La nomination de Will Still comme entraîneur marque le début d’un cycle au RC Lens. Impossible d’échapper au jeu des comparaisons avec son prédécesseur, Franck Haise. Après quatre belles années marquées par un projet de jeu bien identifié, peut-on parler d’opposition de Still ?
L’état providence de Still et la main invisible de Haise
Will Still, 31 ans, succède à Franck Haise, 53 ans. Le Normand pourrait être le père de l’Anglo-Belge. Et cela se ressent dans leurs modes de management respectifs. L’ex-entraîneur du Stade de Reims écoute la même musique que ses joueurs. Il chausse les crampons et participe aux séances d’entraînement, qu’il aime très animées. Il est adepte d’un langage percutant lors de ses causeries d’avant-match. Ses discours après les rencontres, où il aime réunir ses joueurs dans le rond central, ont contribué à sa célébrité. Son système managérial pourrait être assimilé au concept d’État providence. Soit un modèle où l’interventionnisme des dirigeants est capital pour que l’ensemble puisse fonctionner.
De son côté, le management de Franck Haise ressemble davantage à la théorie de la main invisible. Chère à Adam Smith, cette dernière part du principe que la liberté laissée à chacun des individus qui composent un organisme permettent à ce dernier de se réguler et de prospérer. Le néo-coach niçois aime souligner l’importance pour ses joueurs d’être « en mesure de s’adapter et de faire eux-mêmes le bon choix ». Les décisions de chacun doivent ainsi contribuer à la réussite de l’équipe.
De plus, on observe que, contrairement à Will Still, Franck Haise ne parle que très rarement avant les matchs. Il préfère laisser les piliers du vestiaire s’exprimer. Le calme du plus âgé tranche bien évidemment avec l’énergie et la fougue du plus jeune. Mais nous avons préféré nous attarder sur une autre différence notoire : leur système préférentiel.
Changer le système ?
Will Still et Franck Haise le revendiquent, ils ne sont pas dogmatiques. Pour autant, sur ses 59 matchs officiés en tant qu’entraîneur principal du Stade de Reims, le coach de 31 ans a aligné 48 fois une défense à quatre (le plus souvent en 4-2-3-1 et en 4-3-3). Le Normand a quant à lui dirigé 168 matchs de l’équipe professionnelle du RC Lens, avec sur toute la période, trois rencontres seulement (réception de Lille, déplacement à Clermont puis accueil d’Angers lors de la saison 2022-23) où le RC Lens a évolué avec une défense à quatre.
Cette différence majeure se traduit aussi dans les profils les plus utilisés par chacun. Franck Haise accorde une importance particulière à ses pistons. Ils doivent être capables de multiplier les courses à haute intensité tout au long du match, pour à la fois bloquer les attaques adverses sur l’aile et porter le surnombre lors des contre-attaques. Sur les postes de milieux offensifs, il aime s’appuyer sur des joueurs capables de répéter les efforts défensifs et de combiner dans le cœur du jeu, ce qui permet au bloc de rester haut.
Will Still aime de son côté avoir à sa disposition des profils explosifs et percutants. Dans son système, les milieux offensifs se transforment souvent en ailiers, pour étirer la défense adverse. On retrouve néanmoins des points communs dans les profils nécessaires à la réussite de ces projets de jeu. Comme par exemple l’importance d’avoir un milieu « box to box » qui casse des lignes, ou un avant-centre impliqué dans le pressing. Ce qui nous amène à penser que le natif de Braine-l’Alleud pourrait finalement s’inscrire dans une forme de continuité.
iNTENSITé et verticalité
Lorsqu’on leur demande qui les a influencés, Will Still et Franck Haise donnent deux noms : Jurgen Klopp et Pep Guardiola. Comme 99% des coachs sur terre, nous direz-vous. Mais ces choix révèlent des similitudes dans leurs projets tactiques. On retrouve chez l’Allemand l’importance accordée à la verticalité, l’intensité, le pressing. Tandis que l’Espagnol s’est distingué par sa capacité à former des triangles dans des zones précises pour créer un décalage. Il a aussi inspiré la terre entière par sa propension à faire évoluer ses joueurs dans des rôles inhabituels.
Ce dernier point peut s’illustrer par le replacement progressif de Florian Sotoca d’un poste d’avant-centre à celui, sous les ordres du Normand, de milieu offensif excentré généreux dans ses interventions défensives. Pour l’Anglo-Belge, on peut citer l’évolution de Marshall Munetsi, talentueux milieu défensif zimbabwéen qui a par la suite brillé dans un rôle de numéro 10.
Lorsque l’on s’attarde sur les sorties médiatiques des deux hommes, on retrouve des éléments de langages similaires. Will Still dit qu’il « déteste faire deux fois la même séance ». Et Franck Haise insiste auprès de son staff pour toujours trouver de nouveaux échauffements et « casser la routine ». On note également que la notion de jeu et de spectacle sont omniprésentes dans leurs discours respectifs. Enfin, lorsqu’ils sont interrogés sur les spécificités de leur système, les techniciens tiennent à souligner l’importance de son animation par les joueurs plutôt que le dispositif en lui-même : ils n’ont pas de cadre rigide et adaptent leur équipe à des joueurs en constante évolution.
Ce sont cette audace et cette recherche de plaisir qui ont fait de leurs formations des équipes ambitieuses et agréables à regarder, en remportant l’adhésion des joueurs et des supporters. Des onze capables de se sublimer dans les grands rendez-vous et de réaliser des performances marquantes face aux gros du championnat. Quand les résultats n’ont plus correspondu à ses ambitions, Will Still a semble-t-il fini par se dire qu’il devait viser plus haut. « Je sais que Reims montre une belle image, mais à un moment, ça va me saouler de montrer une belle image (…) Si on veut passer un cap, et gagner ce genre de match, il faut arrêter de commettre ces erreurs », disait-il, agacé par des imprécisions, après une défaite à Bollaert en décembre dernier.
Le voilà à Lens, justement, avec des moyens supérieurs à ceux dont il disposait en Champagne. La suite du mercato nous en dira donc plus sur le nouveau Still que Will pourra donner à ce RC Lens version 2024-25. Pour autant, on lui souhaite, tant sur le plan comptable que celui des émotions, de maintenir un tant soit peu de continuité avec son prédécesseur.