On ne sait si c’est la magie du ballon rond ou une pièce à la Ionesco. En tout cas, ce Lens-Nantes, s’il y avait encore un doute, nous prouve par A fois X sur hypoténuse que le foot est un jeu de l’amour et du hasard.
Photo AFP
Le match fou
Le scénario était encore fou. Mais comme dans un épisode de Demain Nous Appartient, il ne fallait pas s’attendre à ce que les acteurs soient au niveau du dramaturge.
Des erreurs techniques en pagaille, le tout puni par l’arbitre Clément Turpin, qui en dehors de toute pression du gros match a retiré son costume de Droopy pour celui de Zorro, le justicier face à la gaucherie du pataud sergent Garcia alias Douglas Augusto, alias Facundo Medina. En somme, deux pénos sifflés en première période très justement et avec humilité s’il vous plaît, pour un score de 1-1 à la mi-temps. Peu flatteur pour Lens.
Après cela, ce fut comme dans Le Seigneur des Anneaux avec pas loin de quatre Sang et Or (Thomasson, Diouf, Pereira Da Costa, El Aynaoui) pour la conquête d’une terre du milieu fort embouteillée. Heureusement, Hamzat Ojediran est entré dans le rôle de Gollum pour pimenter la bataille, alors que le FCN avait scoré tels les Nazgûls dans ce long et horrible temps mort de la seconde période. 2-2.
Adrien Thomasson, lui, a signé le retour du roi, omniprésent et omniscient, dans une guerre finale où le soldat vétéran Pallois, habillé d’un simple boxer et débardeur pour l’occasion, l’a joué pourfendeur de bonnes âmes en lobant son propre taulier d’un coup de casque légendaire, burlesque. Dramatique encore pour une équipe adverse qui méritait peut-être mieux que cette fin à la Lalaland. 3-2.
Est-ce que ce monde est sérieux ?
La scène ne se jouait pas uniquement sur les planches ce samedi soir. Dans les gradins, un tout autre récit s’écrivait déjà. D’abord, l’ambiance bon enfant et animée par les deux kops actifs a laissé place à l’imbroglio. L’ennemi commun fut la Ligue de football professionnel, jouée par l’incandescente Labrune « lé innocent » (comme le moquait un calicot aperçu en tribunes). L’espace d’un instant, Bollaert-Delelis se transforma en court de tennis avec des centaines de balles de tennis, oui, de tennis, venues rebondir sur sa pelouse, interrompant ainsi la partie, pour marquer la désapprobation contre une structure autocratique et qui manque cruellement d’autocritique. Ç’aurait pu mettre le feu aux poudres. Niet, aussi foutraque que RRRrrrr des Robins des bois, l’acting s’essouffla, encore, dans un désarroi général, laissant la part belle à un certain néant footballistique. Jusqu’à la 75e minute, au moment du deuxième but nantais signé par ce diable fortement décisif que l’on attendait toutes et tous (coucou Frédéric Happe) de Moses Simon : une partie de la Marek quitta sa place, laissant la morosité s’installer encore plus. Dans le malheur ou la gloire, nous on est là, disait la légende.
Et puis cette fin de match à n’y rien comprendre. Une égalisation au bout du bout, suivie de ce but Monthy Python qui tua la bête nantaise tristement blessée, enfin le Canari qui n’effraie pas grand monde dans cette Ligue 1. Bim ! Chandelle de la tête ! Et but du scalp de Thomasson, à bout portant, à en perdre la boule, ou en avoir mal au crâne. Explosion de joie dans les tribunes, teintée de cette amertume, qui ne venait pas aujourd’hui de la cervoise, mais de cette drôle de pesanteur, mêlée à la stupeur et à l’incompréhension.
Il y a deux semaines, Bollaert-Delelis était le théâtre d’une fin ubuesque dans le derby. Aujourd’hui, nos favoris s’en tirent bien, avec les honneurs. Certains, les plus pragmatiques, diront que l’important, c’est les trois points. D’autres, plus philosophes, s’accrocheront à cette ironie, qui joue de nos émotions, pour en tirer la quintessence même du football, théâtre finalement de toutes les folies, de nos émotions et de notre amour pour le blason sang et or.