Intronisé pour occuper un rôle clef dans la nouvelle organisation du RC Lens, en étant chargé du secteur sportif, l’ancien défenseur du LOSC concentre les critiques. Qu’en disent ceux qui ont suivi sa carrière de dirigeant ?
Photo RC Lens
Pierre Dréossi a une lourde responsabilité : succéder à des hommes qui ont porté très haut le RC Lens, tout en étant estampillé comme « Lillois » chez beaucoup de supporters, et en devant composer avec un besoin avoué de rigueur pour maintenir les grands équilibres financiers. Il sera secondé par Benjamin Parrot, et pilotera une équipe composée de Jean-Louis Leca au poste de coordinateur sportif et Diego Lopez Gomez comme responsable du recrutement. Alors que le club s’apprête à serrer la ceinture, les crispations se centrent sur deux individus : le président et propriétaire Joseph Oughourlian, qui a lancé la refonte en profondeur de l’organigramme et acté les départs d’Arnaud Pouille et Franck Haise, et Pierre Dréossi donc, qui arrive en tant que directeur général. Comme expliqué dans notre édito ainsi que dans nos émissions, nous assistons à une véritable crise de représentativité. Les deux hommes censés incarner le deuxième cycle du RC Lens depuis son retour en L1 sont les cibles directes de groupes de supporters, qui multiplient les banderoles hostiles à leur égard. Il est notamment reproché à Oughourlian un manque d’ambition, et à Dréossi un passé peu recommandable. Si le CV de ce dernier ne peut être travesti, les témoignages que nous avons recueillis à son sujet sont loin d’être conformes à la négativité ambiante. Tentons un portrait objectif.
Le journaliste Arnaud Detout, en congés avant les Jeux olympiques qu’il couvrira pour Le Parisien, a pris quelques minutes ce vendredi pour répondre à nos questions concernant un dirigeant qu’il a bien connu, lui qui suit le Paris FC depuis de nombreuses années. « Le passage de Pierre Dréossi est à mes yeux plutôt positif », dit-il en introduction. « Il est arrivé à une époque où le Paris FC naviguait entre le monde pro et semi-professionnel. Et pour ainsi dire, il a permis au club de se structurer notamment par l’intermédiaire du projet centre de formation (ndlr : à Orly). Il a su « staffer » le club en recrutant des personnes compétentes à différents postes, pour en faire un vrai club solide de L2 qui vise désormais une montée en L1 ». En matière de recrutement, Pierre Dréossi a également réussi à faire des « coups », relève le journaliste. Alors qu’on lui prêtait une réputation de dirigeant de L1 qui irait chercher ses joueurs dans l’élite, il a su piocher dans les divisions inférieures en recrutant des joueurs comme l’attaquant congolais Silas Katompa Mvumpa, aujourd’hui à Stuttgart, Thomas Delaine, mais aussi Romain Perraud, Julien Lopez ou encore Redouane Kerrouche. Son départ du PFC en janvier 2020 marque la fin d’un cycle. « On était arrivé au bout de l’histoire et de ma mission. Même si on n’était plus en adéquation sur la manière de travailler, je pars en très bons termes avec Pierre Ferracci et avec le sentiment du devoir accompli. Je suis fier de mon bilan », déclare alors Dréossi dans les colonnes du Parisien.
Un profil structurant, à la formation
Cette réputation d’homme structurant trouve un écho similaire du côté de Rennes, où Pierre Dréossi est resté neuf ans, en tant qu’entraîneur puis directeur du football. Pierre, observateur assidu du Stade rennais, nous raconte : « Il est arrivé au club en 2002 et l’a pérennisé dans la première moitié du championnat. Cela faisait suite au retentissant échec Lucas (ndlr : recruté à prix d’or en 2000 pour remplacer Shabani Nonda, transféré à Monaco). Il a permis de structurer le club, et a notamment contribué à la construction de la Piverdière, a installé la formation rennaise tout en haut. Il n’a jamais eu de gros budgets à disposition, tout était plutôt encadré. Il avait même imposé un « salary cap » » (plafond de salaire). Pierre complète en parlant des nombreux « coups » de Dréossi, notamment Stéphane Mbia, recruté au Cameroun en post-formation, ou encore Gyan Asamoah et Ismaël Bangoura. « Je pense qu’il connaît le foot mais n’est pas forcément une figure qui incarne bien un club », estime-t-il.
Ce qui fait réellement tache aux yeux des connaisseurs du milieu, c’est son passé récent. À Metz, club dans lequel il a débarqué en 2022 en tant que directeur du football et dans lequel il forme un binôme avec Hélène Schrub, en charge de l’administratif, Dréossi n’a pas réussi, mais pas forcément eu les mains libres non plus. On lui prête la nomination de Laszlo Bölöni, mais c’est l’homme de l’ombre et conseiller du président Bernard Serin, Lucien D’Onofrio, qui en est à l’origine. Un observateur des Grenats, qui a souhaité conserver l’anonymat, nous en dit plus : « Son arrivée s’est faite un peu rapidement, entre les premiers contacts et la signature. Tout s’est ficelé en moins d’une semaine, de mémoire. Après, c’était un contexte un peu particulier car il y a un conseiller du président (Luciano D’Onofrio) qui gère pas mal de choses. Pierre Dréossi a sans doute eu les mains liées sur pas mal de dossiers, ce qui explique en partie son bilan très médiocre. La cellule de recrutement était une vraie cacophonie entre lui, Bob Tahri (coordinateur du recrutement) et donc Lucien D’Onofrio, qui œuvre surtout sur le côté business bien qu’il soit interdit d’exercer en France. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’apparaît pas dans l’organigramme officiel du club ». Dans L’Équipe du lundi 3 juin, l’amertume de Dréossi au moment de quitter la Moselle est pour le moins évidente : « Je m’étais posé beaucoup de questions sur le fonctionnement du club l’année dernière, confie le dirigeant. Je m’en suis encore posé cette année. J’ai pris cette décision parce que c’était très difficile pour moi de travailler ici ». Cela suffit-il pour justifier les conditions de son départ, peu reluisantes ? Pierre Dréossi semble du moins vouloir laisser rapidement cet épisode derrière lui, pour se racheter une réputation à Lens.