De ses débuts en Tunisie à son arrivée sur la Côte d’Opale, le parcours de Gabriel Grauby est celui d’un athlète dont le talent a franchi les frontières. Cependant, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, sa carrière et sa vie prennent un tournant inattendu. Entre ses réussites sur le terrain et les épreuves personnelles, plongez dans le récit fascinant de ce sportif hors du commun.
Premiers Pas à Paris
Gabriel Louis Grauby, né le 14 juin 1911 à Tunis (Tunisie), est le fils de Germain Antonin Grauby et de Rosine Marie Pédri, tous deux domiciliés à Tunis. En Tunisie, on le retrouve dans les effectifs du club d’Hammam-Lif, situé dans la ville côtière de la banlieue sud de Tunis. Il est également convoqué à plusieurs reprises avec l’équipe amateur de Tunisie, où il aura l’opportunité d’affronter l’équipe de France B.
Son aventure en France débute à Paris, au Club Français, qui évolue alors en deuxième division. Il y retrouve deux compatriotes tunisiens, Edmond Zerbib et Maurice Lévy, ainsi qu’un certain Anton Marek. Malheureusement pour Gabriel, cette expérience parisienne sera de très courte durée, le club étant contraint de se retirer de la compétition dès décembre 1934 en raison de difficultés financières. La Commission du Statut du joueur professionnel autorise alors les joueurs professionnels à signer ailleurs. Parmi eux figurent René Godard (gardien), Anton Marek et Raoul De Veigy (arrières), Marcel Daumin et Edmond Zerbib (demis), Georges Ouvray, Maurice Lévy, Josef Hanke et Walter Presch (avants). Mais quel avenir pour les joueurs amateurs tels que Devicq, Gabriel Grauby, Georges Haas ou encore Costa ?
C’est le Nord
C’est finalement l’Olympique Lillois qui vient faire son marché dans ce qu’il reste du Club Français en rapatriant Gabriel Grauby, Walter Presch et Devicq. Gabriel signe donc son premier contrat professionnel dans le Nord de la France, marquant ainsi le début de sa carrière au plus haut niveau du football français. Après une saison 1935-36 couronnée par une place de vice-champion de France, Gabriel Grauby se marie le 15 juin 1936 à Lille avec Fernande Zulma Debeuf — tous deux domiciliés au 78 rue Turgot. Il rejoint ensuite le RC Lens qui évolue alors en deuxième division, et laisse derrière lui un excellent souvenir, tant pour ses performances que pour son engagement.
De Sang et d’or
Au RC Lens, il retrouve ses anciens coéquipiers du Club Français, Anton Marek et Marcel Daumin (en provenance du Red Star). Gabriel rejoint une équipe qui a peu changé et connu d’excellents résultats au cours des deux saisons précédentes. Malgré une saison compliquée, les Lensois parviennent à réaliser une superbe phase retour, permettant au club d’accéder à la Division nationale pour la première fois de son histoire.
La saison suivante, l’effectif est profondément modifié afin de permettre aux Lensois de constituer une équipe capable de rivaliser avec ce qui se fait de mieux en France. L’objectif est atteint, mais Gabriel n’aura malheureusement que peu de temps de jeu. C’est donc tout naturellement qu’il cherche un nouveau challenge pour la saison 1938-39.
Avis de tempête
Après les Flandres et le bassin minier, Gabriel Grauby se dirige vers la Côte d’Opale en rejoignant l’Union Sportive Boulonnaise, qui évolue en deuxième division. Il n’est pas seul dans cette nouvelle aventure, puisque son camarade de toujours Marcel Daumin le suit une fois encore. La saison est plutôt moyenne sur le plan sportif, les Boulonnais terminant à une timide 10e place.
En juin 1939, comme beaucoup d’autres clubs, Boulogne se trouve dans une situation financière délicate. Malgré les diverses aides de la ville, le déficit atteint 200 000 francs. Il devient donc nécessaire de vendre les meilleurs joueurs dont font partie Harold Newell, meilleur buteur de deuxième division, le demi-centre nord-africain Abdelkader Amar, le demi-aile Gabriel Grauby, l’ailier gauche Georges Merveille et le gardien Guido Pretto.
Gabriel, qui souhaite quitter la région maritime au plus vite, n’a reçu aucune lettre recommandée du club l’informant du renouvellement de son contrat pour la saison suivante, comme l’exige le règlement. Par conséquent, il est en droit de se considérer comme étant sur la liste des transferts libres et a l’intention de négocier directement avec les clubs intéressés : le Red Star, Saint-Étienne et Colmar. La Commission du Statut du Joueur Professionnel a décidé de prélever sur le cautionnement de l’US Boulonnaise la somme de 1 750 francs, réclamée par le joueur et à lui verser pour solde de tout compte au 31 août 1939.
Le 1er septembre 1939, la guerre est déclarée, marquant le début d’une période de troubles. À partir de ce jour, nous perdons la trace de Gabriel Grauby. A-t-il été naturalisé ? A-t-il été enrôlé par l’armée Française ? Les réponses à ces questions restent obscures. Tout ce que nous avons à disposition est un avis de décès publié par sa femme dans le journal Le Grand Écho du Nord le 11 avril 1942, annonçant qu’il serait mort pour la France, chez lui à Tunis, le 28 mars 1942. Cette fin tragique clôt le chapitre d’un homme dont la carrière sportive a marqué une région avant de se perdre dans l’obscurité du temps.
Sources :
- Football – 27 décembre 1939
- Ce soir – 21 juin 1939
- Le Grand Écho du Nord – 11 avril 1942
- Les Sports du Nord – 24 juin 1939
- 50 ans de football dans le Pas-de-Calais – Olivier Chovaux
- L’Auto Vélo – 7 décembre 1934
- Archives du Nord