Georges Duffuler, timide à l’excès et téméraire à l’extrême, l’histoire de celui qui prétend ne pas en avoir !
Georges Duffuler est né le 13 octobre 1925 à Dunkerque. Il grandit rue des passerelles, le long du canal de Bergues avec ses 2 sœurs Fernande et Mauricette, et son frère Marcel. Son père, Marcel Maurice Duffuler, gravement blessé lors de la Grande Guerre, fut décoré de la croix de guerre et décédera le 15 mai 1931 à Dunkerque.
Georges, le jeune gardien de but, signa sa première licence en 1940, au Sporting Club Fivois avec les minimes. Puis il retourna dans sa région natale dans le club de Coudekerque pendant 2 saisons. Après quoi, on le retrouva sous les couleurs du club de Rosandael.
Une rencontre décisive
Durant l’été 1946, le RCLens joua un match amical contre le petit club de Rosendael, où Georges gardait les cages. Un journaliste de l’Équipe présent ce jour-là, raconte :
« Jamais une équipe ne fut autant dominée que celle de Rosendael. Mais le gardien de but arrêtait tout. Il paraissait imbattable. Ce bonhomme, haut de 1 m 65 à peine, affichait dans les buts une telle sûreté, une telle souplesse, une telle détente que Stanis, lui-même, était découragé. »
L’Équipe – 24 mars 1948
À l’issue du match, Georges n’encaissa finalement qu’un seul but après en avoir arrêté prés d’une cinquantaine. Les Lensois se montrèrent tout de suite intéressés par son profil, mais le club possédait déjà 3 gardiens : Créteur, Mielzarek et Verbrugghe. La saison suivante, après avoir laissé filer Verbrugghe à Cannes, Nicolas Hibst, alors entraîneur du RCLens, se précipita à Rosendael pour rapatrié Duffuler. L’ombre de quelques clubs nordistes commençait à planer autour du jeune portier.
Celui qui était encore inconnu la saison dernière, menuisier de son état, défendait désormais les couleurs du RCLens. Après quelques matchs difficiles, Georges s’impose et fait rapidement l’unanimité. À tel point qu’on le compare déjà au meilleur gardien Français de l’époque, Julien Darui.
« Certes, il manque sans doute d’expérience. On ne possède pas toutes les ficelles du métier quand on est professionnel depuis six mois à peine. Mais il a l’enthousiasme de sa jeunesse pour combler ce handicap. »
Liberté-soir – 2 avril 1948
Gardien de petite taille (1m65), il compense par une détente exceptionnelle. Il a également pris 6 kg de muscle depuis son arrivée au Racing, conséquence directe du régime Nicolas Hibst. La presse de l’époque le hisse très rapidement au même niveau que des gardiens comme Bernard (Bordeaux) ou encore Remetter (Sochaux). Il sera même considéré comme un des meilleurs gardiens de sa génération.
Malgré tout son talent, dès ses débuts au RCLens, il doit lutter contre un ennemi invisible : le trac.
« Sur le terrain, tant que je n’ai pas eu un tir à stopper, si faible soit-il, j’ai l’estomac qui remue et la gorge sèche. Mais quand cette première balle est venue dans mes bras, quand je l’ai sentie dans mes mains et que je l’ai renvoyée à mes partenaires, je me sens complètement soulagé, un grand calme descend en moi. »
Nord-matin-sports – 7 novembre 1949
Difficile à imaginer pour un des gardiens les plus téméraires du championnat de France. En effet, il n’hésitait jamais à se jeter dans les pieds de l’adversaire, évitant ainsi un nombre incalculable de buts.
« Quand ça chauffe devant moi et que le danger est là, je ne pense plus qu’au ballon et cela me paraît tout naturel d’aller à la rencontre de l’adversaire pour lui ravir. »
Nord-matin-sports – 7 novembre 1949
Des débuts prometteurs
Après des premiers matchs un peu décevants, Georges se met rapidement au niveau et connaît des premières années plutôt réussies avec le RC Lens. La première année, il manquera de très peu l’accession en première division et jouera une finale de coupe de France contre le LOSC. Fidèle à lui-même, voici ses premières impressions avant la finale de coupe de France :
« Ce sera la première fois que j’irai à Paris, je voudrais bien avoir un survêtement pour ressembler à un vrai footballeur. »
L’Équipe – 7 mai 1948
Il accédera à l’élite du football national l’année suivante et deviendra le joueur le plus coté à Lens. Le vice-président André Varasson déclarera ne pas vouloir s’en séparer même contre une grosse somme d’argent.
L’équipe de france ?
En 1948, Gaston Barreau, alors sélectionneur de l’équipe de France, cherche un remplaçant à Julien Darui, blessé. Pas très convaincu par les prestations de certains gardiens de but, le sélectionneur pourrait étendre sa liste. Georges devient alors de plus en plus une option sérieuse.
« Duffuler de Lens, le Darui numéro 2 ? Et pourquoi pas ? N’est-ce pas lui qui fit gagner Lens, dimanche. »
Le Franc-tireur – 24 mars 1948
Il fera quelques apparitions avec l’équipe de France B, mais refusera finalement la sélection en équipe A à cause d’une phobie de l’avion.
une histoire de famille
Georges Duffuler, reconvertit au métier de vitrier, et sa femme Émilienne Guitton se sont installés au 65 rue Saint-Théodore à Lens avec leurs 5 enfants (Jean-Claude, Claudine, Liliane, Georges et Monique). Après son aventure Lensoise qui durera 10 ans, il fera 2 petites saisons chez le voisin Lillois avant de raccrocher les gants et de repartir chez lui à Dunkerque. Georges et Émilienne auront finalement 9 enfants.
Il est également le cousin du célèbre Lucien Duffuler, Docker, syndicaliste, militant communiste du Nord et secrétaire général du syndicat CGT des ouvriers du port de Dunkerque. Résistant Francs-tireurs et partisan, Lucien fut arrêté par la Gestapo le 3 septembre 1942, et incarcéré au fort de Huy (Belgique) d’où il parviendra à s’évader.
Georges Duffuler décède le 19 septembre 2007 à Dunkerque. D’une timidité extrême, mais d’un courage et d’une abnégation sans failles, celui qui prétendait ne pas avoir d’histoire incarna à lui seul le renouveau lensois. Une ascension extraordinaire d’un gardien de but que personne n’attendait !
Sources :
- Avant-propos du Racing-club de Strasbourg 24 avril 1955
- L’Équipe 7 mai 1948
- L’Équipe 24 mars 1948
- L’Intransigeant 11 mai 1948
- Nord-matin-sports 7 novembre 1949
- Liberté-soir 2 avril 1948
- Le Franc-tireur 24 mars 1948
- Le Franc-tireur 9 mai 1948
- Journal officiel de la République française 4 Janvier 1919
- maitron.fr