Ce jeudi, le RC Lens rencontre le SC Freiburg dans le cadre du match aller des barrages de Ligue Europa. L’occasion de découvrir une équipe qui présente des similitudes avec le club du bassin minier, tant sur le terrain que dans son organisation. Décryptage avec le concours de Polo Breitner, spécialiste de la Bundesliga et consultant pour RMC Sport.
« Un modèle exemplaire »
Fribourg est une ville de près de 230 000 habitants située à la lisière de la Forêt-Noire, à une trentaine de kilomètres de la frontière française seulement. Néanmoins, l’organisation de son club de football est profondément allemande. Polo Breitner présente le SC Freiburg (SCF) comme « un modèle de gestion, à tel point qu’il est pris en exemple par la Fédération allemande ». Chaque année, le club réalise des excédents et continue d’accroître son chiffre d’affaires (CA). Mais quelle est la recette de ses dirigeants ?
« Fribourg est avant tout un club formateur » explique Polo. La qualité de la formation a permis de réaliser de belles ventes. Nico Schlotterbeck est parti à Dortmund pour 20 millions d’euros en 2022 quand Kevin Schade a rejoint Brentford pour 25 millions l’année suivante. Mais le consultant relève aussi que « cette année, la moitié des joueurs présents sur le terrain ont été formé au club ». Parmi eux, on retrouve notamment l’international allemand Christian Günter, au club depuis… 2006 !
Ensuite, Polo met en avant un « modèle allemand avec des entreprises locales qui sont intégrées dans le tissu économique des associations sportives ». La Bundesliga est l’un des championnats qui dégage le plus de revenus de sponsoring. Là aussi, le club de la Forêt-Noire fait bonne figure avec en point d’orgue le naming de son nouveau stade. Depuis 2021, Fribourg évolue au sein de « l’Europa-Park-Stadion », en référence au parc d’attraction du même nom. Déjà partenaire du club depuis 30 ans, cet investissement témoigne du degré d’implication des entreprises locales dans la vie du club.
Cette notion d’engagement dans la durée existe aussi sur le plan sportif. Polo prend ainsi l’exemple de « l’international allemand Matthias Ginter, qui revient dans son club formateur près de dix ans après son départ ».
Alors que le football s’est ultra libéralisé, Fribourg mise sur la stabilité. Polo abonde : « ce club propose une vision déconnectée du football actuel. »
Stabilité et vision long-termiste
Il est impossible de parler de la vision du SC Freiburg sans évoquer son coach, Christian Streich. Présent au club depuis 2011, il est une véritable légende en Allemagne. Malgré une descente en Bundesliga II en 2015, il a été maintenu à son poste. Si la décision pouvait surprendre à l’époque, Polo témoigne que « le club connaît depuis sa meilleure période historique, avec huit saisons d’affilée en première division et deux qualifications successives en Europa League ».
Personnage atypique qui prolonge son contrat d’un an chaque année, il fait des merveilles avec des moyens limités. Son entente avec le directeur sportif Jochen Saier est une des clés du succès de l’équipe. Au club depuis 2003, ce dernier « est devenu le patron du sportif à seulement 32 ans (en 2013). Il ne doit sa nomination qu’à ses compétences puisqu’il n’a aucun passé de joueur professionnel ».
Ensemble, ils ont construit un groupe compétitif, où tous les postes sont doublés, et avec des internationaux à presque chaque poste. Le spécialiste de la Bundesliga décrit Fribourg « comme une équipe qui maîtrise son football ». Christian Streich dispose de joueurs polyvalents qui lui permettent de jouer en 3-4-3, 4-2-3-1 ou en 4-4-2. Son équipe est disciplinée et pratique un football simple. En possession, ils cherchent avant tout à créer de l’espace sur les côtés tout en amenant du monde dans la surface. Ils amènent beaucoup de centres afin de profiter du jeu de tête des attaquants.
Un relatif manque d’ambition
Justement cette saison, le poste d’avant-centre pose question. Lucas Höler et Michael Gregoritsch se partagent l’essentiel du temps de jeu sur le front de l’attaque. « Ils se fondent parfaitement dans le collectif mais restent des joueurs limités pour le niveau européen » explique Polo. Cela se retrouve dans les chiffres puisqu’on constate une réelle sous-performance en championnat, avec 26 buts marqués pour près de 33 attendus. Ce qui pousse Polo Breitner à dire que « Fribourg a atteint son plafond de verre. Il manque deux ou trois joueurs de classe internationale pour passer un cap ».
À l’image du RC Lens, le SC Freiburg fonctionne avec un effectif restreint. Si un joueur clé se blesse, on constate immédiatement une baisse de qualité. Face à Lens, Philipp Lienhart, l’un des piliers de la défense, manquera à l’appel. Toujours sur la partie défensive, Matthias Ginter était encore absent face à Dortmund et Manuel Gulde est sorti blessé en cours de match. Ces forfaits successifs peuvent expliquer la variété des compositions d’équipes proposées par Christian Streich ainsi que la mauvaise dynamique actuelle. Polo Breitner estime ainsi que « nous n’avons pas du grand Fribourg cette année ».
Et c’est peu de le dire. Alors que Lens vient d’enchaîner sa troisième victoire consécutive, Fribourg en est à sa troisième défaite de suite. Le SCF a concédé trois buts lors de chacune d’entre elles, ce qui fait écho aux absences du moment dans le secteur défensif. Des dynamiques opposées qui incitent à l’optimisme côté lensois. En effet, Polo estime « qu’en Europa League, il y a un nivellement des équipes. La forme du moment est plus importante que le statut de l’équipe. »
Expérience vs intensité ?
Toutefois, l’équipe est expérimentée, constante et « sait faire le dos rond ». Les hommes de Christian Streich sont aussi très performants sur coups de pieds arrêtés. Ils proposent de nombreuses combinaisons et Vincenzo Grifo est un excellent passeur.
Il y a beaucoup d’incertitude concernant le choix des hommes pour ce match en Artois. Polo pariait « initialement sur une défense à cinq mais avec les absents… une défense à quatre est plus que probable ».
Enfin, après avoir visionné les matchs de Ligue des Champions, Polo pense « Lens capable de faire très mal à Fribourg en imposant un défi physique ». Dans un stade Bollaert-Delelis surchauffé, les Sang et Or devront donc aller au charbon pour mettre le feu au club de la Forêt-Noire.