Les téléspectateurs de Lens Strasbourg l’auront sûrement remarqué : le commentateur a cru durant quelques dizaines de secondes que des supporters s’étaient réunis autour du stade avec des tambours. On pouvait bien évidemment être dubitatifs étant donné l’existence du couvre-feu, mais surtout parce que la température extérieure devait approcher les 0° et que le brouillard ne permettait pas de voir à 10 mètres.
Alors on peut être passionné mais il y a des limites ! En fait, le commentateur venait de se faire berner par l’ambiance artificielle sortant tout droit des haut-parleurs du stade Bollaert-Delelis
« Ces initiatives mettent en avant l’adaptation du football à une nouvelle réalité : on fait semblant. »
Depuis l’apparition de la Covid en France et surtout depuis la reprise du championnat de France, on s’aperçoit que le football n’échappe pas aux innovations virtuelles qu’a entraînées la pandémie. On a pu voir par exemple à Saint-Étienne une billetterie virtuelle qui a permis aux supporters de remplir le stade de France, mais surtout d’aider la recherche contre la Covid-19. Une démarche semblable a eu lieu en Angleterre lors d’un match de Cup où les supporters de l’équipe de Tottenham ont acheté 25 000 places virtuelles afin d’aider financièrement le club de huitième division qu’ils affrontaient. Ces initiatives mettent en avant l’adaptation du football à une nouvelle réalité : on fait semblant.
Dans certains stades, on a mis des portraits de supporters sur les sièges et certaines entreprises ont même proposé la mise en place d’une foule fictive. Mais l’exemple le plus parlant est sans doute la mise en place d’ambiances artificielles dans beaucoup de stades. En tant que spectateur, supporter, et même téléspectateur, on peut se questionner sur son intérêt. Les avis sont d’ailleurs assez partagés sur cette ambiance.
A Lille déjà, lors du derby, les décibels de la sono étaient anormalement élevés et les commentaires télé étaient quasiment couverts par le son émis dans le stade. On était à mi-chemin entre l’artificiel et le virtuel. A Lyon, on a ajouté les bandes-son adaptées aux actions. Les fausses réactions du public étaient dignes des jeux-vidéos des années 2000 et avaient un temps de latence d’une ou deux secondes avec l’action.
Le Racing s’y est mis également : la Lensoise à l’entrée des joueurs et l’ambiance durant le match.
Pourquoi ? Pour qui ? Cette ambiance permet-elle aux joueurs de se sentir mieux ? On peut en douter. Permet-elle aux téléspectateurs de vivre plus intensément leur expérience télévisuelle ? Peut-être. Permet-elle aux diffuseurs de rendre plus attrayant un sport devenu beaucoup plus fade avec les tribunes vides ? Sûrement.
Car oui, les matchs de foot sont parfois longs et ennuyeux à la télé quand ils sont dénués d’ambiance et de ferveur.
« On cache la misère des bruits […] qui rappellent de manière sinistre les matchs amicaux d’avant saison. »
La multiplication des diffusions couplée à la désertification des tribunes rendent parfois le foot maussade, d’autant que la qualité du football proposé ne permet pas toujours de le rendre divertissant (ce qui, par chance, n’est pas souvent le cas du RC Lens cette saison).
Alors on cache la misère des bruits de coups de pieds dans le cuir ou des hurlements des joueurs lors des contacts qui rappellent de manière sinistre les matchs amicaux d’avant saison.
Si on admet d’un côté que l’ambiance du stade fait partie intégrante d’un spectacle global, on se permet d’un autre côté de la remplacer, lui ôtant ainsi sa réalité.
N’est-il pas mieux de laisser de l’authenticité à cette situation exceptionnelle, sous peine de devoir se contenter à l’avenir de ces artifices ?
On remplace difficilement un public, même par son propre doublage. Ça lui enlève son importance et le rapport du football à la vérité. Et il n’est pas dit que la fin de la pandémie entraînera une fin d’artifices.
Car entre simuler la présence du public à Bollaert-Delelis, et amener Bollaert-Delelis chez les supporters, il n’y a qu’un pas que les progrès numériques apprécieraient de franchir.
Ecrit par Mathieu Fardel