CULTURE SANG & OR

Nidal Čelik, l’ascension fulgurante d’un Bosnien

Arrivé dans les dernières heures du mercato depuis le FK Sarajevo, Nidal Čelik suscite la curiosité. Lens croit fort en lui : ce jeune défenseur a signé jusqu’en 2029. Grâce à Cyrille, un Lensois installé à Zagreb et observateur du football balkanique, nous avons recueilli l’avis de Sanel Konjhodžić, journaliste sportif d’Oslobođenje, le plus ancien quotidien de Bosnie.

Photo sport1.ba
Coup d’accélérateur

On le voyait régulièrement surclassé dans les équipes de jeunes du FK Sarajevo. Puis Nidal Čelik a mis un gros coup d’accélérateur à sa carrière en 2024. En mars, il devient titulaire à seulement 17 ans au sein de la défense de l’équipe première. Il reprend la saison 2024-25 avec un nouvel entraîneur, le Croate Zoran Zekić. Celui-ci le maintient à ce poste avant de le nomme capitaine le 1er novembre, en déclarant devant la presse : « Nous voulons que ce soit un encouragement et une motivation pour lui, et qu’il voie à quel point nous croyons tous en lui ».

Dix jours plus tard, l’entraîneur de la sélection de Bosnie-Herzégovine, Sergej Barbarez, le convoque pour les matchs de Ligue des Nations contre l’Allemagne et les Pays-Bas. Un peu de mérite, mais aussi un peu de chance, puisque les défenseurs Sead Kolašinac et Stjepan Radeljić étaient blessés.

À l’occasion de ces deux rencontres, Nidal Čelik aurait pu devenir le quatrième plus jeune footballeur de Bosnie-Herzégovine à jouer un match en sélection, et le plus jeune en compétition. Mais il n’est finalement pas entré en jeu. Cependant, cette convocation et son capitanat auront eu le mérite de le mettre en lumière. La presse bosnienne évoquera en décembre un intérêt de Lecce, puis dans la foulée, une offre d’un club de Ligue des champions, le Bologne FC. Refusée. C’est finalement le Racing Club de Lens qui a convaincu le club et le joueur.

Pourquoi un tel intérêt en Europe de l’Ouest pour un élément aussi jeune ? Selon Sanel Konjhodžić, Nidal Čelik est « un joueur extrêmement travailleur, qui, grâce à ses talents et à ses excellentes prédispositions physiques, a réussi à s’imposer dans l’équipe première du FK Sarajevo ». À tous les supporters lensois qui s’inquiètent du départ des monstres physiques que sont Kevin Danso et Abdukodir Khusanov, le journaliste bosnien précise également que Čelik, lui aussi, a un physique solide ainsi qu’une très bonne détente. Et de conclure que « peut-être que son âge ou son manque d’expérience lui coûtent quelques erreurs dans certains matchs, mais c’est une chose qu’il pourra surmonter très rapidement avec des performances continues ».

Nidal Čelik
Photo RC Lens

À Sarajevo, on se fait à l’idée que ce surdoué ait visé bien plus haut que son championnat national. « C’est toujours triste quand un jeune joueur part », affirme Sanel Konjhodžić. Mais ce transfert en France est important, « à la fois pour le club dont il est issu et ses joueurs, et pour le championnat lui-même ». Au bout du compte, « les avis des fans sont partagés. Il y a certainement un grand nombre de supporters qui lui ont souhaité bonne chance et l’ont remercié pour le montant que Sarajevo a reçu. Il y a ceux qui sont insatisfaits. Mais vous savez comment sont les gens, il y aura toujours des opinions divisées sur n’importe quel sujet, y compris celui-ci. »

Quand on mentionne qu’il s’agit d’une vente record pour un club de Bosnie, aux alentours de 2,5 millions d’euros selon divers médias, notre correspondant est confiant : « Personne ne devrait être déçu. Vous relevez vous-mêmes qu’il s’agit du plus gros transfert de l’histoire, ce qui témoigne clairement de ce qui se passe sur le marché du football en Bosnie-Herzégovine. Espérons qu’il fera du bon travail et progressera, ouvrant ainsi la possibilité à d’autres joueurs de partir d’ici pour un montant similaire ou supérieur. » Ce connaisseur du football bosnien espère également que « ce transfert a « ouvert » les portes de notre ligue aux marchés de toute l’Europe, et qu’un plus grand nombre de scouts viendront à nos matchs. »

Rôle d’ambassadeur

La Bosnie-Herzégovine aura probablement besoin d’un Nidal Čelik rompu au haut niveau. Au classement FIFA, la sélection nationale est descendue à la 74e place, derrière de modestes nations comme le Cap-Vert ou l’Irlande du Nord. À son pic, le pays était monté à la 13e place, en août 2013, se qualifiant pour la Coupe du Monde 2014. Au coefficient UEFA, le championnat bosnien est dans les tréfonds, 37e, loin derrière la cinquième place de notre Ligue 1, derrière entre autres les championnats letton ou irlandais. Pourtant, la Ligue 1 a connu de grands footballeurs originaires de Bosnie. Les plus anciens se rappelleront Ivan Curković, gardien des Verts. Safet Sušić, Mécha Bazdarević, Faruk Hadzibegić et Vahid Halilhodzić ont brillé lors des années 1980, fastes pour le football yougoslave. Et plus récemment, Miralem Pjanić, Emir Spahić ou encore Sanjin Prcić ont foulé les pelouses françaises.

Face à ce décalage entre, d’un côté, la ferveur qui anime les bouillants derbys de Mostar et de Sarajevo, les pépites que produit la Bosnie, et de l’autre côté, les résultats médiocres des clubs et de l’équipe nationale, Sanel Konjhodžić pointe du doigt l’absence de politique sportive cohérente, qui permettrait de faire émerger et conserver plus longtemps des joueurs comme Čelik.

Nidal Čelik entraînement
Photo CSO

« La Bosnie-Herzégovine est certainement un pays plein de talents, non seulement dans le football, mais aussi dans tous les autres sports. Malheureusement, il existe encore plus de problèmes qui ne sont pas directement liés au sport mais au système étatique. Même si trente ans se sont écoulés depuis la guerre, elle est toujours présente dans l’esprit de ceux qui sont au pouvoir, car c’est ainsi qu’ils manipulent les gens et créent des tensions. Bien sûr, tout cela par intérêt personnel. C’est aussi le cas dans le football, qui est en quelque sorte divisé entre les Bosniaques, les Serbes et les Croates [les trois groupes ethniques qui se partagent le pays et ses pouvoirs] et leurs intérêts. Il y a peu de gens du monde du football dans le football lui-même, et des décisions étranges sont prises. Celles-ci affectent la qualité du football en lui-même. »

« Les équipes nationales de jeunes ont des résultats désastreux, elles sont dirigées par des gens choisis en fonction de leur nationalité, et tout cela conduit à un effondrement total des résultats. Un grand nombre d’enfants talentueux tentent de trouver le salut face à l’injustice en fuyant la Bosnie-Herzégovine ou en abandonnant complètement le football, et en fin de compte, nous obtenons le résultat que nous avons. Ceux des clubs de Zrinjski et de Borac en Europe montrent que nous pouvons rivaliser avec les meilleures équipes, et je suis sûr que le football national peut revenir aux plus hauts niveaux. Mais pour cela, il faut créer et planifier un système qui malheureusement n’existe pas. »

Une chose est sûre : à chaque apparition de Nidal Čelik, les Sang et Or auront désormais des Bosniens prêts à scruter leurs matchs. Car à Sarajevo et ailleurs, on prend très au sérieux le rôle d’ambassadeur des sportifs issus de ce pays de 3,2 millions d’habitants. « Même s’ils sont les pires du monde dans les classements de la FIFA et de l’UEFA, nous les encouragerons et les soutiendrons toujours, où qu’ils jouent. »

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