Alors que les droits télévisuels pour la période 2024-29 n’ont toujours pas été conclus, l’heure est à la rationalisation. Tentative d’explication de ce pas en arrière nécessaire à la poursuite du bon développement du RC Lens.
Photo RC Lens
Il y a encore quelques semaines, le monde semblait se dérober sous nos pieds. Les terrils entraient en éruption quand Arnaud Pouille et Franck Haise étaient annoncés sur le départ. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et les tempétueuses prophéties ne semblent plus qu’être d’éparses bourrasques. Le bateau ne coule pas. Le joujou n’est pas cassé. Le navire Sang et Or n’échappera sans doute pas à de nouvelles secousses que l’on qualifiera de normales – insistons – pour un club comme le RC Lens. L’accalmie semble désormais de mise. Après l’acceptation plus ou moins sincère de la nomination de Pierre Dréossi par le microcosme lensois, c’est Will Still, entraîneur en vogue, qui a décidé de poser ses valises en Artois, alors que la Championship lui faisait les yeux doux.
Entre-temps, Joseph Oughourlian avait installé un nouvel hyper-climatiseur, confiant dans un off qui n’en était certainement pas un, l’objectif magico-horrifique de 100 millions d’euro de ventes pour cet été. La panique, une nouvelle fois, avant la réflexion. Le chiffre communiqué étant brut, il a fallu plusieurs jours afin d’en extraire le véritable sens. On parle alors de ventes nettes comptables, d’amortissements et de tout un vocabulaire financier d’une technicité telle qu’il serait judicieux de ne pas trop chercher à la maîtriser lorsque l’on se situe en dehors du réacteur.
« Le sportif doit dépendre du financier »
David Gluzman est supporter des Girondins de Bordeaux. Mais surtout un financier de haut niveau. Il intervient régulièrement sur Le Comex, podcast traitant du football, et parfois sur l’After Foot. D’entrée de jeu, il se confesse : « Je suis Picard, originaire de Saint-Quentin. En fait, j’ai grandi entouré de supporters lensois. » Peut-être une explication sur le fait qu’il suive de près ce qui se passe en ce moment au RC Lens. Son avis est assez tranché : « Le sportif doit déprendre du financier et non l’inverse. Le club doit pérenniser le plus possible son équilibre et surtout son état d’autosuffisance. » Mot-clef identifié. L’autosuffisance est depuis toujours un prérequis absolu voulu par Joseph Oughourlian dans la conduite économico-sportive de son Racing Club.
Et visiblement, le RC Lens a commis les erreurs que beaucoup de clubs français qui disputent la Ligue des Champions font. « Bordeaux ou Lille par exemple. C’est simple, tu ne peux pas adapter une structure long terme qu’est un club de football à un événement tant court terme qui revêt une dimension exceptionnelle comme la C1. Le RC Lens en Ligue des Champions, on le verra peut-être une fois tous les quatre ou cinq saisons. Cette augmentation du train de vie dès la première participation n’a aucun sens. Je te prends l’exemple de l’enfant qui reçoit de l’argent à Noël. Il a une rentrée d’argent importante et ponctuelle. Il ne va pas commencer à se payer des abonnements avec engagement d’un an dans tous les sens parce qu’il a reçu 50 euros le 24 décembre… »
Une dévissement des dépenses qui aurait été découvert par Joseph Oughourlian lors d’un audit. Et forcément, une gouvernance qui dévie de ses objectifs économiques impondérables ne peut plaire au grand patron, qui plus est quand on connaît son parcours. « Joseph Oughourlian est un activiste, c’est-à-dire qu’il influe sur la gestion des entreprises dans laquelle il rentre quand il estime que la rentabilité/profitabilité n’est pas celle attendue. Ses décisions sont extrêmement fondées. Aujourd’hui, on a l’impression que c’est l’un des seuls président de L1 qui adopte cette rationalisation. » Bien que le RC Lens soit un des clubs français dont la part des droits télévisuels dans les revenus soit la plus basse (autour de 30% pour la saison 2022-23), ce serrage de ceinture apparaît indispensable.
Le RC Lens victime d’une injustice ?
David poursuit et précise que, selon lui, le RC Lens fait face à une situation injuste : « Ce n’est pas normal que le RC Lens ne soit pas dans le “club Europe” du deal CVC. Alors certes, tout cela a été négocié alors que vous n’étiez pas un club européen, mais cet accord comprenait des critères de notoriété pour lesquels vous êtes absolument éligible. La stratégie des locomotives de Labrune n’a aucun sens et n’a marché nulle part. Les championnats qui se vendent le mieux sont les plus égalitaires en termes de redistribution. »
Il faut aujourd’hui faire avec, alors que les droits télévisuels domestiques sont attendus à la baisse, à peine compensés par les droits internationaux. Une situation qui va rendre la participation aux compétitions européennes d’autant plus vitale pour le RC Lens, alors que sept clubs reçoivent ce mois-ci une importante manne financière pré-négociée (voir ci-dessous). C’est certainement pour cette raison que la recherche d’investisseurs est aujourd’hui centrale dans l’agenda de Joseph Oughourlian.
Remettre la rationalisation au cœur des discussions ne pourrait avoir qu’un seul objectif : rhabiller la mariée pour mieux attirer un investisseur qui devrait ne pas être Isos7. « Je suis supporters des Girondins, comme je te l’ai dit. Et crois-moi que je suis bien placé pour te dire que vous avez de la chance d’avoir un homme de la trempe de Joseph Oughourlian. Même si au moment de toutes ces annonces, je reconnais avoir été le premier surpris. Même moi, de l’extérieur, j’ai pu tomber dans une forme de naïveté. » David Gluzman conclut l’échange en partageant ses doutes sur le choix des hommes plus que la méthode, toutefois relativisés depuis l’arrivée de Will Still. Les résultats obtenus sur le rectangle vert auront de toute façon le dernier mot.
PSG : 116,5 millions d’euros (sur un total de 200 millions), OM et OL : 50 millions d’euros chacun (sur les 90 millions qu’ils doivent toucher), LOSC, AS Monaco, Stade Rennais et OGC Nice : 46 millions d’euros chacun (sur un total de 80 millions) – source RMC Sport.