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« La chance favorise les esprits préparés »

Le RC Lens est un club qui grandit vite, et sûrement. Les secousses récentes, qui ont été provoquées par les départs de Ghisolfi, Bessière et Dubois, ont toutes été gérées avec sérénité. Grégory Thil, qui devait faire partie du convoi, a finalement décidé de rester à bord. Pour assurer la suite du préparateur physique, Arnaud Pouille a jeté son dévolu sur Benoit Delaval, nordiste de naissance, et compétent par-dessus tout. Présentation d’un homme aux qualités humaines décrites comme exceptionnelles, et tentative d’explication de la méthode.

Le temps est gris, les maisons de brique. La ville est ouvrière. Un bassin industriel décimé par les réformes libérales et la désindustrialisation progressive. On ne parle pas du bassin minier, mais de cette ville du centre de l’Angleterre, à mi-chemin entre Londres et Edimbourg : Leeds. Située dans le West Yorkshire, elle est connue mondialement pour son club de football : United. C’est ici que Benoît Delaval, nouveau responsable de la cellule performance du Racing club de Lens, a exercé pendant trois saisons et demi. Au service de Marcelo Bielsa, il a fortement contribué au redressement sportif d’un club longtemps embourbé en Championship (équivalent de la L2 anglaise). Un départ qui s’est fait dans la douleur, lui qui a été démis de ses fonctions en même temps que le Loco. Un premier licenciement dans sa jeune carrière qu’il aura très mal vécu, au point de le rendre incapable de suivre les performances de son ancien club avec ses proches.

Un choix sportif et personnel

Né à Lille, Benoît Delaval rejoint le club anglais après 14 ans de services au LOSC. Il explique dans le podcast Pacey Performance (épisode 344), que la victoire de l’équipe de France lors de la Coupe du Monde 1998 a été pour lui un déclencheur dans sa volonté de devenir entraîneur, puis préparateur physique. Le succès historique des Bleus provoque une irrémédiable augmentation du nombre de licenciés dans les clubs, et donc a fortiori du besoin d’entraîneurs. S’orientant vers une carrière de professeur de sport, il décide alors de se spécialiser afin de rejoindre le milieu professionnel, et intègre le club rival en 2004. D’abord entraîneur des équipes de jeunes, il se développe en parallèle comme préparateur physique. Il déclare récemment qu’à ses yeux, un préparateur sportif doit comprendre le métier d’entraîneur. Après 10 ans au centre de formation, il intègre l’équipe première en 2016. Avant de suivre Marcelo Bielsa à Leeds, en 2018.

L’aventure, c’est l’aventure. Benoît Delaval, born & raised dans le Nord, décide de traverser la Manche. Il explique, toujours pour Pacey Performance, que le choix a été motivé par des raisons personnelles. L’envie de se frotter à un nouveau défi, à l’étranger. Le choix est collectif, car il emmène avec lui toute famille. Benoît Delaval prend ses marques, et rapidement, les résultats tombent. Leeds United est promu en Premier League dès sa seconde saison au club, après avoir échoué lors du précédent exercice en play-off. Les joueurs affichent des performances physiologiques remarquables et remarquées. Le fameux jeu à haute intensité de Marcelo Bielsa prend forme, et permet aux Whites de retrouver l’élite du football anglais, puis de s’y stabiliser. Leeds United termine la saison 2020/2021, celle du retour en BPL, à la 9ème place.

Benoît Delaval intervient au service du staff technique, et naturellement de l’entraîneur. Son job, comme il le décrit, c’est d’aider à identifier le signal dans le bruit. Le bruit correspond à la quantité faramineuse de données produite lors des entraînements et des rencontres officielles, quand le signal, lui, correspond à une conclusion donnée. C’est pour cela que Delaval s’appuie énormément sur les compétences des data scientists. Au RC Lens, c’est Valentin Taverne qui a récemment bénéficié d’une promotion interne afin de renforcer le staff data au service de l’équipe pro.

Dans l’idéal, une préparation doit durer 5 semaines et se terminer une semaine avant le premier match de compétition. Cela fait donc 6, si l’on prend la date du premier match comme référence. Ces 5 semaines doivent subir une montée en intensité progressive, avec des rencontres amicales à la fin de la troisième semaine. Tous les joueurs doivent alors jouer trois fois 90 minutes avant le démarrage de la saison. Benoît Delaval précise bien évidemment que ce programme est purement théorique.

Disponibilité des joueurs améliorée

Let’s revert to Leeds, où Delaval est un élément clef du succès immédiat des Peacocks. Son degré d’implication dans le projet sportif est tel que son opinion est parfois prise en compte lorsqu’il s’agit de valider ou non un recrutement. Le travail du frenchy est pourtant à chaque fois mis à rude épreuve. Sur les trois pré-saisons qu’il a expérimenté dans Yorkshire, toutes ont apporté leur lot de problèmes et l’adaptation est à chaque fois le maître mot. La première saison, Delaval se doit de récupérer un effectif qu’il ne connaît pas, et qui a bénéficié du travail de son prédécesseur. Lors de la seconde intersaison, le club décide d’effectuer une tournée promotionnelle en Australie, ce qui bien entendu perturbe la préparation. Et enfin, la troisième est fortement impactée par la pandémie COVID qui sévit partout dans le monde. 

Cette instabilité répétée ne l’empêche pas de contribuer à la montée en puissance progressive de l’effectif coaché par Marcelo Bielsa. C’est lui qui met en place le fameux Murderball (ndlr : le fait de s’entraîner à haute intensité sans interruption) légendé par la presse. Ole Gunnar Solskjaer, entraîneur de Manchester United, mais également Dean Smith (Aston Villa) ou Steve Bruce (Newcastle) reconnaîtront que le Leeds United de Bielsa était de loin l’équipe la plus “fit” de Premier League. Au point que les Peacocks réussissent à être plus que compétitifs lors de rencontres jouées à 10, allant même jusqu’à gagner 2-1 à City alors que le capitaine Liam Cooper est expulsé avant la pause. En plus des performances physiologiques, la disponibilité des joueurs augmente considérablement. En d’autres termes, la fréquence des blessures modérées et majeures diminue (de 36 à 26%, et de 20 à 2%). Dans le même registre, les blessures entraînant une indisponibilité supérieure à un match passent de 74 à 39%.

Après Bielsa, Benoît Delaval collaborera avec Franck Haise

À Leeds, le nordiste peut compter sur le concours d’un préparateur physique adjoint (sport scientist), d’un préparateur physique chargé des blessés, d’un nutritionniste ainsi que d’un stagiaire universitaire. Il collabore en parallèle avec un responsable médical, 4 kinés et 2 médecins. Et en parallèle de son travail à Leeds, Benoît Delaval prépare une thèse démarrée en 2017 à l’Université d’Amiens, et dont le sujet porte sur la récupération dans le football. Il explique que ce travail de recherche lui est indispensable pour mieux appréhender son métier de Responsable de la Performance. Il précise également que la répétition des matchs tous les 3 jours n’affecte pas les performances sportives des joueurs, augmentant seulement le risque de blessures qu’il s’évertue à réduire. Ce doctorat lui permet de travailler de manière scientifique sur les meilleures pratiques permettant d’optimiser la récupération des joueurs après un match. 

Dans le milieu du football, tout le monde s’accorde à saluer l’immense professionnalisme ainsi que les valeurs humaines exceptionnelles de Benoit Delaval. Pour parler de son travail, ce dernier se réfère à la citation de Louis Pasteur : “La chance favorise les esprits préparés”. Sa méthodologie, extrêmement méticuleuse, repose sur cinq piliers : la connaissance, l’expérience, la préparation, la planification et la communication. Reconnaissant sans réserve l’impossibilité de prévenir 100% des blessures, il affirme toutefois que la préparation et le suivi mis en place permettent aux joueurs de se rapprocher le plus possible de leur potentiel. Et apprécie associer ces derniers à ses travaux, partageant avec plaisir des présentations PowerPoint, et recommandant l’achat d’équipements spécifiques comme la Bague Oura, qui permet de monitorer le sommeil avec grande précision. 

Au RC Lens jusqu’en 2027

Bielsa abonde : “Je veux mettre en lumière le travail de Benoît, qui est le responsable fitness, ainsi que tout le staff médical dirigé par Rob Price. Ces deux structures qui ont été développées au sein du club ont effectué un travail de grande valeur. Ce sont des grands professionnels, très à jour d’un point de vue littérature et capables de mettre en place ce qu’ils préconisent.”

D’un point de vue opérationnel, Benoît Delaval a notamment permis à de nombreux joueurs de Leeds United évoluant en Championship de passer le cap de la Premier League. On citera les plus emblématiques, comme Kalvin Philipps, qui fait aujourd’hui banquette à Manchester City, ou encore Patrick Bamford, toujours au club. Symboliques également, puisque ces derniers ont fini par découvrir les Three Lions (ndlr : sélection nationale d’Angleterre) en étant pensionnaires de Elland Road. Cela nous rappelle une destinée. Lié à Bielsa d’un point de vue contractuel, il est démis de ses fonctions le 27 février 2022, suite à une lourde défaite 4-0 contre Tottenham, qui faisait également suite à une correction reçue à Liverpool (6-0). 

Le 22 novembre 2022, le RC Lens officialise son arrivée au club jusqu’en 2027 en qualité d’adjoint de Franck Haise.

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