Le RC Lens a vu passer de nombreux talents au fil de son histoire. Certains n’y ont brillé que par éclairs avant d’exploser ailleurs. C’est le cas d’André Doye, champion de France et international tricolore après avoir joué au Racing. Retour sur un parcours aussi brillant que tourmenté.

Photo RC Lens
En 1944, le RC Lens traverse une période sombre de son histoire. Le 11 août, un bombardement meurtrier emporte Georges Fougnies, jeune joueur promis à un bel avenir. Le club, déjà fragilisé financièrement, doit en plus composer avec les absences de deux titulaires, Elias Mellul, coincé au Maroc, et Henri Bonnel, toujours prisonnier.
Heureusement, le championnat ne débute qu’en novembre, ce qui laisse aux dirigeants lensois le temps de rebâtir une équipe. C’est alors qu’André Doye, ailier gauche formé à l’US Raimbeaucourt et passé par Leforest, débarque chez les Sang et Or pour découvrir l’élite et effectuer ses premiers pas chez les professionnels. Ce championnat 1944-45 sera d’ailleurs le dernier considéré comme une épreuve de guerre, organisé en deux zones distinctes, nord et sud.
Après deux petites saisons sous le maillot Sang et Or, le club décide de renouveler son effectif. Pour cela, il doit d’abord vendre. André Doye est alors transféré au C.O.R.T., mais faute d’accord entre le club roubaisien et l’ailier gauche, il est aussitôt revendu au club de Toulouse, tout juste promu en première division. En Haute-Garonne, il dispute deux saisons consacrées avant tout à la lutte pour le maintien. Courageux mais sans véritable éclat, son passage reste discret.
En 1949, André prend la direction de Bordeaux, avec pour mission d’aider le club à retrouver l’élite. C’est à 26 ans qu’il se révèle véritablement aux yeux du grand public. Aux côtés du Néerlandais Bertus De Harder, il participe à l’exploit des Girondins qui, promus en 1949, remportent dès 1950 le titre de champion de France avec six points d’avance sur Lille.
Avec Bordeaux, il dispute aussi deux finales de Coupe de France en 1952 et 1955 ainsi qu’une finale de Coupe Latine en 1950 contre le Benfica Lisbonne, tournoi rassemblant les champions de France, d’Italie, d’Espagne et du Portugal. Discipliné et travailleur, Doye s’affirme alors comme une valeur sûre du football français.
« J’étais jeune. Je n’apportais pas à l’entraînement tout le sérieux désirable. Maintenant j’accepte, de grand cœur, toutes les servitudes de ce beau métier de footballeur. Et je ne saurais m’en plaindre ! »

Ses performances bordelaises lui ouvrent les portes de l’équipe de France. Entre 1950 et 1952, il connaît 7 sélections et inscrit 5 buts. Son plus grand fait d’armes reste son but égalisateur à Highbury, en 1951, face à l’Angleterre, dans un match de prestige qui se conclut par un nul (2-2). Présenté comme le digne successeur d’Ernest Vaast, André Doye gagne enfin une reconnaissance nationale.
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Mais en août 1952, son destin bascule. Lors d’un match de préparation, une gêne dans le dos fait son apparition. Le joueur est soigné pour une vertèbre déplacée, mais la douleur persiste. Le médecin des Girondins, le Dr Bosredon, réalise alors des analyses et détecte un fort taux d’albumine dans les urines, signe d’une inflammation rénale chronique, également appelée néphrite. Pour lui, André est un athlète en danger. Les autres spécialistes consultés, notamment le Dr Ballenger, restent hésitants : difficile d’évaluer l’impact sur la pratique du football de cette pathologie, fréquente chez beaucoup de personnes.
Après trois mois d’alitement et plusieurs traitements, André est finalement autorisé à rejouer pour la fin de saison. Une fois celle-ci terminée, le club l’envoie à Saint-Nectaire pour une cure de repos. Pour la saison 1953-54, son inflammation rénale n’est plus qu’un mauvais souvenir, grâce notamment aux conseils d’un herboriste de Lens. Malgré cela, le Dr Bosredon continue de le considérer comme fragile.
Sur le terrain, la préparation des Girondins est catastrophique, au point que le club décide de remanier l’équipe. André a alors le sentiment que sa maladie est utilisée comme prétexte pour le reléguer sur le banc. Après quelques ajustements, Bordeaux enchaîne les victoires, ce qui le condamne définitivement.
Cette situation l’inquiète profondément, tant d’un point de vue professionnel que financier. Avec un salaire confortable de 30 000 francs par mois, il se demande quelle reconversion pourrait lui permettre de conserver un tel revenu. Le club de Bordeaux est même prêt à organiser un match de bienfaisance pour l’aider financièrement.
Avec beaucoup de courage et de détermination, après avoir consulté de nombreux spécialistes et enchaîné les traitements, André Doye obtient enfin, en avril 1954, l’autorisation d’un grand spécialiste parisien pour reprendre la compétition. Mais toute cette épreuve lui aura coûté sa participation à la Coupe du monde 1954.

De retour sur les terrains, André Doye dispute une dernière saison avec les Girondins avant de rejoindre la Normandie et le club de Dieppe en 1956. Cette année-là, le président Charles Dubost décide de frapper un grand coup : André Doye débarque à Dieppe en véritable attraction et y décroche la Coupe de Normandie. En 1960, muni de son diplôme fédéral, il revient au club, qu’il hisse au plus haut niveau amateur. Entraîneur-joueur jusqu’en 1966, il finit par raccrocher définitivement les crampons et s’installe durablement en Gironde, où il ouvre un magasin de sport.
Décédé le 29 novembre 1981 à Bordeaux, à seulement 57 ans, André Doye restera dans les mémoires comme l’un de ces talents passés trop vite entre les mailles de l’histoire lensoise. Formé dans le Nord mais révélé à Bordeaux, il a incarné à la fois l’ascension fulgurante et la fragilité que peut avoir la carrière d’un footballeur du milieu du XXe siècle.
Sources :
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
- archives du Pas-de-Calais
- FFF
- Généanet
- L’Équipe – 18 mars 1954
- Alger républicain – 24 octobre 1953
- Combat – 31 octobre 1951
- L’Entente – 20 décembre 1953
- FC Dieppe : son histoire
