27 décembre 1974, le soleil n’est pas encore levé dans le ciel de Liévin. Alors qu’une grande partie de la ville est encore endormie, d’autres s’affairent déjà sous terre. Une quarantaine d’entre eux est à l’ouvrage dans le quartier des six sillons, après la descente par le chevalet de la fosse 3 dite Saint-Amé. Le cœur est encore à la fête 20 jours après la Sainte-Barbe et au surlendemain des fêtes de Noël.
Cette apparente quiétude s’achève brusquement à 6h19 ce 27 décembre 1974. Une explosion, une de trop, emporte 42 mineurs. Parmi ces victimes, le plus jeune s’appelle Jean-Michel Devaux âgé de 25 ans. La fatalité d’un accident se mêle à l’injustice quand des parents doivent dire adieu à un enfant. Comme dit Marcel Pagnol, « telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins ».
Cette injustice a été vécue par une famille et par les camarades de tribunes de Corentin Louchart, tragiquement disparu le 24 novembre. Parmi les étapes du deuil, l’acceptation arrive en dernier, ce moment où on intériorise le fait que cet être que nous avons aimé sera pour toujours absent. On ne parle pas dans ces étapes de la catharsis d’un hommage enflammé. C’est pourtant ce qu’a vécu Bollaert-Delelis en ce week-end de Sainte-Barbe. Le football est fait de symboles et on se plaît volontiers à en convoquer les dieux.
Athées ou croyants, quel symbole de voir Wesley Saïd faire trembler les filets à la 25e minute, 25 comme l’âge de Corentin et Jean-Michel, dans la chaleur rougeoyante des fumigènes, leurs souvenirs guidés par la sainte patronne des artificiers.
Pour rester dans le thème du symbolique, ce match marquait un double point de bascule.
Le premier s’inscrit dans une temporalité immédiate. Après avoir tendu la joue mercredi à Londres, le Racing Club de Lens pouvait s’inscrire dans la célébration de Sainte-Barbe en tendant l’autre joue. Ou s’inscrire dans les pas des mineurs de fond et des proches de Corentin dans la résilience, le courage et l’abnégation. Les hommes de Franck Haise ont choisi la deuxième voie en se battant face à des vents contraires.
Le deuxième point de bascule est celui d’une époque qui sera bientôt révolue, celle des derniers mineurs. Cette mémoire vivante comme pour toute histoire est amenée à disparaitre. Se pose la question du relais et de la transmission de cette flamme. C’est alors le moment pour les générations actuelles de marcher dans les pas de ceux qui ont fait notre histoire. Et quel plus beau symbole de voir ce passage de la lampe dans le rond central entre un ancien mineur de fond et Jonathan. Tel le passage de témoin vers l’un des gardiens de cette âme qui doit toujours émaner de Bollaert-Delelis.
Au-delà de l’aspect mercantile, nous ne pouvons que saluer le Racing Club de Lens. Il est bien plus qu’un simple club de football, il occupe une place à part entière du patrimoine de notre territoire. Grâce à lui la flamme de Sainte Barbe brillera éternellement.