Le 11 août 1944, la ville de Lens subit un terrible bombardement qui fait plus de 150 victimes civiles. Ce jour-là, dans le fracas des bombes, le Racing Club de Lens perd l’un de ses plus grands espoirs : Georges Fougnie. Formé au club dès son plus jeune âge, il incarnait l’avenir du Racing. Hommage à cette génération sacrifiée.

Photo RC Lens
À travers l’acte de décès de Georges Fougnie, conservé dans les archives départementales du Pas-de-Calais, on retrouve la trace de ses parents : Julien Fougnie, né le 20 novembre 1897 à Vendin-le-Vieil, et Paule Omerine Gorin, originaire de Loison. Julien Fougnie est houilleur à la Société des mines de Lens, et son dossier conservé aux Archives du monde du travail permet de retracer son parcours professionnel. Entré à la fosse 8 en 1910, Julien Fougnie terminera sa carrière en 1951 à la fosse 10, où il occupe le poste de porion. Ce dossier contient également un élément rare et précieux↓: une photographie.
Au début de la Première Guerre mondiale, Julien figure dans les listes de rapatriés du Pas-de-Calais, et se retrouve à Reyrieux, dans l’Ain, près de Lyon. Son dossier militaire révèle qu’il participe à la campagne contre l’Allemagne de 1916 à 1919, comme soldat de deuxième classe dans les 84e, 140e et 144e régiment d’infanterie, recevant la médaille de la victoire et la médaille commémorative de la guerre 1914-1918.
Au sortir de la guerre, Julien épouse Paule Omerine Gorin le 14 août 1920 à Bruay-les-Mines, et le couple s’installe dans la cité 3. C’est là, à Bruay, que naît le petit Georges Maurice Fougnie le 13 septembre 1921. Quelques mois plus tard, les recensements de population révèlent que la famille Fougnie a déménagé rue Volta à Vendin-le-Vieil. C’est à l’âge de 12 ans, en 1933, que Georges intègre l’équipe des minimes du Racing Club de Lens, marquant le début de son parcours dans le football.
Le 1er septembre 1939, alors que la guerre contre l’Allemagne vient d’être déclarée, la mobilisation générale réduit considérablement les effectifs. De nombreux joueurs rejoignent le front. Le football n’est alors plus représenté que par des adolescents trop jeunes pour combattre et par quelques joueurs étrangers restés sur place.
Dans ce contexte difficile, l’arrière gauche Georges Fougnie, formé au Racing, poursuit son ascension. Pris sous l’aile de Georges Beaucourt, il gravit progressivement tous les échelons du club, jusqu’à intégrer l’équipe professionnelle. En 1942, il dispute même la finale de la Coupe de France (zone nord) contre le Red Star, confirmant son talent et son rôle grandissant au sein de l’équipe. Défenseur au tempérament de gagneur, intelligent sur le terrain et entraînant ses coéquipiers, Georges se voit confier le commandement de l’équipe par ses dirigeants. C’est aussi en pleine guerre, le 23 octobre 1942, qu’il épouse Renée Lucienne Marie Dubrulle, originaire de Douvrin.
Durant l’année 1944, Lens connaît plusieurs bombardements, le plus meurtrier ayant lieu le 11 août. Selon le journal d’Alfred Bucquet, qui relate minutieusement les événements de la Seconde Guerre mondiale à Lens, ce jour-là le temps est radieux et la population est sortie de chez elle : c’est jour de « quinzaine » dans les corons. Beaucoup de Lensois sont partis toucher leur paye, et la ville semble presque en paix, les nouvelles sur l’avancée des troupes alliées remontant le moral de tous.
Pourtant, à 16 heures 30, tout bascule. Un puissant raid aérien allié, composé d’unités anglaises et américaines, attaque Lens en trois vagues successives, avec pour cible le nœud ferroviaire. La poussière soulevée par la première vague rend le raid peu précis, et les vagues suivantes ratent en grande partie leurs cibles. La première bombe tombe près de la fosse 4. Ensuite, le centre et les cités minières sont lourdement touchés. Parmi les bâtiments les plus frappés : la mairie, les bureaux centraux des Mines, la pharmacie des mineurs, la caisse d’épargne et l’église Sainte-Barbe. Le bilan humain est très lourd : 107 victimes, chiffre qui grimpera à 150 deux jours plus tard, alors que toutes les ruines n’ont pas encore été fouillées.

Photo Le Lensois Normand
Au moment de l’alerte, Georges Fougnie se trouve à son travail. Cherchant refuge, il se précipite à l’opposé de ses camarades dans un abri voisin sur le carreau de la fosse 1. Il s’abrite seul près de la lampisterie. Une bombe de gros calibre s’abat alors sur l’abri et l’ensevelit tragiquement. Le jeune homme de 23 ans devient ainsi l’une des nombreuses victimes civiles de la guerre.
Sa vie s’est arrêtée brutalement, comme celle de tant d’autres Lensois ce funeste 11 août. À travers lui, c’est toute une génération de Lensoises et de Lensois que l’on se doit de rappeler et d’honorer.
Consulter la liste (incomplète) des 150 victimes du bombardement du 11 août 1944.
| Anne Weppe, 25 ans Mathilde Saint-Jean, 50 ans Elisabeth Olezniczak, 18 ans Gilbert Bulois, 11 ans Suzanne Batisse, 24 ans Odette Montreuil, 16 ans Héléna Kohs, 14 ans Claire Bérat, 38 ans Wanda Gielnik, 11 ans Henri Duquène, 23 ans Denise Duparcq, 28 ans Émile Devandeville, 24 ans Florentine Demiotte, 31 ans Paulette Grard, 20 ans Gisèle Gysels, 17 ans Ginette Chevalier, 12 ans Julie Legay, 21 ans Martha Siakowski, 17 ans Christian Petitpré, 15 jours Jeanne Haeusse, 40 ans Jean-Claude Soupart, 5 ans Jeannine Soupart, 13 ans Michèle Soupart, 7 ans Anne-Marie Soupart, 2 ans Ildephonse Soupart, 62 ans Raymond Régnier, 15 ans Fanny Zoutte, 65 ans Ernest Vasse, 41 ans Marguerite Duserne, 32 ans Karol Habdas, 32 ans Raymond Guillemant Johanna Biedrzynski, 17 ans Jacqueline Martinache, 16 ans Raymond Cotton, 30 ans Marcel Tancrez, 36 ans Jacqueline Hennache, 6 ans Suzanne Derache, 26 ans Genevieve Szalanski, 3 ans Marie Triebus, 32 ans Régina Jezwiatkowki, 46 ans Antoinette Zanione, 45 ans Marie Saint-Maxent, 72 ans Noël Grébert, 58 ans Augustin Demailly, 65 ans Jules Fleury, 38 ans Léon Delannoy, 52 ans Usmar Damart, 44 ans Ferdinand Dumont, 17 ans Philibert Duselier, 21 ans François Mames, 50 ans | Hélène Szelag, 38 ans Georges Contart, 47 ans Madislas Szezepaniak, 3 ans Constantin Barbaux, 72 ans Pauline Arbault, 62 ans Céline Hecquet, 39 ans Adolphine Coquelle, 57 ans Jean Mroz, 48 ans Andrée Lefebvre, 40 ans Berthe Saudemont, 64 ans Alfred Cléty, 80 ans Gustave Caufriez, 19 ans Lydie Roussel, 61 ans Héléna Wiart, 63 ans Pauline Bernaert, 54 ans Constant Poisson, 49 ans André Wolff, 37 ans Wanda Zurek, 5 ans Julienne Legrand, 31 ans Manuel d’Oliveira, 38 ans Jules Boulanger, 33 ans Anna Misuira, 44 ans Eugène Falour, 35 ans Hélène Plumat, 31 ans Marie Delplace, 15 ans Marie Louise Godel Agnès Lampin, 52 ans Claude Martinache, 5 ans José Martinache, 3 ans Stanislas Smyg, 34 ans Madeleine Henneau, 7 ans Juliette Bellanger, 72 ans Monique Heintze, 12 ans Ginette Bachelet, 11 ans Gilberte Pattin, 11 ans Henri Dorge, 72 ans Clémentine Prouveur, 72 ans Eva Dorge, 43 ans Esther Mignot, 11 ans Mathilde Voisin, 57 ans Michèle Viseux, 3 ans Marguerite Neuville, 25 ans Alberte Vandamme, 1 an Léa Caron, 22 ans Jean Godeville, 31 ans Rachel Morin, 22 ans Ernest Houdart, 20 ans Ernest Pochard, 62 ans Edmond Le Moal, 22 ans André Rose, 51 ans | Gabrielle Fournel, 49 ans Léonie Lemal, 52 ans Maria Thelliez, 72 ans Philomène Crochart, 39 ans Michel Hiel, 3 ans Maria Woztkiwies, 50 ans Catherine Jaspar, 47 ans Carmen Jacobs, 15 ans Danièle Jacobs, 2 ans Roger Dardenne, 4 ans Alexandre Bescel, 43 ans Georges Deliège, 17 ans Marie-Jeanne Lefort, 47 ans Roger Lefetz, 17 ans Prosper Draze, 54 ans Zélia Pluquin, 71 ans Philomène Quéant, 77 ans Fernande Lecas, 52 ans Louis Vasseur, 66 ans Claudine Régnier, 5 ans Louis Vasseur, 29 ans Jeanne Rousseau, 48 ans Louis Hulot, 45 ans Clotilde Luc, 62 ans Florentine Martin, 40 ans Fernand Deleury, 12 ans Rosalie Loutre, 75 ans Hubert Boursier, 22 ans Denise Bosc, 6 ans Marcelle Harbonnier, 39 ans Gisèle Haeuw, 16 ans Françoise Haeuw, 3 ans André Tune, 25 ans Michèle Tune, 6 mois Rosalie Richard, 59 ans Paul Olivès, 29 ans Marc Olivès, 14 ans Ésilla Duvoisin, 22 ans Renée Canesse, 23 ans Raymonde Jacek Jacques Marlier, 11 ans Bernard Marlier, 6 ans Georges Fougnie, 23 ans |
Sources :
- Base des victimes civiles – Service historique de la Défense, Caen
- Archives nationales du monde du travail
- Archives départementales du Pas-de-Calais
- Genenaet
- Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais, 26 mai 1915
- « Lens et la seconde guerre mondiale, journal d’Alfred Bucquet », Gauheria, septembre 1997
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens


