Une tempête en chassant une autre, quelques incertitudes ont plané lors de la semaine dernière sur la tenue du match à Lorient, pour la onzième journée de Ligue 1. Le football l’a emporté sur les éléments, et, malgré un temps peu clément et un nul frustrant, quelques rayons de soleil ont réussi à briller dans le ciel lourd du Morbihan.
Un manque de réalisme frustrant
Une pluie diluvienne. Un vent à décorner les bœufs. De rares accalmies. Voilà les conditions dans lesquelles nos guerriers lensois se sont battus sur la pelouse du Moustoir samedi, sous les encouragements d’un parcage tout aussi courageux. Franck Haise, entraîneur de l’équipe réserve du FC Lorient de 2013 à 2015, puis entraîneur adjoint de l’équipe première jusqu’à son départ pour Lens en septembre 2017, a compté sur un onze quelque peu différent de l’ordinaire. Il peut regretter son manque d’efficacité, mais pas sa vaillance.
Pas de Deiver Machado dans le couloir gauche cette fois-ci, mais un Massadio Haïdara titularisé pour la troisième fois cette saison. Autre troisième démarrage de la saison, au milieu de terrain, pour la paire Andy Diouf – Nampalys Mendy, comme contre Strasbourg et Le Havre, préférée à l’habituelle association Diouf – Abdul Samed. En pointe enfin, point d’Elye Wahi. Morgan Guilavogui a connu sa deuxième titularisation sous les couleurs lensoises. Il fallait remonter à la J1 à Brest pour la première.
On se félicitera que les Lensois aient fait preuve d’allant et d’ambition, et rapidement imposé leur rythme. Mais malgré une possession à leur avantage, et 14 tirs dont 7 cadrés – contre 7 tirs et seulement 2 cadrés côté lorientais –, le score est resté vierge. Il y a pourtant eu quelques frissons dans ce match, comme la puissante frappe d’Angelo Fulgini à la 26e minute, cadrée mais arrêtée d’une main ferme par Mvogo. Ou la frappe audacieuse de Facundo Medina quelques minutes plus tard, elle aussi captée par le gardien lorientais. À la 34e minute, Fulgini élimine un défenseur adverse et centre dans la surface pour Guilavogui, mais la pointure de trop qui lui avait valu un hors-jeu au stade Océane semble malheureusement avoir rétréci au lavage. Il manque le ballon de peu.
En seconde période, si le RC Lens repart avec les mêmes intentions, le réalisme a continué de le fuir. Après une minute de jeu à peine, Morgan Guilavogui centre à ras-de-terre et fait courir le ballon le long du but. Hélas, Angelo Fulgini ne parvient pas à le toucher et Florian Sotoca arrive une seconde trop tard. Le comble de la malchance vient une minute plus tard, lorsqu’une frappe osée de Sotoca depuis le milieu de terrain heurte la barre transversale. Belle allégorie du match : ça ne veut pas rentrer. Nous étions pourtant à deux doigts de revivre son but à Old Trafford cet été.
Les Lensois aussi ont un instant de panique à la 66e minute, lorsqu’une tête d’Eli Junior Kroupi fait trembler les filets. Le Lorientais est finalement signalé hors-jeu. Il fallait se méfier de ce joueur prometteur, déjà auteur de trois buts depuis le mois d’août. Et ce hors-jeu peu flagrant nous a forcément refait penser à celui de Guilavogui deux semaines plus tôt. La frustration d’alors a laissé la place au soulagement. Quant à savoir si c’est cela, le football que nous aimons, celui où chaque action est jugée au millimètre et où l’esprit d’une règle se perd peu à peu dans un brouillard protocolaire nébuleux, chacun se fera son propre avis. Et malgré cette frayeur, ce sont sans nul doute les Lensois qui ont le plus de raisons de se mordre les doigts.
Rayons de soleil
En dépit d’un 0-0 rageant, certains éléments se sont mis en valeur dans ce match. Angelo Fulgini, tout d’abord, s’est montré particulièrement créatif. Il aurait mérité de progresser au classement des passeurs, où brille Florian Sotoca.
Arrivé pendant le mercato hivernal de janvier 2023, il est d’abord quelque peu resté dans l’ombre de l’autre recrue hivernale du RC Lens, Adrien Thomasson. Si les deux joueurs ne sont pas identiques, ils ont des rôles très similaires. Et alors que les débuts de l’ancien Strasbourgeois ont été remarquables la saison passée, avec 5 buts pour 20 apparitions en L1, dont 16 titularisations, Fulgini n’est lui parvenu à marquer qu’une fois en 17 matchs joués, dont 12 titularisations. Tout ne se résume pas aux statistiques, bien sûr, et l’on peut relever qu’il avait besoin d’une remise à niveau physique après une demi-saison peu active à Mayence.
Cette saison, entre la Ligue 1 et la Ligue des champions, la dynamique semble s’équilibrer entre ces deux joueurs. Ils ont tous deux joué 14 matchs, et c’est sur les titularisations que la différence se fait : 8 pour Thomasson, et désormais 10 pour Fulgini. Est-ce dû à une plus grande confiance de la part de Franck Haise, ou bien à un calendrier plus chargé, qui profite en Ligue 1 à ceux qui jouaient moins la saison passée ? Sûrement un mélange des deux. Toujours est-il que l’apport et les intentions d’Angelo Fulgini dans le jeu évoluent dans le bon sens, comme l’illustrent son but à Séville et sa belle prestation ce week-end. Efforts à poursuivre.
S’il est en revanche un joueur qui a prouvé depuis longtemps sa valeur, c’est Facundo Medina. Lui a réalisé un match exceptionnel à Lorient, à l’image de son début de saison flamboyant, où il est très impliqué dans le jeu offensif. Après des premières sorties compliquées et de nombreux buts encaissés, la défense lensoise a aussi su arrêter l’hémorragie, et Medina retrouver une solidité rassurante.
À présent que l’essentiel est revenu, l’Argentin a du feu dans les jambes. Il se projette de plus en plus, si bien que c’est lui que l’on pourrait désormais affubler du surnom de « la Perceuse ». Ce sont les mots de Franck Haise, lors de son explication tactique de la victoire contre Arsenal, qui résument le mieux l’attitude de son défenseur :
« Facundo Medina, lui, plus il est haut, plus il est content. »
Une grinta qui lui a valu, le 28 octobre, d’inscrire son premier but de la saison contre Nantes – rien moins que son huitième sous le maillot lensois depuis la saison 2020-21. Depuis Yohan Démont, aucun défenseur sang et or n’avait marqué ainsi quatre saisons de suite. En conférence d’avant-match la semaine dernière, Medina se justifie ainsi : « Je cherche la victoire. Pas moi seul, tout le monde. Après, c’est Kevin [Danso] et Jo [Gradit] qui s’énervent […] mais les deux me connaissent, les deux me font confiance. » Et de fait, si on le voit partout sur le terrain, il se replie toujours à temps pour remplir son rôle de défenseur. Sa forme remarquable ne peut que forcer l’admiration.