Deux places fortes du championnat de France s’affrontent au creux de la vague, dans un moment de fortes turbulences pour les deux équipes. L’occasion pour nous de retrouver Frédéric Happe de l’Agence France-Presse, coordinateur sports Grand Ouest, fin connaisseur du football et du FC Nantes.

Photo CSO
CSO : La dernière rencontre entre le RCL et le FC Nantes s’était soldée sur une victoire à l’arrachée pour Lens (3-2). Que retiens-tu de cette rencontre ?
Frédéric Happe : Cette défaite, après une rencontre débridée, avait été très amère pour Nantes qui menait encore 2-1 à la 85e et qui était revenu bredouille sur un but casquette. La tête de Pallois avait lobé Lafont dans le temps additionnel pour offrir le but de la gagne à Thomasson, un ancien de la maison jaune. Un scénario malheureusement assez familier pour Nantes qui doit être l’équipe de L1 qui a laissé filer le plus de points après avoir mené (quatre victoires seulement sur les douze matches où ils se sont retrouvés devant au score). À l’époque, le match avait semblé presque encourageant par rapport aux défaites contre Marseille et Strasbourg qui avaient précédé, mais elle avait été suivie par une autre, assez honteuse, à domicile contre Le Havre (0-2) qui avait lancé la mémorable séquence sur l’avenir d’Antoine Kombouaré.
Depuis, le FCN a-t-il changé sa façon de jouer, tactiquement ou techniquement ?
Le 3-4-3 mis en place par Kombouaré à Lens constituait une innovation par rapport à la défense à quatre qu’il avait utilisée exclusivement jusque-là. Elle a parfois été reconduite mais sans vraiment convaincre totalement, le 4-3-3 étant le système privilégié depuis. Contre Monaco, la défense à trois centraux a été à nouveau utilisée, avec le résultat qu’on a vu, même si Nantes avait bien entamé le match et aurait pu mener 2-0 en milieu de première période. Et puis l’expulsion du latéral gauche Cozza dès la 8e est à prendre en compte, évidemment. Après, les principes de jeu n’ont pas beaucoup varié dans le sens où la tactique se résume beaucoup à donner le ballon à Simon ou Abline en espérant qu’il se passe quelque chose. Les tentatives pour essayer de devenir une équipe davantage de possession, malgré quelques séquences intéressantes dans certains matches, n’ont pas forcément porté leurs fruits en termes de points et le jeu de transition reste l’arme favorite – en tout cas la plus efficace – des Canaris.
Lens et Nantes suivent leur petit bonhomme de chemin, à savoir deux dernières défaites bien tristounettes, un 2-0 sans même cadrer une frappe à domicile contre le grand Strasbourg pour le RCL, et le maintenant célèbre 7 à 1 à Monaco pour le FCN. Comment analyses-tu, côté nantais, cette mini-série ?
Tu es dur avec Lens, Strasbourg joue vraiment très bien en ce moment ! Même si ne pas cadrer une frappe, c’est effectivement humiliant. Concernant Nantes, après tout le pataquès autour du vrai-faux départ de Kombouaré, l’équipe a semblé bien redémarrer en 2025 avec des nuls contre des gros : Lille, Monaco, Lyon, Saint-Étienne… Non, je plaisante, le nul contre Sainté était une mauvaise affaire. Mais la victoire à Reims (2-1) ensuite avait bonifié cette politique des petits pas. Malheureusement, il y a ensuite eu une défaite à domicile contre Brest (2-1), pourtant pas dans un grand jour, et surtout la rouste à Monaco qui ramène Nantes presque à la case départ : celle d’un club qui joue avec le regard dans le rétroviseur et pas un gros mental. Surtout à domicile où Nantes est avant-dernier de L1 avec, deux victoires et quatre nuls en dix rencontres.
Nantes, comme Lens, semble devoir faire sans plusieurs de ses joueurs, avec même la possible indisponibilité de Moses Simon, que tu décris comme l’indispensable de l’équipe. D’ailleurs il fut sûrement l’homme du match à Bollaert au match aller. Quelle équipe pour le match retour et quelles seront les armes et les hommes-clés pour Nantes ?
Non, non, Moses Simon sera bien là ! S’il reste toujours aussi précieux pour Nantes, il a tout de même été rejoint dans le rôle de sauveur par Matthis Abline, qui s’est réveillé et a mis cinq buts et donné une passe décisive depuis le match contre Lens. Mostafa Mohamed a aussi donné quelques signes de vie, avec deux buts et une passe décisive qui ont tous rapporté des points. Donc, sans dire que le danger est partout, Nantes a un peu plus d’arguments qu’à l’aller. En revanche, si les Canaris ont recruté dans toutes les lignes pendant le mercato d’hiver (Anthony Lopes dans les buts, Saïdou Sow en défense, Francis Coquelin au milieu et Meschack Elia en attaque), on ne peut pas dire que l’apport ait été spectaculaire pour l’heure. Lopes semble un peu rouillé par ses six mois dans le loft lyonnais, avec une part de responsabilité dans la défaite à Monaco. Mais il pourrait amener du caractère sur la durée. Sow, en défense, n’est pas inintéressant mais il reste à trouver le partenaire idéal ou les partenaires idéaux dans l’axe, surtout que Nathan Zézé est out pour un moment et que Pallois peine de plus en plus face aux adversaires rapides. Coquelin n’a pas encore joué mais semble se rapprocher d’une entrée en jeu, et Elia est une énigme avec deux petites apparitions en sortie de banc sans relief. Il ne semble pas devoir bousculer la hiérarchie dans ce secteur. Nantes a aussi profité du mercato pour se débarrasser d’indésirables, comme Gbamin, Duverne ou Ganago, mais n’a pas trouvé de porte de sortie pour Alban Lafont, tombé au troisième rang dans la hiérarchie des gardiens. Quelle indignité !
Est-ce qu’Antoine Kombouaré va sortir ses traditionnels ressorts psychologiques, avec des discours musclés, ou alors nous réserver des petites surprises tactiques pour cette rencontre ?
Tout en récusant le terme de « calinothérapie », Kombouaré a quand même insisté sur la nécessité d’« aider les joueurs » après le 7-1, et il leur a même laissé deux jours de repos pour se « laver la tête » – et sans doute travailler ses swings et ses putts sur un golf, mais c’est autre chose. Derrière Nantes, ça n’avance pas beaucoup. Reims, juste devant, a aussi encore perdu. Cela fait que le message est surtout : pas de panique ! Waldemar Kita est quand même venu cette semaine au club pour parler aux joueurs, signe que Monaco a du mal à passer. L’une des grandes inconnues, d’ailleurs, et qui pourrait donner le ton du match aussi, est l’accueil que la Brigade Loire réservera à ses joueurs après le 7-1, surtout si le match débute mal… Le paradoxe de cette équipe est qu’elle peut prendre des points contre toutes les équipes et elle peut perdre contre toutes les équipes. L’idée sera de faire en sorte que la balance penche dans le bon sens, mais on n’est pas encore dans le sprint final et il ne faut pas griller trop d’énergie mentale maintenant. Compte tenu des absents (Cozza et Chirivella suspendus, notamment), le onze de départ sera forcément remanié et pas sûr qu’il ait un joueur capable de jouer en piston à gauche comme Cozza, donc une défense à quatre paraît possible. S’il renforce son milieu et compte tenu de l’absence du capitaine Chirivella, il n’est pas impossible qu’il mette Castelleto en sentinelle devant la défense, comme il l’a fait parfois ces derniers temps, Coquelin étant sans doute encore trop juste pour débuter.
Un petit prono pour ce match à La Beaujoire ?
Vu tous les chambardements à Lens pendant le mercato d’hiver, difficile pour moi de mesurer le rapport de force mais j’ai envie de voir un match un peu comme celui de l’aller, même si à l’heure de la sieste post-prandiale dominicale c’est probablement ambitieux. Disons un 2-2, allez !
Vu l’actualité foot, on ne peut pas ne pas évoquer l’imbroglio total concernant les droits télé avec cette épisode DAZN qui ne veut plus payer, et les échanges en visioconférence des présidents à ce sujet l’été dernier qui viennent de sortir dans Complément d’Enquête. Comment vois-tu les choses et quelle est la position de la Kita Family ?
Les Kita ont dû remettre au pot récemment pour boucler le budget de l’année et il est évident que Nantes n’échappe pas aux problèmes financiers des clubs français. Le recrutement hivernal a été clairement low cost (deux prêts, deux arrivées libres) et le gros problème de Nantes pour les mois à venir, c’est qu’ils n’ont pas de joueurs à refourguer à City pour 60 millions… Il y a très peu de joueurs vraiment bankable, sauf peut-être Abline, arrivé l’été dernier, résolument Simon à qui il ne reste qu’une année de contrat, voire Nathan Zézé qui était sur les tablettes de quelques clubs cet été. Autant dire qu’une relégation serait extrêmement pénalisante pour le club.
Merci à Frédéric Happe, de l’AFP, pour sa disponibilité et la qualité de l’échange. Bonne chance au FCN et allez Lens !
