CULTURE SANG & OR

Hédoire aux mains d’argent

Le 14 juin 1979, le RC Lens vit sa nuit la plus longue lors d’un match de barrage contre le Paris FC. C’est ce soir-là devant 33 896 supporters que Francis Hédoire, portier du RC Lens, va choisir pour rentrer dans la légende. Il permet ainsi aux Lensois d’accéder une nouvelle fois à l’élite du football français.

Francis Hédoire
Francis Hédoire
Photo Annuaire officiel 1980

Dix mois auparavant, le club, qui flirtait avec l’Europe, se retrouve à la 18e place du classement, synonyme de relégation. Accompagné par Troyes et Rouen, le Racing se prépare à affronter le rugueux championnat de deuxième division. Malgré son statut de favori du groupe B, aux côtés de Rennes et Rouen, la remontée s’annonce difficile en raison des départs marquants de Didier Six à Marseille, de Farès Bousdira à Nice, de Jean-Marie Élie à Saint-Étienne et de Jean-Pierre Tempet à Nantes puis à Laval.

Un autre changement majeur s’opère : Arnold Sowinski, entraîneur du RC lens depuis neuf saisons, se met en retrait, cédant ainsi sa place à un autre ancien du club, Roger Lemerre. L’ancien mentor du Red Star devient le seul maître à bord. Ex-défenseur du Racing et artisan de la remontée de 1973, il dispose d’un atout précieux : il connaît bien la maison Sang et Or.

Après un départ timide, les Lensois voient la surprenante équipe de Brest leur passer devant au classement. Peu à peu, ils découvrent le jeu heurté et engagé qui symbolise ce championnat. À mi-parcours, les Lensois se retrouvent à cinq points des Brestois. Mais la machine lensoise semble enrayée et ne parvient pas à combler son retard. En février 1979, après vingt-deux journées, les Brestois disposent de dix points d’avance. Roger Lemerre est menacé, il faut faire vite.

Le déclic se produit grâce à la coupe de France. Et c’est le club de Laval, pensionnaire de première division – où l’on retrouve un certain Jean-Pierre Tempet –, qui va en faire les frais. Le 10 février 1979, au stade Grimonprez-Jooris, par l’intermédiaire de Joachim Marx, Yannick Bourloton et Robert Sab, Lens se qualifie pour les seizièmes de finale et espère lancer sa saison.

« Je suis d’abord, et je tiens à le dire malgré les apparences, profondément heureux pour les joueurs. Je pense en plus que cette victoire va les relancer en championnat. Mais je ne sais pas si je serai là pour voir cela. »

Roger Lemerre

Malgré une fin de saison plutôt bonne, les Lensois ne parviennent pas à rattraper les Brestois, mais accrochent la deuxième place du groupe B. Le Racing se lance alors dans la bataille des barrages. Premier obstacle en vue, l’Olympique Avignonnais, deuxième du groupe A.

Au parc des sports d’Avignon, les hommes de Roger Lemerre livrent une contre-performance totale, plaçant le RC Lens dans une position très délicate (défaite 2-0). Cependant, lors du match retour, les Sang et Or renversent la situation devant 15 000 spectateurs. Robert Llorens (1-0, 15e) et Robert Sab (2-0, 79e) permettent à Lens d’égaliser et d’arracher la prolongation. C’est alors que Joachim Marx s’offre un doublé synonyme de qualification (victoire 4-1, 113e).

En première division, le Paris FC termine à une bien triste 19e place. Battu à la différence de buts par Valenciennes, le Paris FC est relégué directement à l’étage inférieur. Cependant, le FC Gueugnon, vainqueur du groupe A de la deuxième division, refuse le statut professionnel. Le club Parisien est ainsi repêché pour disputer les barrages et se voit offrir une dernière chance de sauver sa place. C’est ainsi que le RC Lens s’apprête à disputer une double confrontation face au Paris FC. À la clé, un ticket d’entrée dans l’élite du football Français.

Lens Paris FC 1979
Michel Joly à l’abordage, mais le Parisien Daniel Alberto parvient à écarter le danger.
Photo Annuaire officiel 1980

Grâce à son entre-jeu composé de Georges Eo, Jean-Noël Huck, Bernard Lech (ex-Lensois) et Bernard Guignedoux, le Paris FC pratique un football de qualité qui lui vaut le respect des puristes. Cependant, son attaque se révèle inefficace. Jean-François Beltramini, meilleur buteur Parisien, est trop souvent isolé. Une autre difficulté pour le Paris FC est la désertion de son public.

Comme annoncée, la double confrontation donne lieu à deux rencontres très serrées. Au Parc des Princes, le match aller se déroule devant 4 000 spectateurs, dont 3 000 Lensois. Personne ne trouve le chemin des filets (0-0). Le même scénario se présente au match retour à Bollaert, où les 33 896 spectateurs doivent patienter jusqu’au bout de la nuit pour connaître le vainqueur.

C’est le moment de la séance des tirs au but. Tout Bollaert retient son souffle. Sur la première frappe du Parisien Guignedoux, le portier lensois Francis Hédoire part du bon côté. Lorsque Beltramini s’avance à son tour, Hédoire anticipe et réitère sa performance.

« J’étais sûr qu’il tenterait de m’entraîner de l’autre côté. Je ne me suis pas laissé piéger. »

Francis Hédoire
Francis Hédoire
Premier exploit de Francis Hédoire face au Parisien Guignedoux.
Photo Annuaire officiel 1980

À ce moment-là, rien n’est encore joué, mais la pression devient trop forte pour les Parisiens. Le pauvre Humberto Rafael Bravo manque le cadre. Le RC Lens, lui, ne tremble pas. Michel Joly conclue magnifiquement cette séance des tirs au but et renvoie le Racing dans l’élite du football français.

« J’ai effectué les bons choix en plongeant chaque fois du bon côté. À droite, puis sur la gauche, et j’ai remporté mes deux premiers duels. À partir de là, les choses ont commencé à se compliquer singulièrement pour nos adversaires. Le troisième penalty leur fut fatal. »

Francis Hédoire
Commentaires Audio de Jean Crinon (document RTF)

Ce match contre le Paris FC restera gravé dans les mémoires des supporters lensois comme une nuit de gloire et de tension extrême. Grâce à la détermination des joueurs et à la performance héroïque de Francis Hédoire, le RC Lens retrouve sa place en première division, marquant le début d’une nouvelle ère sous la direction d’Arnold Sowinski qui fait son grand retour. Roger Lemerre quant à lui fait ses valises et part vers de nouvelles destinées avec le sentiment du devoir accompli.

Sources :

  • Annuaire Officiel 1980 RC Lens
  • La saga des Sang et Or – Laurent Dremière
  • Un siècle de Football en Nord – Laurent Dremière
  • Racing Club de Lens, un siècle de passion en Sang et Or – Isabelle Dupont & Dominique Paquet
  • thevintagefootballclub
  • France Football – 6 juin 1979
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