CULTURE SANG & OR

Dernier test avant le grand bain : wie gut ist unser Fußball?

Le RC Lens affronte le RB Leipzig, et Bollaert-Delelis retrouve Loïs Openda. Pour aborder ce dernier amical avant le retour de la Ligue 1, nous avons eu l’immense plaisir d’échanger avec Patrick Guillou, consultant et commentateur du championnat allemand sur BeIn Sports, diffuseur exclusif de la Bundesliga. Notre football vaut-il celui doutre-Rhin ?

Photo Ouest France

Culture Sang et Or : Pour commencer, pouvez-vous présenter un peu le RB Leipzig à ceux qui ne seraient pas de grands connaisseurs du championnat allemand ?

Patrick Guillou : Le club est très récent. Il a été en quelque sorte monté de toutes pièces en 2009 avec pour objectif la montée en Bundesliga. C’est un club qui se veut visionnaire, et bien sûr conçu pour accrocher à l’image de Red Bull. L’ADN de Leipzig, c’est d’être dans la construction de ce qui a été mis en place pendant des années, c’est-à-dire de faire partie du gotha européen – surtout en Ligue des champions – parce que ça leur sert aussi de loupe pour le business model qu’ils ont mis en place. Quand Leipzig monte en Bundesliga à l’issue de la saison 2015-16, ils représentent un vrai vent de fraîcheur, avec un football hyper moderne, hyper vertical, hyper dynamique, et ce onze en 4-2-2-2 où les joueurs vont harceler, jouer très haut et systématiquement exploser les adversaires par leur pressing étouffant à la récupération du ballon dans des zones bien définies.

La saison dernière, le RasenBallsport Leipzig a terminé à la septième place de Bundesliga et a donc vu les portes de l’Europe se fermer juste sous son nez. Un dénouement identique à celui du Racing, qui ne participera lui non plus à aucune compétition européenne cette saison. Comment le club saxon a-t-il perçu ce classement final ?

C’est la première fois que Leipzig ne participe pas à une compétition européenne depuis la saison 2016-17. C’est un gros problème car ils ont toujours eu pour stratégie de recruter de très jeunes joueurs pétris de talent, notamment en France – pas uniquement, mais beaucoup au début, à l’image de Dayot Upamecano, Ibrahima Konaté ou Jean-Kévin Augustin – et de les montrer au monde entier grâce à la Ligue des champions, pour ensuite pouvoir les revendre avec une plus-value conséquente.

Donc le fait que Leipzig ne soit pas en Ligue des champions est très problématique d’un point de vue business, mais aussi dans la gestion de l’effectif. Ils sont actuellement une grosse trentaine sous contrat, et pour la première fois, ces joueurs-là vont passer d’un rythme d’un match tous les trois jours à un match par semaine. On va voir comment ils vont gérer ce nouveau tempo, et aussi comment le nouveau coach va gérer les egos. Quand vous jouez tous les trois jours, vous pouvez faire tourner, mais pas quand vous ne jouez qu’une fois par semaine.

Photo Bundesliga

Que pensez-vous du mercato de Leipzig cet été ?

À l’heure actuelle, ils ont recruté six joueurs : Arthur Vermeeren, Yan Diomande, Johan Bakayoko, Ezechiel Banzuzi, Andrija Maksimovic et Max Finkgräfe, pour un total de 92 millions d’euros selon Transfermarkt. Il y a des postes qui se retrouvent en surcharge et certains joueurs qui reviennent de prêt alors que je ne suis pas sûr que le coach veuille tous les utiliser. Par ailleurs, certains ont un salaire que peu d’autres clubs seraient partants pour payer. On a aussi des joueurs comme Loïs Openda, Xavi Simons ou Benjamin Šeško qui ont une valeur marchande assez conséquente, qu’on annonce recrutés à droite à gauche, mais qui ne sont toujours pas partis pour le moment – excepté Šeško qui a l’air bien parti pour signer à Manchester United selon les dernières infos. Et tant que les grands clubs anglais n’ont pas décidé de se montrer actifs sur la Bundesliga, à part le Bayern, il n’y a personne qui est capable de mettre autant d’argent sur un seul joueur.

Il ne faut pas non plus oublier que nous entrons dans une année de Coupe du monde : c’est une période où il faut que les gars jouent. Par exemple, Christoph Baumgartner, qui n’est pas un titulaire indiscutable du côté de Leipzig, a besoin d’avoir du temps de jeu pour espérer ensuite jouer avec la sélection autrichienne et se qualifier pour le prochain Mondial. Vous n’imaginez même pas l’ambiance dans les vestiaires.

Photo Foot Mercato

Justement, parlons-en des vestiaires, car la saison dernière a été plutôt mouvementée. En mars, Marco Rose, entraîneur à Leipzig depuis septembre 2022, a été remplacé par Zsolt Lőw. Fin juin, celui-ci fait déjà ses valises pour laisser la place à Ole Werner, ancien coach du Werder Brême. Pourquoi si peu de stabilité ?

Ça a été une saison catastrophique, et même Marco Rose, qui a pourtant l’ADN RBL, n’a pas réussi à atteindre ses joueurs. Il y avait de vrais problèmes de hiérarchie dans le vestiaire, qui s’est retrouvé avec d’un côté les anciens – comme Kevin Kampl, Péter Gulácsi ou Yussuf Poulsen – qui pour la plupart connaissent toute l’histoire de Leipzig en Bundesliga, la mentalité du club et les attentes des supporters, et de l’autre les nouveaux joueurs qui ne connaissent pas forcément tout ça et qui vont se servir du club comme d’un tremplin avant de s’en aller. Et c’est quelque chose que les anciens ne comprennent pas forcément.

La saison passée est un échec total car Leipzig avait annoncé vouloir concurrencer le Bayern et se battre pour le titre. Sur les quatre dernières années, ils ont joué plusieurs finales de coupe d’Allemagne. L’étape suivante, c’était d’être champion. Mais au bout du compte, ils ont terminé à 31 points du Bayern. En plus – et c’est là qu’on attend Ole Werner – c’est la première fois qu’on ne note ni progression individuelle, ni progression collective sur toute la saison. Marco Rose ne trouvait plus de solution pendant les matchs.

CSO : Est-ce que vous pensez qu’Ole Werner s’en sortira mieux ?

Ce vestiaire est un héritage compliqué. Werner est jeune, il a pu mettre ses choses en place du côté du Werder Brême avec sans doute moins d’egos à gérer, mais là, il rentre dans une autre galaxie. Au niveau du club, de la structure, du management, ça n’a rien à voir. Sur certains joueurs, vous ne leur apprenez pas à jouer au foot, vous leur apprenez à gérer leur ego. C’est toujours facile de gérer les joueurs qui jouent, mais c’est beaucoup plus dur de gérer ceux qui ne jouent pas.

Photo RB Leipzig

Évidemment, impossible de parler de Leipzig sans évoquer Loïs Openda, vendu par Lens au club allemand en juillet 2023 pour la coquette somme de 40 millions d’euros. Il a survolé la Bundesliga dès sa première saison, avec 24 buts et sept passes décisives en 34 matchs, faisant de lui le troisième meilleur buteur du championnat derrière Harry Kane et Serhou Guirassy. La saison 2024-25 est moins flamboyante, avec neuf buts et cinq passes décisives en 33 matchs. Comment expliquer cette baisse d’intensité ?

Les positionnements de Xavi Simons et de Benjamin Šeško autour d’Openda lui ont peut-être donné moins de liberté, c’est peut-être pour ça qu’il a été moins décisif. Mais la saison d’Openda n’est même pas si mauvaise en soi, elle est juste le symbole de la saison de Leipzig. Si vous regardez bien, leur parcours en Ligue des champions est désastreux. Il y a aussi l’égocentrisme et l’individualisme de Xavi Simons qui ont heurté le vestiaire. Ce dernier ne correspond pas à l’image que le RB Leipzig voulait qu’il renvoie.

Est-ce qu’Openda correspond mieux à cette image ?

Je l’ai vu interviewé dans la plus grande émission allemande sur le sport, Das Aktuelle Sportstudio, et il a été absolument génial. J’ai été séduit par le Openda avec beaucoup d’humour que vous avez peut-être connu du côté de Lens, et par ce qu’il raconte sur le métier de footballeur ou sur la façon dont il gère son sommeil. Mais il peut aussi avoir des réactions épidermiques sur le terrain quand il est en colère après lui-même. Ça s’est senti sur beaucoup de matchs la saison passée. Là, dans la façon dont l’effectif a été construit la saison passée, il n’y avait clairement aucune hiérarchie, il y avait des excès d’individualisme, plus de colonne vertébrale, plus de leader charismatique, chacun se retranchait sur ses propres performances sans avoir d’esprit collectif, et il n’y avait plus aucun joueur capable de taper du poing sur la table, et encore moins d’incarner l’image du RBL.

Photo Bundesliga

Est-ce que la dynamique peut s’inverser ?

On repart sur un nouveau cycle, clairement. Qu’on le veuille ou non, même si l’expression peut paraître surprenante, il va falloir « nettoyer les écuries d’Augias ». Quand vous ne jouez qu’une fois par semaine et que vous avez 38 joueurs, ça ne peut pas fonctionner. Et dans ce total, vous avez 19 joueurs qui ont déjà été internationaux. Alors peut-être qu’ils ne joueront pas tous à la Coupe du monde, mais certains auront forcément envie d’y être. Mais s’ils réussissent à vendre un ou deux joueurs parmi les Openda, Simons, Šeško ou Nusa, ils rééquilibreront la balance financièrement, et c’est ce qu’ils espèrent.

Leipzig a infligé une cuisante défaite à Toulouse le 26 juillet (7-0) avec, en prime, un triplé d’Openda. Ils ont ensuite perdu contre l’Atalanta (1-2). À quoi peut-on s’attendre face à Lens samedi ?

Tout d’abord, le système de jeu devrait changer. Sur les compositions que Werner a mises en place jusqu’à présent, on est plutôt sur un 4-3-3, donc l’iconique 4-2-2-2 qui faisait la réputation de Leipzig est sans doute révolu. Ensuite, si vous regardez les deux compositions entre Toulouse et l’Atalanta, le coach a donné du temps de jeu à pratiquement tout le monde. Mais il y a fort à parier qu’il y aura quelques absents. Notamment Benjamin Šeško, sérieusement courtisé par Newcastle et Manchester United ces derniers jours, et qui aurait jeté son dévolu sur le club mancunien. On parle d’une indemnité de transfert autour de 85 millions d’euros. Il y a aussi Xavi Simons, qui n’a pas joué contre l’Atalanta. Officiellement pour un torticolis, mais officieusement – tout comme pour Šeško – il est probable que ce soit pour éviter toute blessure. Il ne leur reste plus que le match contre Lens ainsi qu’une première rencontre en Coupe d’Allemagne face à Sandhausen avant l’ouverture du championnat.

Photo Atalanta Bergame

Est-ce à dire que Werner n’a pas encore choisi son onze de départ ?

Pour l’instant, il a un « problème de luxe » parce qu’il doit faire jouer la concurrence entre les joueurs du même poste. Quand vous avez Castello Lukeba ou El Chadaille Bitshiabu, c’est le choix du prince. Nicolas Seiwald ou Arthur Vermeeren, Christoph Baumgartner ou Xavi Simons, ce ne sont quand même pas n’importe quels joueurs. Sur le papier, vous pouvez faire sortir Loïs Openda à la mi-temps et mettre Benjamin Šeško à la deuxième – tant qu’ils sont encore là. Donc on a deux équipes types, et le onze ne se détache pas encore. Sur les premiers matchs amicaux, tout se passe plutôt bien dans les vestiaires parce que les joueurs font tous une mi-temps, mais ensuite, ça risque de grincer des dents pour ceux dont le temps de jeu se réduira. En plus, le premier match de la saison est au Bayern, donc tout le monde voudra être titulaire. À la fois ceux qui s’inscrivent vraiment dans le projet de Leipzig, et aussi ceux qui voudront en profiter pour avoir de la visibilité pour essayer de partir avant la fin du mercato.

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Vous l’avez compris, Lens va donc affronter un club en plein chamboulement qui cherche à retrouver ses marques. Culture Sang et Or remercie encore chaleureusement Patrick Guillou pour ses lumières et sa disponibilité !

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