Il y a près de 50 ans, le 28 juillet 1974, disparaissait celui qui figure comme l’un des personnages les plus importants de l’histoire du RC Lens. Arrivé de l’U.S Vermelles en 1937 à l’âge de 18 ans, Henri Trannin, originaire de Bully-les-Mines, est rapidement devenu bien plus qu’un gardien de but. Celui qui fut le premier véritable recruteur du RC Lens a fait chavirer le destin de nombreux jeunes Nordistes en leur donnant la chance d’intégrer le Racing Club de Lens.
Son papa, Henri Georges Joseph, employé aux mines (porion), incorporé dans le 73e régiment d’infanterie, est fait prisonnier le 22 février 1916 dans le camp de « Ludwigsburg-Eglosheim » au nord de Stuttgart, en Allemagne. Le camp abrite près de 5 000 Français, Russes, Serbes et Italiens dans des conditions épouvantables. Courageusement, il tient bon jusqu’à sa libération en 1918, ce qui permet au petit Henri de voir le jour le 17 décembre 1919 à 3 h de l’après-midi à Bully-les-Mines. Il grandit avec ses parents et sa sœur Fernande à la cité fosse 4 à Vermelles et se marie le 4 juin 1940 à Vermelles avec Thérèse Louise Félicie Desprez, originaire d’Auchel.
Arrivé en 1937 au Racing, il doit malheureusement mettre un terme à sa carrière à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. D’abord employé aux houillères, au service des bois puis au service social, il fait son entrée au conseil d’administration du club en 1948, puis au comité directeur en 1950. Secrétaire administratif puis directeur sportif, il fut surtout un président emblématique de la commission des jeunes du Racing. Après le désengagement des houillères en 1969 et l’abandon du professionnalisme, Henri Trannin est à la base de la résurrection du RC Lens. La remontée en D1, le 3 juin 1973 après un match contre Amiens, constitue l’un de ses derniers grands bonheurs professionnels.
Il est l’un des premiers dirigeants français à mesurer l’importance de la formation des jeunes. Recruteur de talent, à l’aide de sa deux-chevaux, il prospecte, démarche et écume toutes les régions de France à la recherche de la perle rare. Il est le premier à se créer ce qu’on appelle aujourd’hui un réseau. Pour les jeunes joueurs de la région, la simple présence de la 2 CV d’Henri est synonyme d’espoir, l’espoir de pouvoir changer de vie et de pouvoir vivre du football. Henri a plus d’un tour dans son sac pour éloigner la concurrence et faire signer les jeunes joueurs au RC Lens. Outre l’argent et son talent de persuasion, il a surtout la capacité de changer le destin d’une famille en sortant le papa du fond. C’est ainsi que de nombreuses légendes du club sont arrivées au club grâce à lui. Le père des frères Lech, qui travaille au fond de la mine à Fouquières-lez-Lens, est dorénavant employé par les Houillères à l’entretien des terrains du stade Bollaert, où il fait équipe avec le père de Maryan Wisniewski.
La méthode Henri Trannin
Ses méthodes de recrutement peu orthodoxes peuvent parfois interroger, mais sa très grande sensibilité lui permet de déceler les qualités techniques et humaines de nombreux joueurs de talent. On peut citer Robert Budzynski, qui est repéré pendant un match de handball, ou encore Alexandre Stassievitch, qu’Henry récupère devant le stade de Ronchin après un essai non concluant avec le LOSC. Le destin étant malicieux, Alexandre Stassievitch ne perdra aucun derby de toute sa carrière. Henri Trannin organise aussi des entraînements dans toute la région ou les jeunes joueurs affluent pour se montrer dans l’espoir de devenir joueur professionnel. C’est ainsi que le jeune Maryan Wisniewski signe au club. Henri est également le genre de personne assez folle pour passer de l’autre côté du mur de Berlin avec une valise et un costume rempli de billets pour rapatrier Eugeniusz Faber (Rush Chorzow) et Ryszard Grzegorczyk (Polonia Bytom).
Il a aussi la particularité de faire descendre ses petits jeunes dans le fond pour leur faire comprendre que le Racing Club de Lens représente quelque chose de bien plus grand que le football. Après ce voyage dans les entrailles de la terre, il leur dira :
« Voilà, maintenant, vous allez jouer pour ces hommes-là. »
Henri Trannin
Henri Trannin, médaillé d’or de la jeunesse et des sports en mai 1973 par la ligue du nord et la FFF, médaillé du groupement des clubs autorisés en juin 1974, est décédé à l’âge de 55 ans. Il ne verra jamais son Racing accéder à la finale de la Coupe de France 1975. Il est inhumé au cimetière de Sallaumines. Le 4 décembre 1976, lors d’un match contre Nantes sous l’œil bienveillant de la sainte patronne des mineurs, le RC Lens rend hommage à une de ses plus grandes figures. André Delelis, maire de Lens, décide d’attribuer son nom à la nouvelle tribune de 12 000 places récemment construite. Un bel hommage pour celui qui a repéré des dizaines de jeunes joueurs comme les frères Lech, Maryan Wisniewski, Ahmed Oudjani, Bernard Placzek, Robert Budzynski, et tant d’autres, qui sont tous devenu des cadres de l’équipe.
Pour celui qui a voué sa vie au football et au Racing, plus besoin de 2 CV. De là-haut, il a dorénavant une vue imprenable sur tous les jeunes footballeurs en herbe de la région. Nul doute qu’il saura leur montrer le chemin de la Gaillette !
Sources :
- Sang et Or magazine
- Secrets de transferts (David Derieux / Grégory Lallemand)
- Archives du Pas-de-Calais