1918, la ville de Lens vient d’être détruite presque dans sa totalité, il faut la relever de ses ruines. Ce n’est qu’en 1920, avec l’arrivée de Marcel Pierron à la présidence du club, que l’on commence à reparler de football. Dès 1921, il discute avec la ligue du nord pour la réintégration du Racing dans la compétition. Pour y faire bonne figure, les Lensois vont alors puiser dans la colonie étrangère venue massivement travailler dans le Nord Pas-de-Calais.
C’est ainsi qu’en 1922, Lens qui ne joue pas encore avec la tunique Sang & Or, engage son premier joueur étranger. Il s’agit de l’Italien Nanni. Venu dans le bassin minier pour participer à la reconstruction, il est très rapidement rejoint par son compatriote Andréani. Une aubaine pour le RC Lens, puisqu’à cette époque, le football italien est en avance sur le football français. Ils participent ainsi au premier match officiel sur la pelouse de la Glissoire, le 1er octobre 1922 contre Calais pour le compte de la Coupe de France (victoire 3-1). Cette année-là, le Racing termine 2e derrière le stade Béthunois et se qualifie en poule d’accession, avant de terminer à une belle 5e place.
Nanni, Andréani, combien d’Italiens ont joué pour le racing ?
Quelques joueurs ont des origines italiennes, comme Gildo Rizzo ou encore Bernard Chiarelli, mais étonnamment, seuls cinq joueurs de nationalité italienne ont porté le maillot Sang & Or. Outre Nanni et Andréani dont nous avons peu d’informations, on retrouve trois autres joueurs qui ont joué à la même période, de 1945 à 1954. Mais qui sont-ils ?
Angelo Contini, gardien de but originaire de Parme. Présent dans les effectifs de 1949 à 1952, il ne joue que cinq matchs avec l’équipe première durant la saison 1950/1951 pour remplacer Georges Duffuler, blessé.
Marino Anesi, milieu de terrain, né le 8 décembre 1924 à Baselga di Pinè, une commune située dans la province autonome de Trente au nord-est de l’Italie. Certainement le joueur italien le plus emblématique du club. Il passe six saisons à Lens entre 1943 et 1954. Entraîneur à Oignies pendant de nombreuses années, il est également entraîneur du Ruch à Carvin. Il est décédé le 13 juin 2009 à Liévin. Aujourd’hui encore, un terrain de football porte le nom de Marino Anesi, rue Séraphin Cordier, à Carvin.
Anesi et Contini sont titulaires lors de la déroute contre le LOSC le 22 octobre 1950 (défaite 5-0). Duffuler étant blessé (inflammation du tendon du péroné), c’est Contini qui le remplace. Un cadeau empoisonné, puisque le Racing se présente ce jour-là avec une équipe très amoindrie.
Charles (Carlo) Luigi Quaino, attaquant, est né le 7 avril 1923 à Remanzacco, dans la province d’Udine et dans la région du Frioul-Vénétie Julienne. Il arrive en France dans la région rouennaise avec ses parents alors qu’il n’a que 8 ans, et commence à jouer au football à Saint-Aubin-lès-Elbeuf, puis à Elbeuf. Il signe en 1947 dans le club de Vernon. Sous la houlette d’un coach yougoslave, Valarevic, qui le repositionne en attaque, ses talents de buteur lui valent d’être très rapidement sélectionné en équipe de Normandie. En 1949, il marque 42 buts et permet à son club de monter en Championnat de France amateur. Il fait alors ses débuts en professionnel du côté d’Amiens.
Rayonnant dès sa première saison, le club ne peut le retenir. Il rejoint l’élite en signant au RC Lens pour la modique somme de 2 800 00 FR. Pour sa première saison avec le RC Lens, il marque 9 buts en 23 matchs. Après une deuxième saison moins prolifique, il repart pour la Normandie en signant au FC Rouen en tant qu’entraîneur-joueur. Il décède prématurément, le 30 mars 1973 à Nogent-sur-Marne, à l’âge de 50 ans.
Anesi, Contini et Quaino ont joué tous les trois ensemble à deux reprises :
- Lens Strasbourg (1 – 1) le 15 octobre 1950.
- CORT Lens (4 – 1) le 17 décembre 1950.
le deuxième exode !
Durant le deuxième exode (1920-1930), l’Italie cherche à endiguer l’émigration.
« L’avènement du fascisme en Italie en 1922 diminue dans un premier temps l’exode vers l’étranger. Mussolini instaure une politique des naissances, contrôle le nombre de départs qui baisse et prône le retour au pays des émigrés. »
La loi italienne voulant limiter l’émigration à la fin des années 1920 est évoquée dans une lettre du consulat italien au Havre. Le père de Charles Quaino, terrassier à Rouen depuis 1930, a eu d’énormes difficultés à rapatrier sa famille en France. On peut y lire ceci dans son dossier :
« Je n’ai pu revêtir la demande d’un avis favorable en raison des dispositions des autorités italiennes s’opposant aux appels des familles émanant des travailleurs italiens émigrés en France après le 1er janvier 1928. Mais je serais disposé à la viser si une dérogation était faite par votre gouvernement à cette règle. »
Sa famille rejoint finalement la France en 1931 (sa femme, ses deux enfants et sa nièce), et permet au petit Charles Quaino de devenir un joueur du RC Lens.
Cela fait maintenant 70 ans qu’un Italien n’a pas joué pour le RC Lens, qui sera le prochain ?
Sources :
- Histoire des derbys – Jean Baptiste Allouard et Olivier Brochart
- 150 ans de sport en Pays d’Elbeuf
- La présence italienne en Haute-Normandie : les naturalisations entre 1820 et 1940
- Geneanet.org
- mineurdefond.fr
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens