. Deux entraîneurs qui ont reçu beaucoup de lumière rapidement. Dans le management, Will Still dégage ce côté “bon copain”. Sur ce point spécifique, je vois une continuité. La poursuite de la défense à trois est aussi une vraie possibilité, puisqu’il l’a tentée à Reims. Pour Will Still, le RC Lens est une vraie belle opportunité, même s’il aura la pression. Et pour vous, c’est un très beau pari. Je préfère largement Will Still à d’autres profils un peu réchauffés comme Bruno Genesio par exemple. »
Le mot de la fin revient à Sidney, aujourd’hui kinésithérapeuthe du sport, et qui a notamment travaillé pour le club congolais du TP Mazembe, mais aussi la sélection malienne, où il a croisé un certain Massadio Haidara. « De par les échanges que j’ai pu avoir avec Massadio, je crois savoir que le RC Lens est un chouette club. Et Will s’y retrouvera avec sa personnalité entière. C’est quelqu’un qui a beaucoup de gniak ». Une dernière anecdote ? « Quand on jouait ensemble en club, à l’entraînement, il aimait bien mettre le pied, beaucoup parler, ce qui rendait les confrontations électriques ! J’ai beaucoup de bons souvenirs en club avec Will. Je pense qu’il devrait plaire au public de Bollaert. »