On est loin du régime sec d’il y a quelques saisons. Au diable le summer body, le supporter lensois assume désormais son embonpoint. Il est désormais en chair, enveloppé, bien portant. Les jeûnes intermittents ne font plus partie de son vocabulaire. Chaque weekend, c’est festin. De la salade de crabe brestoise au saucisson de sanglier corse, notre bon lensois s’est même autorisé une soirée caviar et champagne sur les bords de Méditerranée. Il semble désormais être à l’aise partout. En contrepartie, la place se fait de plus en plus rare dans son nouveau maillot, le sponsor Auchan étant magnifiquement mis en avant sur les 180 degrés lui faisant face. Gargantuesque devient son appétit. Et la galette-saucisse rennaise se profile, cette perspective le faisant allègrement saliver depuis dimanche midi.
C’est un lieu commun. Le supporter s’adapte très vite à la dynamique sportive de son équipe. Trop vite ou trop prudemment ? Là n’est pas le débat. A Lens, comme autour de n’importe quel club, la communauté de supporters ne peut s’empêcher de se projeter, de pleurer ou de s’immoler. De l’ennui durablement installé, le Sang et Or est passé par l’état de sérénité, et tutoie désormais l’ambition. Depuis plus de deux ans, le qualitatif et le quantitatif sont au rendez-vous. De grandes tablées de produits de qualité pour le lensois et pour son canidé, sagement allongé sous la table. Il ne s’agit pas de mettre la charrue avant les bœufs, mais simplement de constater que ce RC Lens a progressé depuis sa remontée, a progressé depuis son maintien, et semble même avoir progressé depuis la saison dernière. L’effectif, dans le cas où Seko Fofana resterait une saison de plus en Artois, paraît être al dente. Et par voie de conséquence, l’attente autour du club est à son maximum.
L’humilité au service de l’ambition, par le travail
Le plus dur commence. A raison, certains houspillent les enflammades qui découlent naturellement des prestations récentes d’un RC Lens qui a pourtant atteint le point d’excellence samedi dernier à Monaco. Sept points en trois rencontres, dont deux déplacements périlleux. Sur le Rocher, les Sang et Or y sont allés avec leurs idées et ont rapidement montré qu’ils comptaient mettre à l’amende leur adversaire. De Brice Samba à Loïs Openda, tout le monde était au fourneau, et le rendu fut en tout point léché, fouetté, sublime. S’il y a des rencontres dont il faudra se rappeler, pour les acharnés de beau jeu que nous sommes, cette branlée que nous avons foutu aux petits princes de Louis II doit en faire partie. Etoile Michelin. Une victoire qui a allié force physique, justesse technique et équilibre tactique. Le RC Lens se pose en adulte.
Dès lors, difficile de ne pas aborder une rencontre avec l’envie de la dévorer, encore et toujours. En battant Monaco, le RC Lens est devenu, avec le Paris Saint-Germain, la deuxième meilleure série d’invincibilité de Ligue 1, si on prend en compte les rencontres officielles de la saison précédente. L’appétit vient en mangeant, mais gare à l’indigestion. Le sentiment d’invincibilité et le goût de la victoire sont de bonnes choses, car elles suggèrent que l’effectif déteste la défaite. Mais cette même redondance de résultats positifs ne doit pas pour autant embourgeoiser un public qui connaît sur le bout de ses petits doigts salés la liste des ingrédients nécessaires à la préparation de cette si agréable mayonnaise. L’humilité au service de l’ambition, par le travail. Bon, d’accord, c’est bien beau tout cela, mais moi aussi j’ai encore faim. TAVERNIER !