Nous avons tous notre propre histoire avec le RC Lens, et aujourd’hui, je vais essayer de vous raconter la mienne. Tout commence à l’aube d’une saison 1988/1989 qui va impacter directement le reste de ma vie…
Je vais découvrir le football, le vrai, à travers le récit de mon père qui cette année-là, s’apprête à vivre une épopée fantastique. Moi, je n’ai encore que quelques mois et je n’en garderais malheureusement aucun souvenir. Mais cette histoire, mon père me la racontera des centaines de fois et accompagnera toute mon enfance. À tel point qu’aujourd’hui encore, j’ai cette sensation étrange de l’avoir réellement vécu.
L’histoire se déroule dans la petite ville du Portel, ville limitrophe de Boulogne/Mer sur la Côte d’Opale. L’équipe du Stade Portelois vient de subir plusieurs descentes consécutives et quand Jean-Pierre Dagbert reprend les rênes de l’équipe en D1 de District, l’objectif est simple, stopper l’hémorragie. Grâce à un groupe de qualité et intrinsèquement supérieur au championnat dans lequel ils évoluent, les Portelois vont se donner l’opportunité de briller en coupe de France.
Tout commence au 1er tour contre une équipe de même niveau, Berck. Les Portelois ne vont pas faire dans la dentelle et ne faire qu’une bouchée des pauvres Berckois.
Pour le 2e tour, ce sera l’équipe de Saint-Martin qui évolue à un échelon supérieur. Après un match âprement disputé, le score est de 2 – 2 au bout du temps réglementaire. Les prolongations n’y changeront rien, place à la séance de tirs au but. Le gardien Portelois Jean-Marie Delayen va alors s’illustrer en arrêtant 3 tirs au but et ainsi qualifier son équipe.
Le 3e tour se jouera contre l’équipe de Mazingarbe. Un match largement à leur portée, mais ce jour-là, les Portelois n’y arrivent pas. Il faudra attendre les prolongations pour finalement voir les Portelois inscrire 2 buts et se qualifier pour le tour suivant.
Le Portel accède donc au 4e tour. Tous les espoirs sont permis et les supporters commencent à y croire, même la presse commence à s’intéresser à l’histoire de ce club amateur. Un tirage très défavorable envoie les Portelois chez les nationaux d’Hazebrouck. On se dit que cette fois-ci, cela risque d’être très compliqué, et ce fut le cas. Mais c’était sans compter sur le gardien de but Jean-Marie Delayen qui encore une fois va permettre de tenir miraculeusement jusqu’au tir au but, et de réitérer l’exploit d’en arrêter 3.
Pour le 5e tour, l’équipe du Portel recevra une belle équipe de Promotion, Coudekerque. Dans un stade Amour Sergent bien garni, le Portel se fait cueillir dès la 17e min. Les minutes passent et les supporters commencent à douter, mais le stade chavire enfin à la 64e min quand les Portelois parviennent à égaliser. Puis la délivrance arrive en prolongation à la 114e min quand le ballon rentre dans les filets par un petit trou de souris.
Direction le 6e tour !
Encore une fois, le tirage n’est pas favorable, il faudra affronter la grosse équipe de Fécamp alors pensionnaire de D3. La marche sera-t-elle trop haute ? Sans doute, mais les Portelois ne se laisseront pas faire. Avec un stade plein, les Portelois font corps. Les minutes défilent, ils encaissent les coups à merveille, ils tiennent bon. Le miracle se produit encore une fois pendant les prolongations, quand l’arbitre indique le point de penalty. Daniel Golliot s’élancent et marque. Un miracle de plus pour ce club amateur que seul le football est capable de produire.
Direction Paris et le siège de la FFF pour le tirage du 7e tour. Ce sera finalement direction Saint-Lô, encore une équipe de D3 entraîné par l’ex Stéphanois Alain Merchadier. C’est alors que le peuple Portelois s’organise. C’est ainsi que 14 bus prennent la direction de Saint-Lô pour supporter leur équipe. Un déplacement comme on en connaît peu, que mon père a eu la chance de vivre. Après avoir encaissé un but d’entrée de jeu, les Portelois ne s’affolent pas et égalisent rapidement. Une nouvelle fois en prolongation, le Portel s’arrache et obtient un penalty, une nouvelle fois tirer par le spécialiste Daniel Golliot.
32e de finale de coupe de France, historique pour un club de district.
Cette fois-ci direction le parc des Princes à Paris pour le tirage des 32e de finale. Les équipes de D1 rentrent en lice et le tirage est découpé en 4 groupes. Le groupe des Portelois est constitué de Nantes, Bordeaux, Lens et le PSG. Pas de suspens inutile, le Portel va recevoir le RC Lens ! Le match va se jouer à Boulogne/Mer au stade de la Libération devant 11 000 supporters. La voilà notre finale !
Quelles sont les chances des Portelois ? Quasi-nulles, mais cette équipe du RC Lens, qui joue en ce moment sa survie en D1, va-t-elle prendre au sérieux ce match ? Peut-être est-ce là, la seule petite lueur d’espoir. Côté Lensois, on y retrouve un petit gars du Portel, son nom doit vous dire quelque chose, il s’agit de Cyrille Magnier, futur champion de France avec le RC Lens en 1997/1998.
En ce soir de février 1989, c’est le déluge, vent violent, pluie torrentielle, grêle, terrain inondé. Le match n’aurait très certainement pas dû se jouer, mais l’arbitre en décida autrement. Encore un signe du destin ? Ces conditions climatiques favorisent bien évidemment les Portelois car ce soir, seul le courage et l’envie vont déterminer le score du match. Un scénario qui se répète encore pour les Portelois, avec l’ouverture du score très rapide de Cherif Oudjani à la 5e min et une égalisation sur un énième penalty transformé par Daniel Golliot à la 25e min. Et encore une fois, les Portelois, au courage, arriveront à tenir le score jusqu’en prolongation. Le stade est en feu, et tous les espoirs sont dorénavant permis. Malheureusement, ce feu sera vite éteint par la pluie qui continue de plus belle et à des Lensois qui vont finalement faire craquer les Portelois à 2 reprises avec des buts de Laurent Hochart 92e et d’Hervé Arsène 96e. Un nouveau penalty transformé par Daniel Golliot redonne un peu d’espoir. Didier Herbez à peine rentrer en jeu manque de peu l’égalisation d’une tête plongeante qui rase le poteau. L’expérimenté Cherif Oudjani vient malheureusement pour les Portelois plier définitivement le match à la 118e min.
Le Portel est éliminé de la coupe de France !
Pour la septième fois de suite, on disputait les prolongations. Alors, même contre une équipe comme Lens, on y a forcément vu comme un signe.
Jean Marie Delayen, gardien du Portel
Le RC Lens se fera finalement éliminer dès le tour suivant contre l’AS Beauvais pensionnaire de D2. La compétition sera remportée par l’Olympique de Marseille qui l’emportera 4 à 3 contre l’AS Monaco. Malheureusement pour le RC Lens, ils n’arriveront pas à se sauver et seront relégués en deuxième division.
Comme une ultime empreinte de l’histoire de ce stade Portelois, passé en l’espace de 8 tours de coupe, de l’anonymat d’un banal championnat de district aux lumières de la gloire et des médias. Une équipe qui aura donné et donnera sans doute encore longtemps, une bonne dose de rêve à tous les footballeurs du dimanche. Plus que Fécamp ou Saint-Lô, ses précédentes victimes, plus qu’à Boulogne/Mer samedi soir, le mérite du Portel est sans doute là, géant et en même temps ouvert à tous.
Gilles Aubert – Journaliste
Presque 35 ans après, cette épopée en coupe de France continue de faire parler d’elle, et le souvenir du plus petit club de l’histoire ayant réussi à accéder au 32e de finale reste intact et continu de se transmettre.
Lors de l’édition 2019 2020, le club qui joue alors en N3, accède de nouveau au 32e de finale contre le RC Strasbourg. Comme un symbole, le match se jouera cette fois-ci à Calais, au stade de l’Épopée.
La voici mon histoire ! Depuis ce jour-là, c’est décidé, je jouerais au football et je supporterais le RC Lens.
Et vous, quelle est votre histoire ?
Sources :
- Stade Portelois – 70 ans de passion
- L’Équipe – 27 février 1989