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L’espoir Georges Fougnie

Le 11 août 1944, la ville de Lens subit un terrible bombardement qui fait plus de 150 victimes civiles. Ce jour-là, dans le fracas des bombes, le Racing Club de Lens perd l’un de ses plus grands espoirs : Georges Fougnie. Formé au club dès son plus jeune âge, il incarnait l’avenir du Racing. Hommage à cette génération sacrifiée.

Georges Fougnie - RCLens 1943-1944
Saison 1942/1943
Photo RC Lens

À travers l’acte de décès de Georges Fougnie, conservé dans les archives départementales du Pas-de-Calais, on retrouve la trace de ses parents : Julien Fougnie, né le 20 novembre 1897 à Vendin-le-Vieil, et Paule Omerine Gorin, originaire de Loison. Julien Fougnie est houilleur à la Société des mines de Lens, et son dossier conservé aux Archives du monde du travail permet de retracer son parcours professionnel. Entré à la fosse 8 en 1910, Julien Fougnie terminera sa carrière en 1951 à la fosse 10, où il occupe le poste de porion. Ce dossier contient également un élément rare et précieux↓: une photographie.

Julien Fougnie
Julien Fougnie

Au début de la Première Guerre mondiale, Julien figure dans les listes de rapatriés du Pas-de-Calais, et se retrouve à Reyrieux, dans l’Ain, près de Lyon. Son dossier militaire révèle qu’il participe à la campagne contre l’Allemagne de 1916 à 1919, comme soldat de deuxième classe dans les 84e, 140e et 144e régiment d’infanterie, recevant la médaille de la victoire et la médaille commémorative de la guerre 1914-1918.

Au sortir de la guerre, Julien épouse Paule Omerine Gorin le 14 août 1920 à Bruay-les-Mines, et le couple s’installe dans la cité 3. C’est là, à Bruay, que naît le petit Georges Maurice Fougnie le 13 septembre 1921. Quelques mois plus tard, les recensements de population révèlent que la famille Fougnie a déménagé rue Volta à Vendin-le-Vieil. C’est à l’âge de 12 ans, en 1933, que Georges intègre l’équipe des minimes du Racing Club de Lens, marquant le début de son parcours dans le football.

Le 1er septembre 1939, alors que la guerre contre l’Allemagne vient d’être déclarée, la mobilisation générale réduit considérablement les effectifs. De nombreux joueurs rejoignent le front. Le football n’est alors plus représenté que par des adolescents trop jeunes pour combattre et par quelques joueurs étrangers restés sur place.

Georges Fougnie
Georges Fougnie

Dans ce contexte difficile, l’arrière gauche Georges Fougnie, formé au Racing, poursuit son ascension. Pris sous l’aile de Georges Beaucourt, il gravit progressivement tous les échelons du club, jusqu’à intégrer l’équipe professionnelle. En 1942, il dispute même la finale de la Coupe de France (zone nord) contre le Red Star, confirmant son talent et son rôle grandissant au sein de l’équipe. Défenseur au tempérament de gagneur, intelligent sur le terrain et entraînant ses coéquipiers, Georges se voit confier le commandement de l’équipe par ses dirigeants. C’est aussi en pleine guerre, le 23 octobre 1942, qu’il épouse Renée Lucienne Marie Dubrulle, originaire de Douvrin.

Durant l’année 1944, Lens connaît plusieurs bombardements, le plus meurtrier ayant lieu le 11 août. Selon le journal d’Alfred Bucquet, qui relate minutieusement les événements de la Seconde Guerre mondiale à Lens, ce jour-là le temps est radieux et la population est sortie de chez elle : c’est jour de « quinzaine » dans les corons. Beaucoup de Lensois sont partis toucher leur paye, et la ville semble presque en paix, les nouvelles sur l’avancée des troupes alliées remontant le moral de tous.

Pourtant, à 16 heures 30, tout bascule. Un puissant raid aérien allié, composé d’unités anglaises et américaines, attaque Lens en trois vagues successives, avec pour cible le nœud ferroviaire. La poussière soulevée par la première vague rend le raid peu précis, et les vagues suivantes ratent en grande partie leurs cibles. La première bombe tombe près de la fosse 4. Ensuite, le centre et les cités minières sont lourdement touchés. Parmi les bâtiments les plus frappés : la mairie, les bureaux centraux des Mines, la pharmacie des mineurs, la caisse d’épargne et l’église Sainte-Barbe. Le bilan humain est très lourd : 107 victimes, chiffre qui grimpera à 150 deux jours plus tard, alors que toutes les ruines n’ont pas encore été fouillées.

Bombardement Lens - fosse 4
Fosse 4 / Cité Sainte-Barbe
Photo Le Lensois Normand

Au moment de l’alerte, Georges Fougnie se trouve à son travail. Cherchant refuge, il se précipite à l’opposé de ses camarades dans un abri voisin sur le carreau de la fosse 1. Il s’abrite seul près de la lampisterie. Une bombe de gros calibre s’abat alors sur l’abri et l’ensevelit tragiquement. Le jeune homme de 23 ans devient ainsi l’une des nombreuses victimes civiles de la guerre.

Sa vie s’est arrêtée brutalement, comme celle de tant d’autres Lensois ce funeste 11 août. À travers lui, c’est toute une génération de Lensoises et de Lensois que l’on se doit de rappeler et d’honorer.

Consulter la liste (incomplète) des 150 victimes du bombardement du 11 août 1944.
Anne Weppe, 25 ans
Mathilde Saint-Jean, 50 ans
Elisabeth Olezniczak, 18 ans
Gilbert Bulois, 11 ans
Suzanne Batisse, 24 ans
Odette Montreuil, 16 ans
Héléna Kohs, 14 ans
Claire Bérat, 38 ans
Wanda Gielnik, 11 ans
Henri Duquène, 23 ans
Denise Duparcq, 28 ans
Émile Devandeville, 24 ans
Florentine Demiotte, 31 ans
Paulette Grard, 20 ans
Gisèle Gysels, 17 ans
Ginette Chevalier, 12 ans
Julie Legay, 21 ans
Martha Siakowski, 17 ans
Christian Petitpré, 15 jours
Jeanne Haeusse, 40 ans
Jean-Claude Soupart, 5 ans
Jeannine Soupart, 13 ans
Michèle Soupart, 7 ans
Anne-Marie Soupart, 2 ans
Ildephonse Soupart, 62 ans
Raymond Régnier, 15 ans
Fanny Zoutte, 65 ans
Ernest Vasse, 41 ans
Marguerite Duserne, 32 ans
Karol Habdas, 32 ans
Raymond Guillemant
Johanna Biedrzynski, 17 ans
Jacqueline Martinache, 16 ans
Raymond Cotton, 30 ans
Marcel Tancrez, 36 ans
Jacqueline Hennache, 6 ans
Suzanne Derache, 26 ans
Genevieve Szalanski, 3 ans
Marie Triebus, 32 ans
Régina Jezwiatkowki, 46 ans
Antoinette Zanione, 45 ans
Marie Saint-Maxent, 72 ans
Noël Grébert, 58 ans
Augustin Demailly, 65 ans
Jules Fleury, 38 ans
Léon Delannoy, 52 ans
Usmar Damart, 44 ans
Ferdinand Dumont, 17 ans
Philibert Duselier, 21 ans
François Mames, 50 ans
Hélène Szelag, 38 ans
Georges Contart, 47 ans
Madislas Szezepaniak, 3 ans
Constantin Barbaux, 72 ans
Pauline Arbault, 62 ans
Céline Hecquet, 39 ans
Adolphine Coquelle, 57 ans
Jean Mroz, 48 ans
Andrée Lefebvre, 40 ans
Berthe Saudemont, 64 ans
Alfred Cléty, 80 ans
Gustave Caufriez, 19 ans
Lydie Roussel, 61 ans
Héléna Wiart, 63 ans
Pauline Bernaert, 54 ans
Constant Poisson, 49 ans
André Wolff, 37 ans
Wanda Zurek, 5 ans
Julienne Legrand, 31 ans
Manuel d’Oliveira, 38 ans
Jules Boulanger, 33 ans
Anna Misuira, 44 ans
Eugène Falour, 35 ans
Hélène Plumat, 31 ans
Marie Delplace, 15 ans
Marie Louise Godel
Agnès Lampin, 52 ans
Claude Martinache, 5 ans
José Martinache, 3 ans
Stanislas Smyg, 34 ans
Madeleine Henneau, 7 ans
Juliette Bellanger, 72 ans
Monique Heintze, 12 ans
Ginette Bachelet, 11 ans
Gilberte Pattin, 11 ans
Henri Dorge, 72 ans
Clémentine Prouveur, 72 ans
Eva Dorge, 43 ans
Esther Mignot, 11 ans
Mathilde Voisin, 57 ans
Michèle Viseux, 3 ans
Marguerite Neuville, 25 ans
Alberte Vandamme, 1 an
Léa Caron, 22 ans
Jean Godeville, 31 ans
Rachel Morin, 22 ans
Ernest Houdart, 20 ans
Ernest Pochard, 62 ans
Edmond Le Moal, 22 ans
André Rose, 51 ans
Gabrielle Fournel, 49 ans
Léonie Lemal, 52 ans
Maria Thelliez, 72 ans
Philomène Crochart, 39 ans
Michel Hiel, 3 ans
Maria Woztkiwies, 50 ans
Catherine Jaspar, 47 ans
Carmen Jacobs, 15 ans
Danièle Jacobs, 2 ans
Roger Dardenne, 4 ans
Alexandre Bescel, 43 ans
Georges Deliège, 17 ans
Marie-Jeanne Lefort, 47 ans
Roger Lefetz, 17 ans
Prosper Draze, 54 ans
Zélia Pluquin, 71 ans
Philomène Quéant, 77 ans
Fernande Lecas, 52 ans
Louis Vasseur, 66 ans
Claudine Régnier, 5 ans
Louis Vasseur, 29 ans
Jeanne Rousseau, 48 ans
Louis Hulot, 45 ans
Clotilde Luc, 62 ans
Florentine Martin, 40 ans
Fernand Deleury, 12 ans
Rosalie Loutre, 75 ans
Hubert Boursier, 22 ans
Denise Bosc, 6 ans
Marcelle Harbonnier, 39 ans
Gisèle Haeuw, 16 ans
Françoise Haeuw, 3 ans
André Tune, 25 ans
Michèle Tune, 6 mois
Rosalie Richard, 59 ans
Paul Olivès, 29 ans
Marc Olivès, 14 ans
Ésilla Duvoisin, 22 ans
Renée Canesse, 23 ans
Raymonde Jacek
Jacques Marlier, 11 ans
Bernard Marlier, 6 ans
Georges Fougnie, 23 ans

Sources :

  • Base des victimes civiles – Service historique de la Défense, Caen
  • Archives nationales du monde du travail
  • Archives départementales du Pas-de-Calais
  • Genenaet
  • Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais, 26 mai 1915
  • « Lens et la seconde guerre mondiale, journal d’Alfred Bucquet », Gauheria, septembre 1997
  • Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
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