CULTURE SANG & OR

La Pierre Sage Philosophie

À la fin du match contre la Roma la semaine passée, Pierre Sage arrive au micro de l’après-match pour l’analyse de la rencontre. Terminado le robinet d’eau tiède, place à la sulfateuse, laissant quelques indices sur le coaching sagiste. La préparation lensoise touche à sa fin. Qui est donc Pierre Sage le coach, et quelle est sa philosophie ?

Que de sourires dans cette équipe
Photo Culture Sang et Or
Des paroles et des actes

« On a manqué de courage […] aujourd’hui, il y a des joueurs qui n’ont pas été à la hauteur des attentes et qui seront vraisemblablement remplacés sur le prochain match. » Après un match de prépa niveau coupe d’Europe face à un grand nom du foot italien, peu s’attendaient à ce que l’entraîneur néo-lensois distribue la fessée avec une telle véhémence. Ce match contre Leipzig allait donc nous montrer si Pierre Sage allait aligner ses paroles sur des actes.

Dans un sens, oui. Sur la composition de l’équipe de départ, Pierre Sage effectue quelques changements. Exit Gurtner au profit de Risser qui a besoin de temps de jeu après sa blessure. Exit Gradit, suspendu pour la première rencontre au profit de la recrue Baidoo et de Malang Sarr, repositionné et assez convaincant dans l’axe. Exit Fodé Sylla, milieu issu de la Gaillette qui semble payer sa timidité au profit de l’entreprenant et éternel pétard mouillé Andy Diouf. Exit Martin Satriano, au profit du jeune et vif Rayan Fofana.

Dans un autre sens, non. Sur le match de la Roma, nous n’aurions pas tous coché les mêmes noms sur les fainéants de terrain. Mieux encore, certains entrants semblaient tenir la corde pour débuter le match à l’image de Ganiou, puissant, vif et taille patron en défense, pourtant sur le banc en ce samedi 9 août. Pierre Sage semble avoir tablé sur une équipe plus expérimentée, avec son double milieux centraux Diouf-Thomasson qui n’a pas toujours tenu ses promesses l’an passé.

On attendait Leipzig, ils leur ont mis dans le zag

Lens n’a pas vraiment changé de visage tactique depuis l’an dernier, voire depuis quelques saisons. C’est dans les vieilles marmites que sont faits les meilleurs rassacaches. Pour autant, certains petits réglages semblent avoir été entrepris par le tacticien, comme le repositionnement de Sarr au cœur de la défense, plutôt à l’aise, Diouf qui semble enfin faire des (bons) choix dans les trente derniers mètres, Wesley Saïd qui met sa technique au service de l’équipe tout en se dotant d’une agressivité nouvelle.

Au final, elle est bien là la surprise, l’ingrédient secret de la sauce Sage : ce pressing tout terrain très agressif. Voir Guilavogui, Saïd ou Thomasson tacler comme des forcenés, c’est du jamais vu et c’est plutôt plaisant à voir. Seul hic, le Racing de Pierrot semble toujours assez inoffensif en première mi-temps malgré de beaux mouvements et circuits de passes. En seconde mi-temps, il continue de labourer l’équipe allemande et s’offre de belles opportunités, jusqu’à l’ouverture du score sur une tête plongeante de Thomasson, servi au cordeau par Saïd. Tout un symbole pour ces deux joueurs métamorphosés par la préparation et le coaching Sage.

L’autre bonbon à se mettre sous la dent était évidemment la première apparition de Florian Thauvin, arrivé en grande pompe et accueilli tel le Messi. Il lui faudra une seule minute pour nous montrer l’étendue de son talent, à l’initiative d’un joli mouvement le long de la Marek pour offrir, après une feinte toute en finesse, une galette sur la tête de Matthieu Udol, qui marque un joli premier but. Première passe dé’ et premier but pour deux néo-Lensois. C’est une première validation du mercato lensois, qui va au-delà d’une opération de comm’ très réussie sur le thème des Simpsons.

Le dernier but marqué en fin de match par Loïs Openda pour le 2 à 1 sera anecdotique tant les Lensois ont dominé le match, dans son intégralité, et en mettant tout le groupe disponible à l’unisson, anciens comme nouveaux. Pierre Sage a prévenu, il y aura des perdants dans son équipe et personne ne sera à l’abri de se faire éjecter de la feuille de match si l’attitude ne correspond pas à l’esprit et à la philosophie sagiste.

Le Penseur de Rodin, stoïcien ou sophiste ? Non, simplement Pierre Sage.
Photo Culture Sang et Or

L’école de pensée Pierre Sage

Droit et incisif dans ses paroles, nous découvrons un peu plus pendant cette présaison la philosophie de Pierre Sage. Sabidus, « qui a du goût », « qui sait », en latin.

Nous avons eu le cynisme d’un Diogène avec Antoine Kombouaré, acerbe et critique. Effets de parole pour motiver les troupes et piquer les grands hommes, en restant sur un jeu simpliste sans artifice. Franck Haise, lui, est clairement issu de l’école platonicienne, où les principes précèdent toujours les faits, avec pour point d’orgue de tirer le meilleur de ses joueurs, qui suivent la maïeutique pour trouver par eux-mêmes et avec responsabilité les problèmes posés sur le terrain. Pour Will Still, tout se meut tout le temps, et vu la saison 2024-25 pleine de surprises et de contrariétés (recrues, départs, problèmes personnels…), l’homme aux cheveux de feu, principe élémentaire du monde héraclitéen, aurait pu quitter le club en citant « on ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve. »

Pierre Sage, quant à lui, a des principes bien ancrés : jouer et avoir le courage de jouer. Cependant, les faits précèdent les principes, contrairement à Platon. Il est au football ce qu’Aristote est à la philosophie de la Grèce Antique. Adepte du syllogisme – raisonnement tel que : « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel » – il dit que si l’équipe n’est pas bonne, et que tu fais partie de l’équipe, alors il faut en changer. D’autres joueurs sont disponibles pour remplacer au pied levé.

Il balaie ainsi toutes les matières, entre science tactique, développement physique et technique et management des troupes pour constituer une équipe solide et conquérante. Le résultat est jusqu’ici réussi : une préparation solide, quelques victoires à la clé et une seule défaite contre l’AS Rome, comme une piqûre de rappel que rien n’est acquis, que tout est à apprendre. Si l’équipe maintient le rythme, nous pouvons être certains de prendre du plaisir à regarder cette équipe lensoise jouer. Les voyants sont au vert avant le premier test en compétition officielle samedi prochain contre l’Olympique lyonnais, ancien temple de Pierre Sage.

Vous souhaitez partager l'article ?
Retour en haut