CULTURE SANG & OR

Xercès Louis, le bon Samaritain

Tous les supporters lensois connaissent le nom de cette figure emblématique du football français, grâce à la tribune qui porte son nom. Résistant engagé, athlète complet, joueur de talent et pionnier antillais en équipe de France, il aura marqué son époque sur les terrains comme en dehors. Retour sur un destin hors du commun.

Xercès Louis
© RCL

Des débuts martiniquais à l’engagement militaire

Xercès Fernand Jules Louis est né le 30 octobre 1926 à Sainte-Marie, en Martinique. Son père s’appelait Soupama Auguste, mais il fut reconnu par Pierre Jean Cautius Louis, qui épousa Appollinaire Jenny Claude, la maman de Xercès. Très tôt, Xercès se passionne pour le football et rejoint l’équipe locale, la Samaritaine. À seulement 16 ans, celui qui se fait déjà surnommer le sorcier pour ses tours de passe-passe avec le ballon, intègre l’équipe senior de la Samaritaine.

Mais la guerre bouleverse les destins. À 18 ans, en plein conflit mondial, il rejoint la « dissidence », un mouvement de résistance porté par des Antillais et Guyanais qui refusent de se soumettre au régime de Vichy. Il quitte son île pour rallier la Dominique, puis s’engage dans les Forces françaises libres. Arrivé sur le sol américain, il rejoint l’armée de l’air et suit une formation de pilotage. Il est ensuite affecté en garnison à Amiens avec 36 de ses camarades, avant d’être affecté en Afrique du Nord en mai 1946, où il restera jusqu’à sa démobilisation.

Xercès Louis
Sainte-Marie / Amiens / Blida / Lens
© Gallica Bnf

L’affaire Louis Xercès

Installé en Algérie, Xercès rejoint les rangs de l’US Blida en 1946. Après quelques matchs disputés sous ses nouvelles couleurs, certains clubs adverses contestent sa qualification. En effet, il possède une licence au Stade amiénois, où il était en garnison quelques années auparavant. Même s’il n’a sûrement jamais joué pour Amiens, la commission tranche : les matchs auxquels il a participé doivent être rejoués. L’US Blida est forcée de disputer quatre rencontres en seulement vingt jours, en plus d’un calendrier déjà très chargé. Dépassée par ce calendrier infernal, elle finira par être reléguée. Une descente au goût amer, marquée par une confusion administrative plutôt que par un réel manquement sportif.

L’envol en métropole

Xercès Louis
Xercès Louis en Algérie
© beliasaintemarie

En parallèle de ses performances footballistiques, Xercès se distingue en athlétisme : champion militaire du 100 mètres, du saut en hauteur et du lancer de disque. Bien plus qu’un excellent manieur de ballon, il possède également des qualités athlétiques hors du commun. Milieu de terrain élégant et intelligent, il a un physique qui lui permet de dominer dans le jeu aérien. C’est son adjudant qui le met en contact avec les dirigeants lyonnais, ce qui lui permet de rejoindre le Lyon Olympique Universitaire (LOU), alors en deuxième division. Très rapidement, son talent attire l’attention de plusieurs clubs de première division. Grâce à l’intervention d’Imré Danko, ancien coéquipier de Xercès à Lyon, les dirigeants du RC Lens réagissent rapidement et réussissent à s’attacher ses services pour la somme de trois millions de francs. Le club lensois réalise ainsi le plus gros coup du mercato de cette année-là.

L’âge d’or à Lens

Xercès Louis

Arrivé dans le Nord de la France en 1949, Xercès s’impose rapidement comme un leader sur le terrain et hérite du brassard de capitaine. Ce pilier du RC Lens dispute près de 300 matchs sous les couleurs sang et or, inscrivant une vingtaine de buts. Après trois premières saisons marquées par la lutte pour le maintien, il contribue pleinement à la montée en puissance du club, qui décroche deux titres de vice-champion de France en 1956 et 1957. Cette période faste est également marquée par une finale de la Coupe Charles Drago en 1957.

En 1955, le Racing organise une tournée en Martinique et en Guadeloupe, ce qui permet à Xercès Louis de retrouver sa terre natale. L’enfant du pays, déjà doté d’une solide réputation grâce à ses exploits en métropole, est accueilli comme il se doit.

C’est également à Lens que Xercès rencontre celle qui deviendra son épouse, Andrée Vuille, originaire de Vendin-le-Vieil, avec qui il aura quatre enfants : Lucile, Jenny, Richard et Philippe. À l’issue de cette belle aventure lensoise, qui aura duré huit ans, il rejoint les Girondins de Bordeaux.

L’équipe de France

En 1950, Xercès Louis fait ses débuts avec l’équipe de France B, aux côtés de son coéquipier Jean Lewandowski. Malgré d’excellentes prestations en première division, ses origines martiniquaises freinent sa sélection en A. Il faut attendre le 16 octobre 1954 pour qu’il soit enfin appelé en équipe de France, lors d’un match héroïque face à la République fédérale d’Allemagne, tout juste championne du monde, à Hanovre. Les Bleus s’y imposent 3-1. Il devient alors un véritable concurrent pour Robert Henri Jonquet et Armand Penverne.

Xercès Louis
© beliasaintemarie

Après ce premier match à Hanovre, il lui faut confirmer à la maison, contre la Belgique :

« J’avais eu tellement de mal à saisir ma chance que je ne voulais pas la gâcher. Or je savais que le match de Colombes serait délicat et que l’on ne nous jugerait pas avec la même mansuétude à Colombes qu’à Hanovre. Aussi, je redoutais presque davantage ce match que le précédent. »

Xercès devient ainsi le premier joueur martiniquais à porter le maillot de l’équipe de France, et le troisième joueur noir après Raoul Diagne et Larbi Ben Barek. Entre 1954 et 1956, il honore 12 sélections sous le maillot tricolore. La rencontre la plus marquante fut la victoire 6-3 contre la Belgique, comptant pour les éliminatoires du Mondial, le 11 novembre 1956, contribuant ainsi à la qualification des Bleus pour la Coupe du Monde 1958 en Suède.

Derniers pas sur les terrains, premiers pas sur le banc

En 1957, le transfert de Xercès Louis vers Bordeaux se fait pour sept millions de francs. Le club girondin évolue alors en deuxième division, mais grâce à son expérience et son influence sur le terrain, l’ex-Lensois contribue à la remontée dans l’élite dès la saison suivante. Après plus de 100 matchs sous le maillot au scapulaire, le Martiniquais met un terme à sa carrière professionnelle.

Il entame alors une nouvelle carrière d’entraîneur-joueur. Il prend la direction de l’UMS, le club de Montélimar, jusqu’en 1962, puis entraîne successivement le SO Mazamet, Brassac, La Grand-Combe et enfin le FC Sète de 1972 à 1974. En parallèle, il exerce également comme moniteur d’éducation physique, partageant ses connaissances et sa passion pour le sport.

Le 6 mars 1978, Louis Xercès décède tragiquement à l’âge de 52 ans dans un accident de la route à La Grand-Combe, dans le Gard. Il repose aujourd’hui dans le cimetière de cette commune. La tribune du stade Bollaert-Delelis qui porte son nom est le symbole d’un héritage toujours vivant, témoignant de la trace profonde de Xercès Louis sur le football français, et tout particulièrement sur le RC Lens. En 2024, cet hommage prend une nouvelle dimension à Sainte-Marie, sa ville natale, où un tout nouveau stade, destiné à accueillir l’équipe de la Samaritaine, est inauguré et baptisé stade Xercès-Louis. À l’entrée de ce stade, une statue à son effigie, sculptée par Jean-Marc De Pas, immortalise sa mémoire. De la Martinique à Lens, son nom et son influence continueront de marquer les esprits pendant encore de nombreuses années à venir.

Richard Louis
Le fils de Xercès Louis, Richard
© Jean-Marc Massée

Sources :

  • Le Tell : journal des intérêts coloniaux, 5 avril 1947
  • L’Écho d’Alger, 3 mai 1947
  • Alger républicain, 7 mai 1947 et 8 juin 1954
  • L’Équipe, 13 novembre 1954
  • Le Miroir des sports, 22 novembre 1954
  • Luc Lerandy, « Le Samaritain Louis Xercès, premier international antillais de l’équipe de France »
  • actu.fr, 22 septembre 2024
  • fff.fr
  • Geneanet
  • Archives territoriales de Martinique
  • Ville de Sainte-Marie
  • Grégory Lallemand et David Derieux, RC Lens : Secrets de transferts 2

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