Le RC Lens signe un gros coup avec Andy Diouf. Il a dit oui, Andy. Issu de la formation rennaise, le milieu international tricolore U21 s’est engagé avec le RC Lens jusqu’en 2028. Et aura la lourde tâche de remplacer Cap’tain Seko. Laurent Favre, directeur des Sports du quotidien helvète Le Temps, nous le présente.
C’est un 2003 qui s’apprête à prendre les rênes du milieu de terrain de Franck Haise. L’ex-Bâlois a choisi de rallier l’Artois au détriment de l’OM et de la Bundesliga, où Leverkusen, Francfort mais également Mönchengladbach lui faisaient des yeux plus que doux.
Né à Neuilly-sur-Seine, Andy Diouf est d’abord passé par le centre de formation du PSG, avant de rejoindre l’ACBB puis le Stade Rennais, à l’âge de 15 ans. Rapidement blessé, Andy Diouf se développe au contact des éducateurs et des grands talents qui composent la Piverdière. Il y dispute la Youth League et se voit récompensé par la signature d’un premier contrat professionnel à l’été 2021. Il prolonge par la suite jusqu’en 2025.
Mais la concurrence est rude. Le milieu de terrain de l’équipe première est composé de joueurs de haut niveau. Et la profusion de talents issus du centre de formation à ce poste contraint les dirigeants bretons à faire des choix forts. Car la formation rennaise est luxuriante, et la quantité tutoie la qualité. Lesley Ugochukwu et Désiré Doué sont préférés à Andy Diouf, qui est prêté avec option d’achat au FC Bâle. La suite, on la connaît. Et on vous la présente avec Laurent Favre, en fredonnant les Rita Mitsouko.
Pouvez-vous nous parler du FC Bâle, qui semble un peu en retrait depuis quelques saisons ?
Le FC Bâle a dominé le football suisse pendant une quinzaine d’années, participant régulièrement à la Ligue des champions, avec des victoires prestigieuses sur le Bayern ou sur Manchester United notamment. Ces participations répétées lui ont permis de valoriser les meilleurs joueurs suisses, comme Xhaka, Shaqiri, Sommer, Akanji ou encore Embolo, et de très bons jeunes étrangers repérés dans des championnats peu connus. Il faut se rappeler que des joueurs comme les Égyptiens Mo Salah (Chelsea puis Liverpool) et Elneny (Arsenal) ainsi que le Paraguayen Derlis Gonzalez (vendu au Dynamo Kiev) sont passés par Bâle.
Qu’est-ce qui a mis fin à cette domination presque hégémonique ?
Depuis à peu près cinq ans, le FC Bâle s’est fait dépasser par les Young Boys de Berne. La raison est que les Bâlois ont perdu leur mécène, Gigi Oeri, héritière du géant chimique Novartis. Et aussi parce qu’il ne participe plus à la Ligue des champions et enfin qu’il n’est plus seul à prospecter dans les petits pays. Le club s’est tourné vers une nouvelle stratégie : la valorisation de très jeunes joueurs qui sortent des U19 et qui sont barrés dans leur club. C’est le cas d’Andy Diouf, dont tout le monde avait perçu le potentiel mais qui n’arrivait qu’en troisième ou quatrième choix à Rennes. Il a souhaité venir à Bâle pour jouer le plus possible et se mettre en valeur en Coupe d’Europe. À son arrivée, Diouf a expliqué avoir été surpris de voir à quel point les dirigeants bâlois savaient tout de son jeu, de ses points forts et de ses points faibles.
Pouvez-vous justement nous parler du néo-lensois Andy Diouf ? Comment s’est déroulée sa saison ?
Déjà, Andy Diouf n’a pas eu de problème d’intégration. Au FC Bâle, il a retrouvé trois autres Français, Jean-Kévin Augustin, Andy Pelmard et Hugo Vogel. En parallèle, l’effectif compte également cinq ou six joueurs suisses francophones. Il a tout de suite été titularisé. Je l’ai vu jouer le 8 août contre Young Boys, pour le gros match de notre championnat. L’équipe a fait une mauvaise saison parce qu’il y avait beaucoup de nouveaux joueurs, surtout des attaquants, qu’il fallait valoriser à tour de rôle, et l’entraîneur Alex Frei a mis du temps à trouver la bonne formule. Très vite, il y a eu de la pression car Bâle se doit d’être européen chaque année. Frei a été licencié. Le club a ensuite mieux tourné en Coupe d’Europe qu’en championnat. D’abord parce qu’à Bâle, il y a une vraie culture de la Coupe d’Europe, et parce que ça devenait surtout un moyen de sauver la saison. Le style de match un peu fou-fou de la Conference League convenait bien à cette équipe portée vers l’attaque. Et à l’image de son club, Andy Diouf a surtout brillé en Conference League en marquant 3 buts, délivrant 2 passes décisives, et en étant élu dans l’équipe type. Au-delà de la Coupe d’Europe, il a surtout été l’une des rares satisfactions bâloises en Super League (ndlr : le championnat suisse).
Andy Diouf semble arriver au RC Lens avec comme mission principale de prendre la suite de Seko Fofana. Quelles sont ses caractéristiques ?
Je ne connais pas bien Seko Fofana, et je ne peux pas faire de comparaison. À Bâle, Diouf s’est révélé dans un rôle de joueur d’axe, qui récupère les ballons au milieu de terrain et est ensuite capable de perforer balle au pied. Il était habitué à jouer plus haut. Il a complété son bagage en améliorant son jeu défensif. Il doit encore apprendre à être plus décisif. Il a été assez peu impliqué dans les buts bâlois (6% en championnat, 18% en Conference League), ce qu’il dit être son défaut depuis son plus jeune âge. Contre la Fiorentina en demi-finale aller de Conference League, il marque après une chevauchée d’un tir placé là où il aurait sans doute tiré très fort quelques mois plus tôt. À mes yeux, son très gros point fort est qu’il semble ne pas ressentir de pression. Andy entre sur le terrain et il joue sans se poser de question.
Comment voyez-vous ce transfert ?
Andy Diouf n’ayant que très peu joué en Ligue 1, il ne doit pas avoir le sentiment de revenir en arrière. Et puis Lens joue la Ligue des champions et a un fort soutien populaire, comme Bâle. Pour le FC Bâle, la question se pose différemment et les raisons sont plus claires : le club voulait surtout transférer son avant-centre Zeki Amdouni qui a une très bonne cote (26 buts en 2023). Les dirigeants n’étaient pas forcément vendeurs pour Diouf, ils avaient l’ambition de le conserver une saison de plus. Mais une très belle offre est arrivée.
Est-ce qu’il est prêt pour la Ligue 1 ?
Il lui faudra s’imposer dans un championnat plus athlétique et plus fermé que la Super League. Je ne dis pas que le championnat suisse est faible. Il n’y a qu’à regarder ce qu’a fait Clermont en Ligue 1 cette saison avec deux cadres qui jouaient l’an dernier à Lausanne (Mory Diaw) et au Servette (Grejohn Kyei). Mais en Super League, le jeu y est plus ouvert et il y a peu de joueurs du registre d’Andy Diouf.