Tutoyer le sublime. C’est l’objectif que s’était fixé le RC Lens pour annoncer la prolongation de son capitaine. Une dinguerie que personne n’avait vu venir. Une soirée à rallonge d’une intensité et d’une émotion rares, sur le terrain d’abord, puis sur le terrain, de nouveau. L’annonce de la prolongation de Seko Fofana au centre de Bollaert, comme une manière de ramener l’extra-sportif sur le rectangle vert, là où les acteurs ont leurs habitudes. Un moyen d’envoyer un message très puissant au football français en y associant les quatre tribunes d’un Bollaert en fusion. Une façon de créer des souvenirs éternels dans nos mémoires, nous qui sommes toutes et tous redevenus de grands enfants le temps d’une soirée. Le RC Lens dicte son rythme quand il joue au football, mais aussi quand il communique. Il prend de vitesse ses adversaires ainsi que les médias. Et propose à ses fans, et par ricochet au football français, un narratif des plus entraînants. Nous sommes très fiers d’être lensois.
Le jeu, d’abord. Parce que le football est avant tout un jeu. Et à cet égard, ce RC Lens-là est bougrement fort. La mécanique Sang et Or est aussi complexe que puissante, presque inarrêtable, tant les marées qui déferlent sans discontinuité sur les murailles adverses semblent au mieux étouffantes, au pire létales. Avec ou sans Seko, la puissance collective qui se dégage de ce groupe est tout bonnement hallucinante. Après avoir dominé le Stade Rennais samedi soir, les hommes de Franck Haise ont repris leur marche en avant, pressurisant et parfois atomisant des lorientais pourtant extrêmement consistants depuis le début de saison. Le Bris et Haise, amis pour toujours, se sont livré une bataille de très haute voltige.
Le RC Lens vient donc d’enchaîner deux victoires de rang à domicile. La performance est à souligner. Ce n’est pas une légende, réussir à remporter ses deux matchs consécutifs à la maison est une réelle prouesse. La première mi-temps lensoise a été un temps fort quasi exclusif, chaque occasion étant proche d’accoucher d’un but. Florian Sotoca, capitaine d’un soir, a une nouvelle fois rayonné, ouvrant le score alors qu’un feu d’artifice s’improvise autour du stade Bollaert. “Il y a ce but, Bollaert qui explose, le visage de Sotoca sur l’écran géant, et derrière lui, le feu d’artifice. C’était immense !“, s’extasie un supporter lensois présent en Marek hier soir.
Derrière, le Racing déroule. Ça ne s’arrête pas. Lukasz Poreba prend le relais d’un Seko Fofana absent, car diminué physiquement, et qui a dû apprécier le spectacle proposé par ses coéquipiers. La prestation des hommes de Franck Haise a été grande, même si entachée de deux buts évitables ainsi que de la sortie sur blessure d’un des magiciens de l’effectif, Wesley Saïd. L’égalisation lorientaise en début de deuxième mi-temps n’a en rien changé la donne, et encore moins enrayé le rouleau compresseur Sang et Or. Et si Brice Samba a encaissé deux buts sans presque avoir été sollicité de la rencontre, jamais le doute n’a semblé pénétrer l’âme de ce collectif. Preuve en est, ce sont trois chefs d’œuvre de nature très différentes qui viendront conclure une soirée qui n’avait pourtant pas encore atteint son point d’orgue.
Car ensuite vint l’irrationnel. Le stade Bollaert-Delelis tombe alors dans l’obscurité. Sylvano en maître de cérémonie prolonge le kiffe. La rumeur avait commencé à se propager en avant-match. Les lumières des téléphones scintillant, Arnaud Pouille et Florent Ghisolfi prennent place au centre du terrain, autour d’une petite table. Le public gronde “Seko, Seko”. Le capitaine lensois sort du tunnel en larmes, les émotions le débordent, le voici pris par les passements de jambes de l’instant présent. Il se dirige vers les deux dirigeants lensois. Le plan est unique, ça dépasse le football en vérité. Le directeur sportif lensois se mue en stand upper aguerri. Et officialise, à l’issue d’une rencontre de très haut vol, la prolongation de Seko Fofana au Racing club Lens. “Le club des gens modestes”, comme l’avait si joliment décrit Joseph Oughourlian, a frappé un très grand coup hier soir, et a surtout affiché haut et fort ses grandes ambitions.