CULTURE SANG & OR

Les femmes et le football [2/3]

Après avoir raconté comme le ballon rond a attiré des joueuses en Grande-Bretagne à partir de la fin du XIXe siècle, Culture Sang et Or se penche sur le développement du football féminin en France, jusqu’en 1945.

Joueuses françaises et anglaises
Joueuses internationales françaises et joueuses du Dick, Kerr Ladies FC en avril 1920
Photo The Guardian 
Les débuts

Le football féminin est né, comme son homologue masculin, en Angleterre. De l’autre côté de la Manche, il faut attendre les années 1910 pour qu’il fasse son apparition, d’abord en région parisienne. Un club omnisport de la capitale, le Fémina Sport, va ouvrir la voie en ajoutant le football à la liste des disciplines pratiquées en son sein. C’est le stade Élisabeth, dans le sud de Paris, qui en devient le siège. Le premier match de football féminin en France a lieu le 30 septembre 1917, opposant deux équipes de ce club. Son score de 2-0 est inscrit dans une brève du quotidien sportif L’Auto.

Alice Milliat, sportive de haut niveau et présidente du Fémina Sport à partir de 1915, devient l’une des pionnières du développement du sport féminin, au moment où les hommes sont sur le front. « La France est un pays de préjugés où persiste le désir de tenir toujours les femmes en tutelle », déclare-t-elle à l’époque. En 1919, elle prend la tête de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF), renommée par la suite en Fédération féminine sportive de France (FFSF).

Alice Milliat
Alice Milliat (à gauche) dans le jury d’athlétisme aux Jeux olympiques d’Amsterdam en 1928
Photo Fondation Alice Milliat

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les équipes féminines se multiplient. Un championnat parisien créé en 1919 s’étend deux ans ans plus tard à toute la France, avec dix-huit clubs engagés. L’année 1920 voit se dérouler les premières rencontres internationales féminines. Les Bleues se lancent dans une tournée caritative en Angleterre, à Preston, Stockport, Manchester et Londres. Ce sont ensuite les Anglaises qui effectueront le déplacement en France.

Envolée avortée

Mais d’après Laurence Prudhomme-Poncet, historienne, « cette période des années 1920 est suivie d’une période de régression. […] C’est à partir des premières rencontres franco-anglaises que les résistances vont se faire sentir et les critiques se développer. »

Les propos tenus par le cycliste Henri Desgranges en 1925 illustrent bien le genre de commentaires que l’on pouvait entendre à l’époque : « Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui, d’accord. Mais qu’elles se donnent en spectacle à certains jours de fête où sera convié le public, qu’elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est inacceptable. » À ce moment-là, rappelons-nous que les joueuses anglaises ont déjà été bannies des stades par la Football Association depuis quatre ans. La tendance, pour les joueuses, n’est donc pas à l’optimisme.

Match Fémina Academia
Match entre le Fémina Sport et l’Academia au stade Élisabeth en 1920
Photo Gallica – BNF

Le contexte politique des années 1930 n’aide pas la cause des femmes, et c’est bien là un euphémisme. Alors que le football masculin progresse en se professionnalisant – déjà –, les subventions accordées à la FFSF diminuent, puis disparaissent. Deux salles, deux ambiances. La FFSF se voit contrainte de cesser de soutenir le football féminin en 1933. Le championnat féminin disparaît en 1937, après avoir vu le nombre de ses clubs diminuer drastiquement.

C’est le régime de Vichy qui portera le coup fatal le 27 mars 1941 en interdisant aux femmes la pratique de plusieurs sports, dont le football. Selon ces messieurs, l’activité sportive détournerait les femmes de leur vie familiale, en particulier du rôle de mère qui leur est intimé, qu’elles aient déjà enfanté ou non. Pire, elle encouragerait le lesbianisme. À compter de ce jour, les femmes n’ont plus le droit d’accéder aux terrains des clubs affiliés aux instances officielles. Les tentatives de justifications médicales et morales fleurissent. Les critiques les plus viles pleuvent contre celles qui s’obstinent à vouloir pratiquer leur discipline.

Car certaines sportives en France et dans d’autres pays d’Europe font de la résistance, y compris en organisant des matchs clandestins, alors que tout est fait pour décrédibiliser et anéantir le football féminin. Les efforts de ces rebelles, bien que vitaux, restent un souffle tout juste suffisant pour ne pas voir s’éteindre les dernières braises de ce qui était encore, au lendemain de la Grande Guerre, un feu de joie. Dans un tel contexte, comment espérer un renouveau ? C’est ce que nous verrons dans la dernière partie, avec, bien sûr, un focus sur les féminines du RC Lens.

À suivre…

[La partie 1/3 de cette série est à lire ici]

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