CULTURE SANG & OR

Joseph Oughourlian prend la main

Dans une interview au Figaro, le propriétaire du Racing, fidèle à sa réputation d’actionnaire activiste, s’est montré de nouveau acerbe envers les dirigeants de la Ligue. La volonté est manifeste de prendre en main tous les sujets qui concernent le Racing et montrer qu’il n’est pas venu ici dans le football pour souffrir, OK ?

Joseph Oughourlian en conférence de presse
Photo RC Lens

Prénom : Joseph. Nom : Oughourlian. Profession : redresseur d’entreprises. Cet investisseur rachète le Racing en 2016. Les cinq saisons en Ligue 2 et le trublion azéri qui a dû le vendre, Hafiz Mammadov, ont alors considérablement affaibli le club sang et or. Comme si ça ne suffisait pas, en 2018, Mediapro acquiert les droits de la Ligue 1 et la Ligue 2 pour le fiasco qu’on connaît. Puis en 2020, le Covid se déclare et Vincent Labrune est élu président de la LFP au mois de septembre. Celui qui sortirait du coma aurait du mal à croire qu’un tel enchaînement de calamités ait été possible. L’avantage, quand tout tombe en lambeaux, c’est que tout devient possible, tout peut être réinventé. Dans ces conditions, comment rendre pérenne le RC Lens et lui donner de la valeur ?

Augmenter le nombre d’actifs

Brique après brique, le Racing s’est reconstruit. Il s’est doté d’une section féminine en fusionnant avec Arras. Les premiers résultats arrivent. La section féminine est montée dans l’élite et samedi soir, ils étaient plus de 10 000 à Bollaert pour assister au premier exploit des Lensoises. 1-1 contre le PSG, double finaliste de la Ligue des Champions et qui assomme chaque année, en compagnie des Lyonnaises, la D1 Arkéma. Avec les féminines, le rayonnement du maillot sang et or ne fait que s’accroître. Une stratégie à rebours de nombreux clubs de Ligue 1 qui abandonnent leur section féminine.

Et puis, si on parle d’actif, c’est sous la présidence de Joseph Oughourlian également que le stade Bollaert-Delelis deviendra la propriété du club. Le dossier avance. Il en est à l’étape des recours judiciaires, les constructions et changements de propriétaire d’enceintes sportives étant voués à passer quasi obligatoirement par la case contentieux. Peu importe le temps que prendront ces procédures, l’opération permettra de rajouter un actif dans le bilan et d’améliorer ce qu’on appelle dorénavant « l’expérience fan/supporter/spectateur ». Concrètement : faire dépenser aux spectateurs un maximum d’argent avant et après la rencontre.

Maitriser la communication

Prendre la main sur un club, sur son environnement, c’est aussi maîtriser sa communication, et la rendre la plus attractive possible. Pas étonnant, d’ailleurs, de voir que Benjamin Parrot, celui qui chapotait la communication et le marketing, est devenu directeur général. Cette communication se veut moderne, amusante – comme avec cette parodie très remarquée des Simpsons – et complète. Le passionné peut dorénavant voir la conférence de presse de match et passer son avant-match et son après-match avec le « 19’06 » présenté par Fabien Simon, le Benjamin Button du Racing. Il se sentira éventuellement rassasié par les contenus offerts par le club, sans nécessairement lire la presse qui couvre son actualité.

Derrière les sourires de façade…
Photo So Foot
Prendre le pouvoir à la Ligue

Enfin, parce que le destin du RC Lens ne dépend pas uniquement de lui-même, Joseph Oughourlian prend la main progressivement sur la Ligue. John Textor parti de Lyon, il s’est retrouvé cette semaine un autre allié, encore une fois un Américain, pour dézinguer la LFP. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du président de l’Olympique de Marseille, Franck McCourt. À deux, ces présidents espèrent rallier les autres propriétaires des clubs de Ligue 1 critiques de l’actuelle direction de la Ligue. L’objectif : imposer sa vision et ses choix.

Le propriétaire du Racing était celui qui voulait la chaine Ligue 1+. Les premiers chiffres des abonnements semblent lui avoir donné raison, surtout si la tendance devait se confirmer. Ce modèle, même s’il est combattu par Canal+ et BeIn, semble pouvoir s’imposer et être solution viable pour une dizaine d’années. De quoi fidéliser la clientèle et retrouver progressivement celle partie vers l’IPTV et autres streamings illégaux. Pour la première fois dans le football français, la Ligue ne sous-traite pas la diffusion de ses matchs à un opérateur externe. De la même manière que le Racing devient propriétaire de son stade, la Ligue devient propriétaire de ses matchs.

Et un jour vendre ?

Cet interventionnisme, ces orientations, développer la comm’, la section féminine, racheter le stade et imposer le modèle Ligue 1+, sont-ils des choix dictés par les circonstances ou le résultat d’une vision imaginée dès le rachat du club en 2016 ? Joseph Oughourlian est-il dans une logique d’accumulation capitalistique agressive, conçue à l’origine pour rivaliser avec des clubs mieux armés, ou une simple stratégie d’entrepreneur réactif qui saisit au fil du temps les occasions pour, à terme, revendre le club ? Comme s’il voulait, après les points bas du Covid et de Mediapro, simplement « rhabiller la mariée »…

Il déclarait dans ce même article du Figaro : « Je n’abandonnerai pas Lens, surtout pas maintenant. J’ai en revanche toujours dit que, si un potentiel nouveau propriétaire arrivait, avec plus de moyens, d’argent et qui respecte les valeurs et l’histoire du club, je n’irais pas contre les intérêts du RC Lens et de ses supporters ». Dont acte. Si un millionnaire ou milliardaire venait à s’intéresser au football français, il est mis au courant que l’un de ses clubs, avec une cote de sympathie particulièrement élevée, peut être racheté. Entre-temps, patiemment, Joseph Oughourlian tisse sa toile et augmente la valeur de son actif. Sûr de lui et de ses choix.

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