Qui dit fêtes de fin d’année dit repas de famille et tubes de Noël. Parmi eux « All I Want for Christmas Is You », dans lequel Mariah Carey ne réclame pas de cadeaux, mais la simple présence de l’être aimé. Pour les supporters lensois, cet air semble dépassé : Facundo Medina se trouvait déjà au pied du sapin un matin de l’été 2020. Récit d’un Noël argentin.
Coup de foudre à la gaillette
Ce jour-là, un 2 juillet, El Papá Noel a fait la route de Córdoba jusqu’à la Gaillette. Il y dépose un enfant issu de Villa Fiorito, où a également grandi un certain Diego Maradona. Néanmoins, l’Argentin débarque au sein d’un modeste Racing qui vient tout juste de remonter en Ligue 1. Ce recrutement exotique ne génère donc pas plus d’attentes en France que celui de Guillermo Rodriguez en 2006. L’arrière gauche uruguayen était alors reparti après deux matchs sous le maillot lensois.
Pour Facundo Medina, l’histoire sera bien différente. Décrit comme un latéral capable de jouer défenseur central (ou l’inverse) à fort potentiel, il est intégré au onze de départ de Franck Haise dans un rôle de défenseur axial gauche. Il dispute sa première saison aux côtés de Loïc Badé et Jonathan Gradit. Lors de son troisième match sous les couleurs lensoises, il participe à une victoire spectaculaire à Lorient (victoire trois buts à deux) en inscrivant un superbe retourné en ciseaux. Pour les supporters, c’est le coup de foudre. Un mois plus tard, il inaugure sa première sélection avec l’Albiceleste. Oublié Guillermo Rodriguez.
Comme dans toutes les histoires d’amour, tout n’est pas parfait. Si les supporters lensois aiment le houblon, « Fac’ » a lui un sérieux penchant pour le jaune. Il collecte ainsi onze avertissements en vingt-quatre matchs lors de sa première saison. Il est aussi sujet à des sautes de concentration qui peuvent se révéler coûteuses. En témoigne sa perte de balle fatale lors de la 35e journée face au PSG. Mais les sentiments sont déjà trop forts pour lui en tenir rigueur.
LA GRINTA
Car l’Argentin s’est parfaitement fondu dans le moule de la famille sang et or. Il y incarne à la perfection la grinta. Très vite, on le décrit comme un joueur ayant la niaque, une teigne, un guerrier, un battant… Il dispose aussi d’une technique au-dessus de la moyenne pour son poste, qu’il parfait sortie après sortie. Son pied gauche soyeux sublime le jeu de position mis en place par Franck Haise. Parfois décrit comme un joueur lent à son arrivée, il a eu plusieurs occasions de démontrer le contraire. L’un des derniers exemples en date étant sa course suivie d’un tacle glissé face à Montpellier.
L’enfant de Villa Fiorito se distingue aussi par son style, son grain de folie. Chaussettes baissées, short remonté, il adore haranguer les foules, jouer avec les nerfs de ses vis-à-vis et défier l’adversité. Il se nourrit de la pression et ne semble jamais aussi bon que dans un environnement hostile. L’an passé face à Lorient, il se présente pour le tir au but décisif pour envoyer le Racing en quart de finale de la Coupe de France. Le gardien des Merlus fait son maximum pour intimider les joueurs pendant la séance. Mais Facundo Medina réussit un contrepied parfait, suivi d’un long regard assassin pour le portier lorientais.
Avoir la grinta, c’est aussi être capable de jouer avec les limites sans jamais les dépasser. Lors du capital RCL-OM de la saison passée, le Racing est sous pression. Dans un match qui doit décider du futur dauphin du PSG, les hommes d’Igor Tudor étouffent les lensois. Alexis Sanchez se voit refuser l’ouverture du score et les Marseillais continuent d’acculer les Artésiens dans leur camp. C’est alors que notre défenseur argentin décide de mettre le feu au poudre lors d’une action confuse.
Alors que le Racing tente de jouer une touche rapidement, le banc marseillais lance un second ballon sur le terrain dans un pur acte d’antijeu. Facundo Medina envoie alors sa meilleure frappe directement dans le banc olympien. S’ensuit une échauffourée. Le provocateur écope certes d’un carton jaune, mais Lens prend dans le même temps un certain ascendant psychologique, et finira par triompher de l’Olympique de Marseille.
uN HOMME ET UN JOUEUR ATTACHANT
Si l’on récapitule, nous parlons d’un défenseur gaucher, international argentin plein de grinta, décisif dans les moments clés, avec une technique qui ne cesse de progresser, et une part de vice qui peut faire perdre le fil à l’adversaire… Cela ressemble comme deux gouttes de maté au gendre idéal que pouvaient nous décrire nos parents lensois. À une époque pas si lointaine, compter un tel joueur dans notre effectif relevait de l’utopie.
Mais son originalité et son excentricité ne se limitent pas qu’au terrain. Le meilleur relanceur lensois n’est pas le dernier pour mettre l’ambiance et animer la vie de groupe. Après la victoire de l’Argentine lors du Mondial, il s’est entraîné toute la semaine avec le maillot de l’Albiceleste pour chambrer ses partenaires. Il adore partager une bonne viande avec ses amis, si bien qu’il s’est offert un barbecue avec son nom gravé dessus… Lors des interviews, il se montre amical et n’hésite pas à faire des blagues aux journalistes qui le titillent. La conférence précédant le match face à Montpellier en octobre 2022 est à ce titre un véritable récital.
Des sentiments partagés
Dans une histoire d’amour heureuse, les sentiments sont réciproques. Ainsi, la réussite de la relation entre l’ancien joueur du CA Talleres et le Racing Club de Lens ne fait aucun doute. Le club du bassin minier n’est pas et ne sera jamais le Paris Saint-Germain. Pour venir saluer les supporters, les joueurs ne reçoivent pas de prime. Si l’ensemble du groupe et du staff sont exemplaires de ce point de vue, l’Argentin figure parmi les plus assidus lorsqu’il s’agit de venir saluer les aficionados ou taper dans les mains des enfants qui assistent aux entraînements.
Lors de la déroute à Arsenal, il est le premier à venir s’excuser auprès du parcage. Après la victoire face à l’AC Ajaccio et la qualification en Ligue des champions, l’enfant de Villa Fiorito est apparu ému aux larmes. On a encore pu l’entendre récemment dans l’émission Envoyé spécial dire : « C’est ma maison ici ».
Il est au cœur d’un groupe resserré et réputé pour sa bonne ambiance et son esprit de famille. Il a notamment noué une belle amitié avec son compère sud-américain du flanc gauche, Deiver Machado. L’enfant de Buenos Aires semble aussi entretenir des liens particuliers avec Franck Haise, qui lui a fait confiance dès son arrivée et est le grand artisan de sa progression.
Le coach apprécie lui aussi la personnalité et le talent de son défenseur. Au mois d’octobre, RMC propose une analyse tactique, où le manager générale débriefe l’exploit face à Arsenal. Franck Haise y donne les grandes clés du match. L’une d’entre elles était de demander aux centraux lensois d’aller chercher les milieux adverses parfois très loin dans leur camp. Conscient du talent des Gunners, le journaliste demande s’il a été difficile de faire accepter à ses centraux excentrés de prendre de tels risques. L’entraîneur lensois répond alors, dans un rictus : « Non c’est pas difficile. Facundo Medina, plus il est haut plus il est content ».
Une montée en puissance commune
Malgré le terrible match retour, cette victoire face à Arsenal est un nouveau témoin de la montée en puissance fulgurante du RC Lens. On peut en dire autant de l’ancien du CA Talleres Cordoba. Le 29 novembre 2020, il est remplacé à la 53e minute au terme d’une prestation décevante. Le SCO d’Angers vient de remporter une victoire trois buts à un à Bollaert qui ne souffre d’aucune contestation. Le défenseur souffre et semble dépassé par Stéphane Bahoken, Mathias Pereira Lage ou encore Angelo Fulgini…
Le 3 octobre 2023, il signe une prestation étincelante et parvient à faire disjoncter Gabriel Jesus, l’un des meilleurs numéros neuf du monde. Deux mois plus tard, il livre un âpre duel avec Sergio Ramos sur phases arrêtées et lors des montées de l’Espagnol en fin de match. Le RC Lens et l’Argentin sortent vainqueur de ce duel, ce dernier provoquant même un penalty lors d’une chevauchée dont il a le secret.
La qualification en Europa League est acquise et fêtée comme il se doit. Dans les travées de Bollaert-Delelis, on croit entendre le désormais traditionnel chant dédié au numéro quatorze : la répétition de « Facundo Medina » sur l’air de « Pump It Up ». En réalité, le central lensois est célébré pour son duel face au capitaine sévillan qu’on aime tant détester. Et la Marek d’entonner : « Medina, pète sa gueule ! » Vous avez dit grinta ?
Le défenseur a gagné en maîtrise, en leadership et en constance. Il est aussi agressif qu’à ses débuts mais commet moins de fautes. Il prend autant voire plus de risques dans ses relances mais perd moins de ballons. Chaque supporter a en tête au moins une situation où l’adversaire protège son ballon et voit Fac’ arriver en donnant l’impression qu’il va tout emporter… pour au final récupérer le ballon fermement, mais proprement.
À l’image de sa montée rageuse qui amène le penalty face au FC Séville, il porte désormais régulièrement le danger ballon au pied. Son but face au FC Nantes est un modèle du genre. Dans ce même match, il gratifie les spectateurs de quelques gourmandises, symboles d’un joueur en pleine confiance. On pourrait encore continuer longtemps sur les actions de classe et coups de folie de Facundo Medina, mais le meilleur moyen d’en profiter, c’est encore de regarder ses prochains matchs.
Et justement, espérons que l’histoire entre le défenseur argentin et les supporters lensois se terminera le plus tard possible. En dépit des rumeurs de l’été dernier, Facundo Medina a déjà tordu le cou à l’adage disant que « l’amour dure trois ans ». Malheureusement, il finira bien par nous quitter, tellement il a de recruteurs qui scrutent ses exploits. Mais l’amour, c’est souhaiter le bonheur de l’autre avant tout. Et si nous redoutons tous ce jour du départ, peut-être en 2024, peut-être plus tard, le nom de Facundo restera quoi qu’il arrive gravé dans nos cœurs lensois.