Les habitués de Bollaert-Delelis connaissent tous la tribune Delacourt, derrière le but où Lens attaque en seconde période. Mais qui était ce bienfaiteur et amoureux du Racing club de Lens ?
Élie Delacourt, né le 4 octobre 1896 à Harnes, est le fils d’un ouvrier mineur, Élie Louis Delacourt, et de Marie Joseph Verlaine. Retraité de la SNCF, il a contribué au renouveau du Racing après l’abandon du professionnalisme à la fin des années 1960. C’est à ce titre qu’André Delelis, maire de Lens, nommera la nouvelle tribune construite pour l’Euro 1984, la tribune Delacourt. Il fut également président du groupe de supporters de la section Van Pelt dont le siège se situe dans son établissement, le café Delacourt, au 5 avenue Van Pelt à Lens.
Voici l’organigramme de cette section en 1956 :
- Président d’honneur : Florent Lampin (militant socialiste)
- Président actif : Charles-Henry Valeur
- Vice-président : Charles Tavernier
- Secrétaire : François Semin
- Secrétaire adjoint : Maurice Julitte
- Trésorier : René Lefebvre
- Membres : MM. Davion, Marant, Carré, Delacourt et Bougniord
- Porte-drapeau : Daniel Ménesse
Nous ne savons que très peu de choses sur Élie Delacourt, alors faisons quelques recherches généalogiques pour en apprendre un peu plus sur sa vie.
En cherchant dans les registres de la ville d’Harnes, sa ville de naissance, on découvre qu’il est le deuxième d’une fratrie de sept enfants :
- Élise Françoise, née le 8 novembre 1894
- Pierre Joseph Xavier, né le 20 mars 1899
- Charles Louis, né le 8 février 1901
- Désirée Adèle, née le 25 mars 1903
- Adèle Anaise Julie, née le 17 mars 1905
- Jean Xavier, né le 14 janvier 1907
Puis prenons la direction de Calonne-Ricouart, où l’on retrouve son premier mariage avec Élise Victorine Marie Josèphe Lourme, le 9 août 1919. De ce mariage, je ne retrouve la trace que d’une seule enfant :
- Gabrielle Virginie Delacourt, née le 30 août 1920 à Béthune
Gabrielle est la mère de Daniel Mattelin, le petit-fils d’Élie Delacourt donc, qui occupera le poste de kiné au sein du RC Lens de 1983 à 1992.
Ce premier mariage d’Élie Delacourt est dissous par jugement de divorce rendu par le tribunal civil d’Arras le 22 mai 1946.
Un second mariage, cette fois-ci à Lens, est célébré avec Angélina Lenoir le 9 novembre 1946. À travers les recensements de population, nous pouvons également suivre le parcours d’Élie Delacourt. Après sa naissance à Harnes en 1896, on le retrouve en 1919 domicilié rue de Verquin à Béthune, juste après son premier mariage, puis direction la rue des Sports à Avion vers 1926. Il ne s’installe définitivement à Lens qu’au début des années 50, au 5 avenue Van Pelt, où lui et sa femme tiennent un café.
Comme presque tous les hommes de sa génération, Élie Delacourt est un «poilu». Dans son dossier militaire, on retrouve ses affectations durant la Première Guerre mondiale et son entrée dans la Compagnie des chemins de fer du Nord :
- 41e régiment d’artillerie le 23 août 1915
- 52e régiment d’artillerie le 29 janvier 1916
- 25e batterie du 219e régiment d’artillerie le 1er avril 1917
- 19e escadron du train le 9 avril 1919
- 21e escadron du train le 10 août 1919
Il reçoit une affectation comme chef de train à Lens à la compagnie des chemins de fer du Nord le 24 juin 1927.
Il est également cité à plusieurs reprises pour sa bravoure et reçut la croix de guerre.
« Excellent téléphoniste, a toujours fait preuve de courage et de dévouement pour assurer la bonne marche des communications. »
« À Cerfroid dans l’Aisne, il s’est dépensé sans compter pour rétablir les communications sous de violents bombardements. »
Une nomination politique ?
Vers 1965, la gestion du club par les Houillères commence à être contestée. Les premières critiques viennent notamment de la section Van Pelt. Élie Delacourt, proche des socialistes, et très dur vis-à-vis de la façon dont la compagnie minière nationale se désintéresse peu à peu du football, sera un grand partisan du projet de municipalisation du club lancé par André Delelis. Les protestations ne sont bientôt plus seulement sportives, mais se transforment également en combat politique. André Dubocage dira de lui : «un supporter dont la ferveur politique l’avait emporté sur la sportive». Le déclin du RC Lens qu’il avait redouté se produit bel et bien. En 1969, les Houillères, en grosse difficulté financière, arrêtent de soutenir le club.
Le manque de crédits pour financer le sport, conjugués à la pression d’André Delelis et des groupes de supporters, auront eu raison de l’envie de la compagnie publique de détenir une équipe de football. Le Racing redevient un club amateur, et André Delelis permet à la municipalité de racheter le stade Bollaert aux Houillères pour un franc symbolique. C’est dans ces conditions que des années plus tard, le maire socialiste prendra la décision de baptiser une tribune au nom d’Élie Delacourt, l’un de ses plus fidèles partisans. Certains pourraient s’interroger sur ce choix : des noms d’acteurs plus importants de l’histoire du RC Lens, comme Louis Brossard, Stanis ou encore Siklo, n’ont pas été retenus. Mais pour André Delelis, il fallait se souvenir de l’un des hommes qui ont permis la renaissance, au début des années 70, d’un RC Lens très mal en point.
Bien que beaucoup aient oublié l’homme, Élie Delacourt a contribué au renouveau du Racing et fut l’un de ses plus grands supporters. La légende raconte qu’il est le premier abonné du stade Bollaert. Il nous a quittés le 16 juin 1979, à l’âge de 83 ans, à Lens bien évidemment.
Sources :
- RCLens.fr
- Archives départementales du Pas-de-Calais
- Le Racing Club de Lens et les « Gueules Noires » Essai d’histoire sociale – Marion Fontaine
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens