Il est 6h en ce froid samedi matin du 10 mars 1906. 1664 mineurs et galibots sont à l’ouvrage à 350 mètres sous terre dans les fosses 2, 3 et 4 des mines de Courrières à Sallaumines, Méricourt et Billy-Montigny. Parmi eux, 1099 ne reverront jamais la lumière du jour, emportés par le grisou, le feu et la mort.
Il est 20h40 en ce frais samedi soir du 9 mars 2024. Les rires des enfants se mêlent aux discussions entre amis. L’odeur des frites enveloppe l’air, les premiers chants résonnent dans les travées de Bollaert. Quand tout à coup, le silence se fait. Des visages en noir et blanc apparaissent, des anonymes aujourd’hui disparus, vêtus de tenues blanches, la tête recouverte par une barrette en cuir bouilli. Un bref instant, l’émotion étreint les 38 000 âmes qui peuplent ce temple du football. Puis chacun reprend le cours de sa vie, se replongeant dans cette douce parenthèse qu’est Bollaert. Cet endroit où le temps est suspendu et où les soucis s’effacent.
Il est 21h32 quand Ruben Aguilar entame un sprint ravageur vers le kop. Le poing serré en communion avec ses fidèles parmi les fidèles. Un Grenoblois passé par Auxerre et Monaco, qui, revêtu du maillot Sang et Or, joue avec une clavicule cassée et communie comme aurait pu le faire un gars du cru. Un symbole de ce qu’est devenu le Racing Club de Lens sous Franck Haise : souvent brillant, parfois bousculé, mais toujours généreux. À l’image du bassin minier.
Il est 9h20 en ce dimanche 10 mars 2024. Un frêle crachin fait frissonner les hommes et les femmes venus dans cette nécropole de Méricourt. Sous leurs pieds, les restes d’hommes sacrifiés reposent, ceux-là mêmes qui sont apparus à Bollaert-Delelis. Parmi la litanie des officiels, passionnés et associations venus déposer une gerbe, un nom se dégage et émerge : le Racing Club de Lens. Au milieu des mélanges de fleurs blanches et aux teintes claires, le rouge et le jaune des fleurs Sang et Or attire le regard. Ainsi que deux mots : Racines et Héritage.
Ce week-end du 9 et 10 mars 2024, ce sont bien plus que 3 points qui ont été remportés. Ce sont aussi le respect éternel et les larmes d’un simple supporter pour ce qui est bien plus qu’un club de football.