René Gouillard, reconnaissable entre tous grâce à ses fameuses lunettes, a marqué l’histoire du RC Lens par sa fidélité et sa polyvalence. Propulsé dans le monde professionnel par un heureux hasard, il a su saisir sa chance lorsque la plupart des joueurs lensois sont partis à la guerre. Remplaçant admirablement l’expérimenté Raymond François, il s’est distingué comme un joueur exemplaire et un homme dévoué à son équipe.
Né le 22 octobre 1921 à Avion, dans la cité du Mont Gré, René Marcel Jules Eugène Gouillard grandit dans une famille modeste. Son père, Marcel Émile Énée Henri Gouillard, travaille au chemin de fer, tandis que sa mère, Léontine Marie Richard, est couturière. Très rapidement, la petite famille déménage à Lille. C’est là que René commence sa carrière footballistique, au club de l’Iris Club Lambersart, où il joue jusqu’à seize ans en tant que centre-avant.
Les Premières Années
Avec l’arrivée du professionnalisme, l’Iris Club Lambersart, disposant de moyens limités, s’oriente vers la formation. Les résultats ne se font pas attendre, et le club joue les premiers rôles dans chaque catégorie de jeunes. L’équipe des minimes devient championne du Nord et remporte la coupe du Nord. Parmi ces jeunes évoluant sous les ordres de Gaston Dubreucq, on retrouve notamment Albert Dubreucq, Jean Baratte et bien entendu René Gouillard. Ce dernier retrouvera d’ailleurs son ancien partenaire Jean Baratte quelques années plus tard lors de la finale de la coupe de France de 1948.
Un concours de circonstance
En 1939, le père de René Gouillard est nommé sous-chef de gare à Lens, un événement déterminant qui lance sa carrière. Durant l’intersaison 1939, les dirigeants lensois, satisfaits des derniers résultats, décident d’améliorer l’équipe sans y apporter trop de modifications. Cependant, un changement de coach est opéré : József Eisenhoffer repart pour Marseille tandis que Jack Galbraith fait son grand retour. C’est dans ce contexte que René Gouillard signe au RC Lens en tant qu’amateur.
Quelques jours après sa signature, un nouvel événement, tragique celui-ci, vient accélérer sa carrière. Nous sommes en septembre 1939 et l’Allemagne vient d’envahir la Pologne. La France entre en guerre ! Arménak Erévanian, Anton Marek, Jean Mathieu, Georges Beaucourt, Michel Levandowski, Raymond François, Marcel Ourdouillé, Marian Calinski, Siklo, Paul Mouton, Stanis, Louis Dugauguez, Henri Bonnel et Albert François sont tous appelés par leurs régiments respectifs. Le club n’a alors pas d’autre choix que de faire confiance aux jeunes pour essayer de monter une équipe. Trop jeune pour partir à la guerre, René Gouillard saisit sa chance et profite des absences de nombreux joueurs appelés sous les drapeaux pour s’imposer au sein de l’équipe.
La polyvalence
René Gouillard fait ses débuts au RC Lens en reculant d’un cran, dans la position du demi-centre. Il finit même par devenir arrière droit/gauche, puis occuper le centre. Il ne lui reste plus qu’à jouer au poste de gardien de but. C’est chose faite en 1944, dans le championnat fédéral avec l’équipe de Lens-Artois contre la Lorraine, suite à la blessure du gardien Charles Créteur en fin de première mi-temps.
Le journaliste Lucien Gamblin le décrit ainsi :
« Rapide, décidé (malgré ses lunettes), René Gouillard frappe la balle, comme tous ses coéquipiers, avec puissance et sûreté. Il anticipe fort bien l’action ou le geste de l’adversaire. Il joue sobrement, directement et sans rechercher l’exploit. Ce qu’il veut, c’est que son équipe remporte la victoire, et il faut lui reconnaître qu’il s’emploie à fond pour cela. Encadré comme il l’est, sérieux, ambitieux, Gouillard doit s’élever au plan supérieur des footballeurs de notre pays, et ce demi-centre de vingt-deux ans a beaucoup de chances de s’imposer. »
Lucien Gamblin
Après le RC Lens
Marié à Lens le 27 septembre 1941 avec Marcelle Andrea Mismacque, René Gouillard a tout connu avec le RC Lens. Vainqueur du championnat de la zone interdite, il remporte également le championnat avec l’équipe fédérale Lens-Artois. Relégué en deuxième division en 1947, il atteint malgré tout la finale de la coupe de France en 1948.
Après son départ en 1950, il ne reste que Marceau Stricanne, son ancien coéquipier de l’équipe fédérale Lens-Artois, comme joueur portant des lunettes dans l’élite du football français. Il sera très vite rejoint par le Hollandais Joop Stoffelen, un ancien de l’Ajax d’Amsterdam qui débarque au RC Paris.
Recruté par Amiens lors de l’intersaison 1950, alors qu’il allait avoir vingt-neuf ans, René Gouillard participe à la préparation et aux matchs d’avant-saison de l’équipe professionnelle. Le 27 août 1950, il dispute le premier match du championnat de deuxième division, perdu contre Rouen. Ce jour-là, il retrouve le poste de ses débuts, centre-avant. Ce sera son premier et dernier match avec Amiens, puisqu’il quitte aussitôt le club pour une raison inconnue et rejoint le club de l’ASSB Oignies.
La carrière de René Gouillard est marquée par la fidélité et la polyvalence. De ses débuts à Lambersart jusqu’à ses années glorieuses au RC Lens, Gouillard a toujours fait preuve d’un engagement exemplaire. Il est décédé le 22 février 1972 à Liévin.
Sources :
- amiensfootbraun
- irisclublambersart
- Racing Club de Lens, un siècle de passion en sang et or
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
- L’Auto-vélo – 23 septembre 1943
- L’équipe – 6 septembre 1946
- Ce Soir – 14 février 1951
- Le Grand écho du Nord de la France – 13 juin 1944