Le statut de leader a tendance à le faire oublier, mais Pierre Sage n’est arrivé au RC Lens qu’en juin 2025. Ce RCL version Sage est donc encore en construction. En quelques mois, on peut déjà reconnaître sa patte, et même envisager le meilleur. Le RC Lens 2025-26 est un grand cru classé… mais classé combien ?

La continuité au service de l’efficacité
Avant même la nomination de Pierre Sage, le board artésien a été clair : le RC Lens, c’est une défense à trois. Ainsi est conçu l’effectif. Et le Jurassien s’en est largement accommodé. À partir de cette fondation, le Racing s’est bâti une identité de jeu depuis sa remontée, faite de haute intensité athlétique et d’exploitation rapide des transitions. Le choix du nouveau coach de s’inscrire dans cette continuité a fait gagner beaucoup de temps à ce RCL 2025-26. Au-delà du système, depuis six mois, on retrouve des éléments clés similaires entre le modèle du dernier RC Lens à avoir titillé le PSG, en 2023, et celui de l’actuel leader de L1.
Certains de ces éléments avaient été mentionnés dans notre article daté du 9 juin (« Pierre Sage, un homme de principes »). L’un des plus frappants visuellement est l’importance accordée à la coordination du pressing, notamment dans les premières secondes après la perte de balle. Le jeu de position occupe aussi une bonne place dans le fonctionnement de l’équipe de Pierre Sage. Chaque joueur est invité à comprendre et exploiter les espaces, à offrir des solutions (avant même la récupération, si possible), à occuper des zones, tout cela dans un cadre rigoureux collectivement mais qui autorise individuellement une certaine liberté d’expression, en fonction des qualités individuelles.

Le Jurassien souhaite que son équipe ait la possession, ou du moins la maîtrise. Cela sert à désorganiser l’adversaire et à imposer son rythme pour se procurer plus de situations, et en concéder moins. Avoir le pied sur le ballon n’est pas une fin en soi. Pour preuve, le RC Lens est à la fois meilleure défense de Ligue 1 (13 buts encaissés) et l’équipe qui se crée le plus d’occasions nettes de marquer (53), alors qu’il n’a que la 10e possession moyenne de Ligue 1 (48,1%), derrière Metz par exemple.
Pierre sage le caméléon
Dans son interview pour le média Flash Inside, Pierre Sage cite parmi ses modèles Pep Guardiola. Rien de bien original, mais le développement qui suit est intéressant : « Il a été selon moi un innovateur tactique qui a su s’adapter à ses différents contextes (…) Lorsqu’il va en Angleterre, il adopte un jeu un peu plus direct de façon à s’adapter aux opportunités qu’offre ce championnat-là. »
Comme le mythique entraîneur de Manchester City après son départ de Barcelone, le Jurassien a fait évoluer son modèle de jeu entre Lyon et Lens. Il explique notamment qu’« à Lyon, le temps de préparation des actions, le fait d’avoir le ballon, de construire via un jeu court était très ancré. (…) À Lens, on a jeu un peu plus vertical, direct. » Pierre Sage l’a bien compris : ce qui prime chez les Sang et Or, c’est l’engagement. L’intensité, la générosité dans l’effort sont donc au cœur de son modèle de jeu. On retrouve logiquement trois Lensois parmi les cinq joueurs qui effectuent le plus de sprints en Ligue 1 : Ruben Aguilar, Adrien Thomasson et Mathieu Udol.
Pierre Sage, c’est aussi une adaptation express à la région. À peine arrivé dans l’Artois, lui et son staff se sont rendus au Centre historique minier de Lewarde. Ils sont aussi allés rendre visite au café Chez Muriel. Enfin, le staff avait réalisé un gros travail auprès des joueurs en amont du derby, afin que les nouveaux arrivants prennent bien conscience de l’importance de ce match pour les supporters.
Des supporters conquis… et la France aussi ?
En l’espace de six mois, l’ensemble du staff, Pierre Sage en tête, a conquis les supporters lensois. La qualité de leur travail est reconnue de tous, et l’état d’esprit comme le jeu de l’équipe offre un véritable vent de fraîcheur à la Ligue 1. Mais ce RC Lens version 2025-26 peut-il prétendre à plus que cet élan de sympathie ?

Photo CSO
Les jalons sont posés, l’identité de l’équipe est connue. L’organisation est millimétrée, et chacun occupe un rôle bien défini, du staff aux joueurs, comme le décrivait dans notre émission l’entraîneur des gardiens, Cédric Berthelin. En témoigne l’optimisation des séances, où l’on calcule le temps de jeu et d’effort effectifs par rapport à la durée totale. Le RC Lens, et on le voit à chaque sortie, travaille très bien, très fort chaque semaine, il avance dans la bonne direction et conserve même des axes de progression.
Les plus observateurs ont ainsi constaté une nette amélioration dans les phases de construction offensive sur les deux derniers mois. La répétition des matchs avec des compositions identiques y est pour beaucoup. Cela s’est traduit par une proportion croissante de buts marqués dans le jeu. Mais on a aussi vu un Racing qui a parfois manqué de maîtrise sur certaines phases, bousculé au milieu, et sauvé par la constance de son gardien de but ou la vigilance de ses défenseurs.
La capacité de Lens à mieux gérer ses temps faibles sera déterminante pour sa seconde partie de saison. Peut-être Pierre Sage voudra-t-il aussi diriger une équipe plus dominante, avec des phases de possession plus longues. Malgré ces imperfections, Lens est leader de Ligue 1 après seize journées. On entend des commentateurs convaincus que le succès de ce grand cru dépend uniquement des avaries ou du bon vouloir de l’habitué de la première place. Mais si Lens avait en fait toutes les armes pour maintenir la cadence et triompher ? Les joueurs qui ont repris à la Gaillette dimanche se sont sûrement dit que leur avance au classement n’avait aucune raison de disparaître en 2026.
