CULTURE SANG & OR

Le grand bazar 

La mue qu’opère le RC Lens ressemble à une crise qui ne dit pas son nom. Après la mise à pied d’Arnaud Pouille, c’est le coach emblématique de la remontée du Racing en Ligue 1 qui s’apprête à faire ses valises. Le brouillard qui stagne depuis de nombreuses semaines en devient étouffant.

Photo RC Lens
Photo RC Lens

La crise couvait depuis des mois, la valse des « directeurs sportifs » n’étant que la partie émergée de l’iceberg. Aujourd’hui, la réalité nous explose au visage, d’autant plus que le Racing Club de Lens n’a jamais prétendu ressembler ni de près ni de loin à l’insubmersible Titanic. Le mercato de l’été dernier avait déjà soulevé de vraies questions, notamment lorsque Gregory Thil et Franck Haise semblaient s’obséder à vouloir signer Levi Garcia, attaquant de l’AEK Athènes qui aura fini par prolonger pour le club grec.

C’est finalement Elye Wahi qui est arrivé, au prix d’un montant hors du commun pour le RC Lens, symbole à lui seul de cette dérive financière aujourd’hui reprochée par l’actionnaire principal. On pourrait aussi évoquer les cas Andy Diouf, ex-recrue la plus chère de l’histoire du club et mis au placard depuis plusieurs semaines, Stijn Spierings, Faitout Maouassa ou encore Morgan Guilavogui. Liste non exhaustive.

Cette médiocre intersaison 2023 – de laquelle Franck Haise ne peut occulter ses responsabilités – relance cet interminable jeu des chaises musicales. Une situation ubuesque, incompatible avec un club qui se veut de haut niveau. Fréderic Hébert est arrivé, Franck Haise a délaissé ses prérogatives de manager général héritées après le départ de Florent Ghisolfi, Mike Mode a fait son entrée en catimini mais aurait « mitonné son CV », et le doute a fini par se répandre en dehors des murs de la Gaillette.

Les résultats sportifs, bien que positifs, finissent par donner du corps à la théorie de perte de vitalité d’un projet qui aura tout de même réussi à perdurer quatre saisons. Comme un symbole, le match nul contre le Montpellier HSC condamne les Sang et Or à un barrage pour jouer la Conference League quand l’OL inscrit son pénalty décisif à la 95e minute. Sur le terrain, Franck Haise n’est pas le seul à montrer une mine abattue.

Un besoin vital de clarté

Table rase. Cela pourrait être le nom de code du projet qui est en train d’être mis à exécution à La Gaillette. Un tranchage de têtes qui ne laisse personne insensible. On le savait, la froideur est l’une des caractéristiques naturelles de Joseph Oughourlian. L’homme de la City a découvert le football lorsqu’il a été propulsé dans cet environnement très particulier et s’est pris au jeu. Mais il n’en reste pas moins expert en gestion d’actifs, ce que deviennent les clubs de football. S’il présente un bilan globalement très positif depuis sa prise de pouvoir, il est toujours vu comme un alien au pays des terrils. Sa gouvernance sera toujours accompagnée de méfiance par une partie du public lensois, et la révolution de palais qui est en train de s’opérer ne peut que démultiplier les doutes à son égard. À tort ? Si certains échos se veulent moins alarmistes, l’attente de la présentation de la nouvelle organisation devient difficilement supportable. 

Au-delà du dogmatique rationalisme financier qui pourrait aussi prendre racine dans l’interminable attente des clubs français au regard des droits télévisuels, les premiers noms sortis du chapeau ont pour effet de catalyser les angoisses. La nature ayant horreur du vide, l’absence de communication – que l’on peut tout à fait comprendre – laisse place aux fantasmes les plus obscurs. On parle de Diego Lopez Gomez et de Pierre Dréossi, soit un responsable de recrutement du système Gérard Lopez propulsé par Joseph Oughourlian himself et un ancien Lillois qui sort de deux saisons sans relief au FC Metz et qui incarne ce que l’on pourrait appeler « le foot d’avant. »

Ce changement d’hommes semble avoir des conséquences par ricochet. Outre le départ de Franck Haise plus ou moins subi, il apparaît maintenant que le fonds américain ISOS7 avait fait de la stabilité organisationnelle un prérequis en vue de son investissement. Il y a quelques mois, il fallait s’équiper d’un microscope pour détecter les éléments négatifs. Aujourd’hui, c’est à peu près tout l’inverse.

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