Il y a des catégories de joueurs qui seront toujours dans le collimateur des supporters. Qui joueront constamment avec la circonspection des observateurs. Se défaire de sa propre image demande du temps, beaucoup de temps. Il arrive que ces joueurs combattants n’aient pas bonne presse, et ce même au sein de communautés dans lesquelles le don de soi est l’une des valeurs les plus importantes. Celle du RC Lens ne fait pas exception. Pour nombre d’observateurs, les fighters ne sont ce qu’ils sont que parce qu’ils ne peuvent être autrement. Des joueurs jugés intrinsèquement moyens, n’entrant pas dans les canons de beauté actuels, largement influencés par l’individualisme de notre société et la nouvelle manière de consommer le football. Des joueurs qui n’ont pas la capacité d’éliminer un adversaire dans le un contre un, comme dans les jeux de simulation de football, des joueurs qui ne marquent pas sur chacune de leur occasion de but, et qui en définitive ne réussissent à élever leur niveau que grâce à un investissement des plus total.
Dans le cas précis du RC Lens, on pense forcément à Florian Sotoca, joueur clef du système Haisien depuis plus de deux ans, mais qui n’en demeure pas un sujet clivant au sein de la communauté Sang et Or. Un joueur qui surprend tout son monde depuis plus de vingt-quatre mois, et qui semble chaque fois repousser un peu plus loin ses limites. Son parcours l’atteste. Les portes, il a dû les ouvrir une à une, jusqu’à ce que le RC Lens ne l’appelle. Alors attaquant à Grenoble, il est recruté par le club artésien pour près d’un million d’euros, somme d’importance alors que le club évolue en L2, et se doit d’équilibrer chaque été des finances fragilisées par le poids de ses infrastructures. Mais les dirigeants décident de signer Florian Sotoca. Bien leur en a pris, ils ont alors recruté un joueur de qualité, revanchard et au mental de fer.
Il DIT VOULOIR passer un cap
Sotoca est adoré par beaucoup, ne l’oublions pas. Mais il est aussi la cible de critiques qui, si elles peuvent être parfois analysées comme légitimes, n’en restent pas moins sévères, dures et globalement imméritées. L’autre aspect qui pourrait parfois desservir Sotoca est le fait qu’il soit arrivé sur le tard. L’héraultais s’est révélé à presque 30 ans, et “s’il n’a pas percé plus jeune, c’est qu’il y a bien une raison”, dirait-on. Et pourtant, c’est loin d’être le premier à qui cela arrive. On se rappelle des Steve Savidan, Julien Féret ou autres Mickael Pagis, et plus proche de nous Jonathan Clauss, qui ont véritablement vu leur carrière décoller la trentaine sonnante. Florian Sotoca fait partie de cette catégorie de joueur au réveil tardif. Et ce retard au démarrage a l’avantage de lui conférer une réelle fraîcheur mentale, qui irradie le vestiaire lensois. Le narbonnais a soif et a faim. Et, avec le concours d’un entraîneur au management désormais reconnu de tous, il réussit à lever chacune des barrières mentales limitantes. Sotoca continue d’apprendre à 30 ans, et brise l’idée reçue que seuls les jeunes joueurs peuvent progresser. “Je veux passer un cap”, annonçait-il à la sortie de son match contre Brest dimanche.
Après trois saisons pleines, on ne peut plus parler de surperformance quand il s’agit d’évaluer le couteau-suisse offensif lensois. Tout comme il n’est pas possible de réduire les performances de FS7 au simple total de buts inscrits sur une saison, ou à ses occasions manquées. Franck Haise l’avait bien expliqué la saison dernière : “Sotoca est un joueur rare, peut-être le meilleur joueur que j’ai vu”. Si le coach le dit. Tout comme il n’est plus possible de cantonner Sotoca au simple rôle de “joueur généreux”. Dans la plupart des salles de presse, et chaumières, on ne cesse d’abuser de ce qualificatif quand il s’agit de parler de l’actuel meilleur buteur de L1. Certes, il l’est. Mais ce n’est pas tout. Florian Sotoca a su développer une palette technicotactique des plus vastes ; excellent de la tête, dos au but, dans la déviation, dans le tacle, la remise, les transversales, dans la passe en profondeur, la lecture du jeu, l’anticipation tactique, dans l’envie, l’exemplarité, il sait quasiment tout faire. Et si en plus il se met à claquer des hat-tricks…
Ecrit par Antoine