CULTURE SANG & OR

Léon Tacquet, le gentleman farmer

Il donnait son nom à la « pâture Tacquet », un terrain qui fut celui de la renaissance du Racing Club de Lens après la Première Guerre mondiale. Léon Tacquet, grand passionné de hippisme, fut, en tant que propriétaire foncier, un acteur de l’histoire du club de football de sa ville.

Fin 1918, au sortir de la Grande Guerre, est venu le temps pour le RC Lens de se reconstruire. Ce sont d’abord les Américains qui vont réintroduire le ballon rond dans le bassin minier. Le directeur du Foyer du Comité de secours américain, installé rue de Lille, M. Laroche, organise des activités pour les jeunes et aménage un terrain au milieu des ruines de la fosse 2. Avec son aide, d’anciens joueurs du Racing, Albert Guéant et Séverin Leleu, essayent de trouver un terrain d’entraînement plus adéquat.

Le choix se porte sur la « pâture Tacquet », située là où se trouve aujourd’hui le lycée Condorcet. M. Laroche va dépenser une somme de 10.000 francs nécessaire pour les travaux de viabilisation et de nivelage du terrain. En contrepartie, le Racing devient l’Union sportive du Foyer franco-américain (USFFA), et arbore de nouvelles couleurs : maillot bleu ciel, culotte blanche et chaussettes rouges. Les premières rencontres amicales se disputent en mai 1919.

Quelle est l’histoire de cette pâture ?

Avant la guerre, en lieu et place de ce grand pré situé dans le marais aux abords de la ville, il y avait une piste d’entraînement pour chevaux de courses qui appartenait à Léon Auguste Tacquet, notaire, propriétaire et éleveur à Lens. Ce passionné de chevaux, qui possède sa propre écurie, participe à l’époque aux courses hippiques de la région jusqu’au nord de Paris. Mais son haras est complètement détruit et pillé par l’envahisseur allemand.

Léon Tacquet
Léon Tacquet au Grand Steeple-Chase d’Auteuil
Photo BnF

Léon Auguste Tacquet est né le 6 janvier 1858 à Lens, fils de Constantin Désiré Auguste Étienne Tacquet, notaire, et d’Aglaé Louise Decrombecque. Il est le petit-fils d’une grande figure de l’histoire de la ville : Guislain Decrombecque, maire de 1846 à 1865, et sacré meilleur agriculteur du monde lors de l’Exposition universelle de 1867. Il épouse Marie Virginie Remaux à Lens le 4 avril 1888. Il devient donc le gendre d’Élie Remaux, président de la Compagnie des mines de Lens. Le couple aura trois filles, Madeleine, Suzanne et Yvonne. Pendant la guerre 14-18, dans le Lens occupé, avant une évacuation vers la Belgique, il rédige un journal, qui sera publié dans un dossier de la revue Gauheria en 2004 sous le titre « Dans la fournaise de Lens ».

Les courses hippiques furent la grande affaire de sa vie, et pour mieux s’en rendre compte, il suffit de dresser une liste non exhaustive des différents titres de Léon Tacquet :

  • Président de la Société des courses du Touquet-Paris-Plage
  • Président de l’Union des propriétaires et éleveurs de chevaux de demi-sang du 6e arrondissement d’élevage
  • Président de la Fédération régionale des sociétés de concours hippiques du Nord
  • Vice-président du Club hippique de Béthune
  • Membre du comité de la Société du demi-sang
  • Vice-président du Syndicat des éleveurs de chevaux de demi-sang en France
  • Membre du comité de l’Association des propriétaires et éleveurs de chevaux de selle français
  • Membre du comité de la Fédération nationale des sports équestres en France
  • Membre du comité consultatif permanent des sociétés de courses en France
  • Délégué des provinces à la Chambre fédérative nationale des sociétés de courses en France
  • Vice-président de la Fédération régionale des sociétés de courses du Nord

Tous ses titres et son action lui vaudront d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur le 6 novembre 1921. Sa casaque grenat, croix de saint André vieil or, toque noir, brilla avec les chevaux de demi-sang, Islette, Jaseur, et avec des pur-sang, dont le fameux Duc d’Anjou.

Duc d’Anjou

Léon Tacquet avec son cheval Duc D'Anjou
Léon Tacquet avec son cheval Duc D’Anjou
Photo France Galop

Le 26 novembre 1931, Édouard Wormser met Duc d’Anjou en vente chez Chéri à Neuilly. Il est adjugé pour 25.000 francs à Léon Tacquet. Léon le confie alors à l’entraîneur Maurice Adèle. Quelques mois plus tard, monté par le jockey Jean Luc, Duc d’Anjou remporte le 1er mai 1932, à l’hippodrome de Groenendael, le Grand Steeple-Chase (course d’obstacles hippiques) de Bruxelles.

Léon Tacquet Steeple Chase Auteuil
Steeple Chase d’Auteuil
Photo Gallica

Le 19 juin 1932, cette fois-ci monté par Raymond Trémeau, Duc d’Anjou réitère l’exploit en gagnant le Grand Steeple-Chase de Paris à l’hippodrome d’Auteuil. Après cette victoire, Léon Tacquet est présenté et félicité par le président de la République en personne, M. Albert Lebrun.

Depuis 1941, une course de steeple-chase porte le nom de Duc d’Anjou à Auteuil, en l’honneur du dernier 4 ans vainqueur du Grand Steeple-Chase de Paris, ensuite fermé aux jeunes sauteurs. Autrement dit, ce Duc d’Anjou reste une légende du hippisme.

Hommage

Le 27 décembre 1936, Léon Tacquet décède chez lui au 33 rue Daru à Paris. Ses obsèques ont lieu à l’église Saint-Philippe-du-Roule à Paris. Il est inhumé à Lens au cimetière du Nord. Un buste est installé par sa famille à l’hippodrome de la Canche au Touquet, dans la salle des balances, en compagnie d’un tableau représentant son cheval, Duc d’Anjou. Encore aujourd’hui, le prix Léon-Tacquet est une course hippique de trot monté qui se déroule sur l’hippodrome de Vincennes. Un honneur pour celui qui a œuvré toute sa vie au développement des courses hippiques, mais dont les amateurs de football peuvent se souvenir aussi.

Sources :

  • 50 ans de football dans le Pas-de-Calais
  • Le Sport universel illustré, 18 août 1934
  • La Liberté, 30 décembre 1936
  • Journal de Berck, 11 juillet 1937
  • France Galop
  • Base Léonore
  • L’Écho d’Oran, 20 juin 1932
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