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Bernard Placzek : De l’ombre à la lumière

Le 1er avril 1969, près de 15.000 supporters se dirigent vers le stade Bollaert pour rendre hommage à Bernard Placzek, pierre angulaire de la défense lensoise pendant plus d’une décennie. Depuis ses débuts en avril 1957, Bernard Placzek a disputé pas moins de 470 matchs, dont 350 consécutifs. Seul Éric Sikora surpassera sa longévité.

Bernard Placzek
Bernard Placzek ici à gauche, avec la coupe Charles Drago
Photo Sang & Or magazine

Né le 30 mai 1936 à Libercourt de parents polonais, il grandit aux côtés de son frère, futur gardien de but professionnel à Douai, et de ses quatre sœurs. Dès l’âge de quinze ans, suivant les traces de son père, il est envoyé au fond de la mine. Une expérience marquante pour le petit Libercourtois, qui le pousse à chercher une porte de sortie. Il la trouve grâce au football, qu’il pratique depuis ses sept ans. Le ballon rond lui permet de se défaire du destin tracé pour tant de jeunes Polonais de la région.

Quand on descend à 395 mètres, quand on a face à soi des morceaux de charbon qui dévalent à toute allure, on ne pense qu’à une chose : sortir de là !

Bernard Placzek

Bernard Placzek, c’est aussi un visage marqué par un accident de jeunesse. À sept ans, alors qu’il chute d’un rouleau agricole en mouvement, son visage traîne sur le mâchefer du chemin avant que l’attelage ne s’arrête.

Bernard Placzek
Bernard Placzek
Photo
Les Immortels du foot nordiste

Il débute le football en minimes à Carvin, avant de rejoindre le club de Oignies, où il dispute son premier match de CFA contre le RC Paris, au poste de milieu de terrain.

En 1954, Bernard passe ses journées à Carvin, dans un café tenu par Lucien Krawczyk, ancien champion de France de boxe qui a croisé les gants avec Marcel Cerdan et Charles Humez, pour regarder à la télévision les matchs pendant la Coupe du monde qui se déroule en Suisse. C’est là qu’il fait la rencontre du footballeur Paul Cohen, qui l’invite à le rejoindre au RC Calais. À son arrivée sur la côte, le président Jean Baratte embauche sa jeune recrue au quotidien Nord Littoral, dont il est le directeur.

On m’a mis au journal. J’ai appris la typographie sur le tas. Un an plus tard, je suis devenu linotypiste*.

Bernard Placzek

Rapidement, des clubs prestigieux manifestent leur intérêt pour ce joueur prometteur, dont Le Havre, le LOSC et le RC Lens. Henri Trannin doit alors user de toute son influence pour convaincre Bernard Placzek de rejoindre Lens. Finalement convaincu par ce dirigeant, Bernard prétexte la maladie de son père pour obtenir trois jours de congé. Il se rend à Tours pour jouer un match amical avec le RC Lens, contre une formation polonaise venue de Cracovie. Une semaine plus tard, en dépit de l’opposition des dirigeants calaisiens, il signe son contrat avec le RC Lens.

À Libercourt, à l’époque, on ne connaissait pas Lens. D’ailleurs, mon meilleur copain et équipier d’alors, Stéphan Walczack, est parti au LOSC. Il y fera une belle carrière avant de la terminer à Metz.

Bernard Placzek

En novembre 1957, il foule pour la première fois les terrains d’entraînement de Lens et se rend vite compte que le niveau et les attentes sont très élevés. Côté intégration, il se sent comme chez lui, entouré de nombreux compatriotes (Sowinski, Kowalkolski, Polak, Skudlapski, Ziemczak et Wisniewski). Après une semaine d’entraînement, Bernard pense abandonner ses ambitions dans le football professionnel. Mais il s’accroche pour gagner sa place. Encore une fois, c’est contre le RC Paris qu’il fait ses débuts officiels avec son nouveau club. Lors de sa première année à Lens, il est titularisé à dix-sept reprises. En 1958, alors employé à l’imprimerie des Houillères de Lens, il se marie avec Dagny, une Calaisienne. Leur fils, Stéphan, né en 1964, deviendra entraîneur des gardiens au CRUFC (Calais Racing Union Football Club).

Bernard Placzek
Bernard Placzek
Photo Sang et Or magazine

La saison suivante, en décembre 1958, l’entraîneur Jules Bigot le change de poste, et lui annonce qu’il sera arrière gauche pour défendre contre l’Angevin Ignace Wognin, sa première victime. À partir de ce jour, et jusqu’en juin 1969, il joue un total de 485 matchs avec le Racing, dont 378 consécutifs. Une longévité extraordinaire due à une hygiène de vie irréprochable. Sa seule blessure survient en fin de carrière, après un tacle trop appuyé du Bordelais Didier Couécou. Pendant ces douze années au club, il a donné du fil à retordre à ses adversaires directs. Nombre d’entre eux se sont cassé les dents sur ce roc quasi infranchissable, qui ne s’avouait jamais battu. Entraîné tour à tour par Karel Michlowski, Jules Bigot et Élie Fruchart, il remporte la Coupe de l’Amitié en 1963 et quatre fois la Coupe Drago. Il inscrit un total de 37 buts.

En homme prévoyant, Bernard Placzek a méticuleusement préparé sa reconversion. Diplôme d’entraîneur en poche et auréolé de trois sélections en équipe de France B, il rejoint les rangs de Viry-Châtillon en 1970. Entraînant notamment un certain Ladislas Lozano, qui en devenant coach à son tour atteindra la finale de la Coupe de France avec le CRUFC en 2000. Il revient ensuite entraîner Calais, puis Dunkerque, Hazebrouck et Coquelles. Dans les années 1990, Ladislas Lozano l’appelle pour diriger l’école de football du CRUFC.

Bernard Placzek
Bernard Placzek
Photo la saga des Sang & Or

Je transmets aujourd’hui toute mon expérience aux gamins en retenant trois principes : savoir, pouvoir et vouloir. Savoir, c’est acquérir la technique, la tactique et le sens du jeu pour être footballeur. Pouvoir, c’est-à-dire avoir une condition physique et une hygiène de vie qui vous permettent de tenir sur un terrain. Enfin, vouloir, c’est avoir la gnaque, la volonté de s’arracher faute de quoi on n’y arrive pas.

Bernard Placzek

Du fond des mines de Libercourt aux terrains de football, Bernard Placzek incarne parfaitement l’esprit du RC Lens. Avec plus de 470 matchs à son actif, il a gravé son nom dans l’histoire du club, et laissé un sillon profond sur son côté gauche. Sa carrière est un témoignage de courage et de détermination, des qualités qui lui ont permis de relever tous les défis et de devenir un pilier incontesté de la défense lensoise. Que son parcours puisse continuer à inspirer et à motiver les générations futures de footballeurs.

Reportage France 3

* Opérateur de machine de composition typographique au plomb permettant de saisir les caractères sur un clavier et de fondre une ligne de texte en un seul bloc.

Sources :

  • Sang et Or magazine n°25, janvier 1997
  • Sang et Or magazine n°100, avril 2004
  • Jacques Verhaeghe et Paul Hurseau, Les Immortels du football nordiste
  • Isabelle Dupont et Dominique Paquet, Racing Club de Lens, un siècle de passion en sang et or
  • Calais Football mémoire
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