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« Le RC Lens a gagné des fans au Vénézuela »

Wuilker or not Wuilker ? Depuis janvier, le portier Venezolano partage son temps de jeu avec Jean-Louis Leca, habituel titulaire dans les cages. Le débat fait rage, et personne ne peut affirmer quoi que ce soit quant au futur de Fariñez au RC Lens. Sera-t-il le portier titulaire la saison prochaine ? Comment la situation est-elle vécue dans son pays d’origine ? Pour vous apporter un peu de lumière, on est partis interroger Rodrigo Diaz, journaliste vénézuelien basé à Caracas. A la découverte d’un football méconnu.

(crédit : as.com)

Salut mon pana* ! Est-ce que tu peux te présenter à notre communauté ?

Je m’appelle Rodrigo Diaz et suis journaliste sportif, co-fondateur du média Mundializate. Je travaille en ce moment pour l’émission Deportiva 98.3 FM et commente les matchs de football européens, principalement la Liga et la Ligue des Champions, ainsi que les matchs éliminatoires de la zone sud américaine. 

Est-ce que tu peux nous parler du football vénézuelien ? 

La Vino Tinto est la sélection qui unit le plus les vénézuéliens. De tous les sports, la sélection de football est celle qui passionne le plus. C’est quelque chose d’unique. Il n’y a pas la même passion pour le football que pour la sélection elle-même. Le football se pratique beaucoup dans les États de Los Andes et Bolivar. Dans le reste du pays, c’est beaucoup moins le cas, c’est le futsal qui est véritablement le sport le plus populaire du pays.

La force de notre football, c’est l’abondance d’ailiers provocateurs, physiques, rapides, avec une belle capacité de dribbles. Des joueurs qui déséquilibrent le jeu. Cela grâce à la forte présence du futsal dans le sport vénézuélien qui nous permet de sortir beaucoup de profils dribbleurs. Là où l’on pêche en qualité, c’est en défense, notamment sur les postes de latéraux. Tous les ans, énormément de joueurs quittent le Venezuela pour l’étranger. 

L’autre aspect qui nous fait défaut est d’ordre psychologique : on a la mauvaise habitude d’échouer lors des matchs clefs. De faire des erreurs bêtes qui nous coûtent des victoires importantes. C’est dû à un manque de confiance endémique à la sélection. Au pays, on appelle cela la “Venezolanada””. 

Et les clubs ? 

Les clubs vénézuéliens ont beaucoup de problèmes de paiement, sont victimes de luttes internes, voire même de l’intervention de l’État pour certains. Il y a d’énormes problèmes d’organisation et de structuration. El hijo huerfano par rapport aux autres sports. 

Le RC Lens n’était pas un club inconnu au vénézuela

Le Venezuela n’est pas reconnu internationalement pour son football. Le sport numéro un, à nos yeux, reste le baseball. C’est correct ou les choses ont évolué ?

Le baseball est le sport le plus diffusé par les médias, mais depuis quelque temps il perd du terrain. Aujourd’hui, il est véritablement concurrencé par le futsal donc, et le football. Mais aussi le basket qui se pratique beaucoup dans notre pays. Je ne suis pas certain que le baseball soit toujours le sport numéro un au Vénézuela. 

Parle-nous de joueurs vénézuéliens que nos lecteurs ne connaissent certainement pas. 

Je commencerais par le capitaine de la Vinotinto : Tomas Rincon. Il joue à la Sampdoria, en Italie, après être passé par la Juventus et le Torino. Il y a bien évidemment Salomon Rondon (Everton), mais aussi Darwin Machis, qui est un ancien joueur de futsal (Granada, Espagne). Yeferson Soteldo est quant à lui un joueur assez unique, qui a fait parlé de lui quand il jouait à Santos, au Brésil. Il portait le numéro 10 du Roi Pelé, et ce dernier ne cachait pas son admiration pour notre petit meneur de jeu (1m56). Yeferson joue désormais au Mexique, chez les Tigres, en compagnie de Thauvin et Gignac (rires).

Il y a beaucoup de jeunes joueurs qui peuvent incarner le futur du football vénézuelien : Daniel Perez, attaquant puissant qui évolue aujourd’hui au FC Bruges, mais aussi les joueurs qui ont été vice-champions du monde U20 en 2017 : je pense à Makoun, Herrera, Yeferson Soteldo qui n’a que 24 ans, et bien évidemment Wuilker Fariñez. 

Parlons justement de Wuilker, qui a pris du galon depuis janvier et enchaîne les rencontres, en alternance avec Jean-Louis Leca. Comment la presse sportive vénézuélienne analyse la situation de son gardien titulaire ? 

Bien évidemment, nous regardons cela avec attention. Et on attendait avec impatience le moment où Wuilker commencerait à jouer. Quand il est arrivé, c’était clair qu’il serait le remplaçant de Leca. Il commence à avoir un rôle plus important dans l’équipe et tout le monde attend de lui qu’il consolide son statut de gardien international avec cette expérience en Europe.

Est-ce que le RC Lens est suivi au Venezuela grâce à la présence de Wuilker ? 

Le RC Lens a certainement gagné des fans au Venezuela de par la présence de Fariñez. Lens n’était pas une équipe inconnue dans la mesure où vous aviez déjà eu un joueur vénézuelien en la personne de Gabriel Cichero. C’est souvent arrivé que l’opinion publique se demande pourquoi Wuilker ne jouait pas plus de minutes. Il était considéré comme le meilleur gardien en Colombie quand il jouait au Millonarios, et est toujours titulaire dans la sélection à l’heure où on se parle. Mais ceux qui suivent avec attention le RC Lens savent que le capitaine et pilier de l’effectif est Jean-Louis Leca. Mais beaucoup de personnes l’ignorent, et pensent que Wuilker devrait partir de Lens parce qu’il ne joue pas assez.

(crédit : meridiano.net)

Certains doutent quant à la capacité de Wuilker de s’imposer en Europe. Ces doutes se basent essentiellement sur sa relative petite taille (1m80). Objectivement, quelle est ton opinion ?

Ici aussi, la taille de Wuilker a déjà été un sujet. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’avait pas été recruté par le Benfica Lisbonne. Si Lens a parié sur Farinez, c’est que sa taille n’a pas été identifiée comme un problème indélébile. A lui de démontrer qu’il peut s’imposer dans le football français. Son déficit de taille peut être compensé par beaucoup de travail et de sérieux. 

Tu me disais il y a quelques mois que son statut en sélection avait été un peu fragilisé à cause de sa situation au RC Lens, mais également des performances du gardien remplaçant, Graterol. C’est toujours le cas ? 

Wuilker était le titulaire indiscutable de la sélection. Mais à force d’être sur le banc du RC Lens, et aussi en réponse aux bonnes prestations de Graterol et Rafael Romo (ndlr : qui évolue en Belgique), ces derniers ont été testés. Mais aussi bien Graterol que Romo n’ont réussi à convaincre. Ils ont commis des erreurs sans apporter la même assurance que Wuilker. Dès son arrivée, Pekerman (ndlr : entraîneur argentin nommé à la tête de la Vinotinto en 2021) a accordé sa confiance à Fariñez. Franchement, cela me paraît difficile qu’il perde son statut de titulaire. D’autant plus qu’il commence à jouer chez vous (rires).

Retranscrit par Antoine

*pana = mon ami

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