El Coca. Province de l’Oriente. C’est l’autre nom de Puerto Francisco de Orellana, ville de naissance de Jhoanner Chávez et nouvelle recrue du RC Lens. À la découverte du dragster équatorien, nouveau piston gauche qui portera le numéro 13.
Photo Edouard Solvet
À 17 ans, Jhoanner Chávez quitte ses terres natales pour rejoindre l’ Independiente del Valle, club longtemps resté mineur dans le football équatorien jusqu’à l’arrivée aux manettes de Michel Deller en 2007. L’homme d’affaire va permettre à l’IDV d’accéder à la première division pour la première fois de son histoire dès 2009 et de grandir de manière fulgurante. Dans le même temps, le club troque ses couleurs rouge et blanc rappelant celles de l’Independiente argentin pour le noir et bleu de l’Internazionale milanais.
Rapidement après son accession en Serie A, le club basé à Sangolqui, à quelques kilomètres au sud de Quito, se pérennise parmi les grands clubs du pays, et finit par remporter le championnat en 2021. A son palmarès s’ajoutent deux Sudamericana (équivalent de l’Europa League) en 2019 et 2022, ainsi que la Recopa en 2023 (finale entre le vainqueur de la Libertadores et de la Sudamericana). Mais surtout, l’IDV se distingue par une politique de formation d’excellence et un réseau de scouting unique par l’intermédiaire de ses quelques soixante écoles de football IDV et sa centaine de centres de détection disséminés sur l’ensemble du territoire équatorien. De nombreux talents sont récemment sortis du club, comme Moisés Caicedo, aujourd’hui à Chelsea après un passage distingué par Brighton. En 2022, l’IDV remporte la Copa Milo Mitad del Mundo, un tournoi U18 durant lequel brille Kendry Paez, considéré comme la future grande star du football équatorien, et qui a déjà signé un pré-contrat avec le club anglais de Chelsea.
Photo Independiente del Valle
Sebastian Machado, journaliste sportif équatorien que nous avons eu au téléphone tard ce lundi soir, se montre dithyrambique à son sujet : « Il va très très vite ! Il a une vitesse assez folle, un bon contrôle de balle et est très fort sur les transitions ». Jhoanner Chávez serait-il ce dragster qui faisait défaut à l’effectif du RC Lens ? Le board, qui a récemment souligné la problématique de rajeunissement d’un effectif qui commence à avoir de la bouteille, a donc jeté son dévolu sur l’international équatorien, dont le compteur affiche déjà trois sélections avec la Tri, l’équipe d’Équateur de football.
Sebastian, ravi de voir un jeune Équatorien rejoindre la Ligue 1, poursuit : « En plus de sa qualité de vitesse, c’est un joueur qui pénètre beaucoup les lignes adverses. Il est très souvent aux abords de la surface de réparation, mais est aussi capable de revenir fort sur les transitions défensives. Sa qualité de passe est également très intéressante. »
Quand on le questionne sur sa capacité à s’adapter au football européen, Sebastian Machado nous explique que son profil est vraiment adapté au football moderne. « Il ne restera pas derrière, il ira de l’avant, et jouera sur sa vitesse qui a peu d’équivalence. »
Total Football Analysis
Et l’aspect défensif ? « Ici en Amérique du Sud, on a énormément de joueurs avec de vraies qualités offensives qui ne savent pas défendre. Je trouve personnellement que ce n’est pas le cas avec Jhoanner. Pour moi, il est vraiment complet. »
Le jeune joueur, qui mesure 1,82 m, est d’ailleurs dans le radar de la sélection nationale. Ses dernières sélections remontent à octobre 2023, alors que l’Équateur affronte la Bolivie et la Colombie de Deiver Machado. Pour le dernier rassemblement international, le club de Bahia a décidé de ne pas le laisser rejoindre la Tri, provoquant le retour en sélection d’un autre piston gauche passé par la L1, Anibal Chala. « Chávez sera en concurrence avec Pervis Estupinan, qui joue actuellement à Brighton. Je le vois numéro deux dans la hiérarchie », complète notre interlocuteur.
Photo Olé
Quand on l’interroge sur son passage raté à Bahia, Sebastian Machado nous répond que le problème était avant tout collectif: « Je ne sais pas comment vous percevez la politique sud-américaine du City Group depuis l’Europe, mais il faut vraiment remettre les choses dans leur contexte. Sur le continent américain, le club phare du City Group est New York City FC. En Amérique du Sud, ils ont pris le contrôle de l’Esporte Clube Bahia mais aussi du Montevideo City Torque en Uruguay. À mes yeux, l’EC Bahia est moins avancé dans son développement que le RB Bragantino, le club de Red Bull au Brésil. »
Au sein du club brésilien, une source qui a souhaité rester anonyme nous apporte un complément informatif : « Chavez a été recruté comme une grande promesse du football sud-américain, après avoir remporté la Copa Sudamericana avec l’Independiente del Valle contre le Sao Paulo. Mais à l’EC Bahia, il ne s’est jamais adapté. Il n’était pas heureux, il montrait beaucoup de nostalgie envers son pays d’origine. Il disait qu’il était triste. Il a été prêté à son club afin qu’il retrouve de la confiance. Il a démontré un grand potentiel, mais les supporters de Bahia n’ont pas apprécié son comportement, le fait qu’il expose ses états d’âme sur les réseaux sociaux… Certains ont pensé qu’ils pouvaient se reprendre mais la rupture était consommée ». Pris en grippe par le bouillant public de l’Itaipava Arena Fonte Nova, le jeune Équatorien retrouvera des couleurs au pays, et la sélection nationale fin 2023.
En dépit de ce passage raté dans la ville de Salvador, Jhoanner Chávez, qui était promis à un avenir européen depuis ses premiers exploits avec l’Independiente del Valle, rejoint tout de même le Vieux Continent. Après avoir recruté Abdukodir Khusanov, lui-même pisté par le City Football Group et la galaxie Red Bull, le RC Lens met la main sur un nouveau grand talent qu’il faudra accompagner. Une recrue idoine qui répond autant aux problématiques sportives du présent qu’aux projections de gestion de l’effectif à moyen terme.