Raymond François fait partie de ces rares joueurs qui ont consacré une grande partie de leur vie à un club. Il s’est illustré à Lens à la fois par son talent, son engagement et son amour pour le ballon rond, accompagnant le Racing depuis ses débuts dans le monde amateur jusqu’à son ascension en première division. Retour sur son parcours.

© RC Lens
Des débuts prometteurs
Raymond Avit François est né le 7 novembre 1909 à Aniche. Il est le fils de Avit Louis François et d’Eugénie Lenoble. Alors qu’il évolue encore chez les juniors, le RC Lens, dont l’équipe première manque de talents, fait appel à lui. La jeune garde lensoise connaît un creux dans ses performances, et les dirigeants se tournent vers la relève. C’est ainsi qu’en 1926, François fait le grand saut et rejoint l’équipe première en tant qu’avant-centre, malgré son très jeune âge. Il se révèle véritablement au cours de la saison 1927-1928. Grâce à son excellent jeu de tête, il enchaîne les bonnes performances et devient rapidement un joueur incontournable. Redescendu d’un cran, il occupe désormais le poste de demi-centre, où il s’épanouit pleinement.
À l’été 1932, une rumeur fait état de son possible départ pour Antibes. L’entraîneur de l’Antibes Olympique, un certain M. Valère, traverse la France à la recherche de joueurs à relancer et rend visite personnellement à Raymond pour lui proposer de rejoindre son club. Bien qu’on lui fasse miroiter de belles opportunités, il choisit de rester fidèle au RC Lens, et décline la proposition.
L’ascension
Le 5 mai 1933, Raymond épouse une Lensoise, Marthe Vilcot. À la reprise de la saison 1936-1937, une situation particulière se présente au RC Lens. L’entraîneur belge Robert De Veen tombe malade et doit se retirer. Raymond François, déjà capitaine de l’équipe, prend alors le poste de coach en attendant l’arrivée d’un nouvel entraîneur. Avec l’arrivée du technicien écossais John Galbraith et sous l’impulsion de Raymond, les Lensois réalisent un véritable exploit en accédant pour la première fois à la première division. Ce succès marque un tournant pour le club, et Raymond y joue un rôle central, tant sur le terrain que dans le vestiaire.
Le 8 mars 1936, auteur d’une saison remarquable, Raymond est appelé en équipe de France A, pour un match amical contre la Belgique au stade de Colombes. Aux côtés de son ami Edmond Novicki, il participe à une belle victoire (3-0). Longtemps écarté en raison de la concurrence avec Georges Verriest, il voit malheureusement sa carrière internationale se limiter à cette unique sélection. Par la suite, il sera définitivement évincé par le Messin Charles Fosset.
L’entraîneur-joueur
En 1938, le RC Lens doit faire face à un nouveau bouleversement. L’entraîneur John Galbraith quitte précipitamment le club pour rejoindre son épouse gravement malade en Angleterre. Dans l’attente d’un successeur, le directeur sportif, M. Buisson, et Raymond François assurent de nouveau l’intérim pendant plusieurs mois, avant l’arrivée de Joseph Eisenhoffer en novembre. Un an plus tard, en 1939, les difficultés financières du club poussent la direction à placer Raymond sur la liste des transferts. Pourtant, fidèle au RC Lens, il refuse de partir et continue à défendre les couleurs sang et or, malgré un contexte économique délicat.
Un départ digne d’un grand capitaine
À la fin de la saison 1941-1942, après 19 années passées sous les couleurs sang et or, Raymond François referme le livre de son histoire avec le RC Lens. À l’approche de la finale interzones opposant le Red Star au RC Lens, il annonce qu’il ne disputera pas cette rencontre.
J’ai 32 ans et les 15 championnats que j’ai disputés sous le rude climat du Nord pèsent lourdement sur mes épaules. Il y a maintenant meilleur que moi. Pour me permettre de disputer cette finale, un vieux rêve ! mes dirigeants m’ont offert le poste d’ailier droit. J’ai refusé. Il faut savoir faire une fin. Vous verrez que mes camarades peuvent gagner sans moi. Ils y mettront tout leur cœur de Nordiste… comme je l’aurais fait moi-même.
Raymond François
Ces mots résonnent comme un adieu à Lens, un club dont il a été l’un des piliers pendant près de deux décennies. Et Lens sera battu lors de la confrontation aller-retour.
L’ultime défi
À l’issue de cette saison, Raymond François prend la décision de rejoindre le RC Roubaix. Dans ce club ambitieux, il forme une paire expérimentée avec Georges Verriest, son ancien concurrent en équipe de France, qui deviendra plus tard le sélectionneur national. En 1945, il participe à un événement majeur du football du Nord : la fusion du RC Roubaix, de l’Excelsior AC et de l’US Tourcoing. Cette union donne naissance au Club Olympique Roubaix-Tourcoing (CORT), qui marquera l’histoire du football français en devenant champion de France dès 1947.
La transmission
Après avoir raccroché les crampons, Raymond François s’installe à Montceau-les-Mines, en Saône-et-Loire. Toujours passionné et soucieux de transmettre son savoir, il joue un rôle déterminant dans l’arrivée de Julien Stopyra au RC Lens en novembre 1951. Repérant ce jeune talent évoluant à l’US Blanzy-Montceau, il le recommande aux dirigeants lensois. Stopyra deviendra l’un des grands espoirs du club, poursuivant ainsi l’héritage que Raymond avait contribué à bâtir. Il finit sa carrière de joueur au sein du club de Montceau-les-Mines, loin de l’effervescence du football professionnel.
Figure emblématique du RC Lens, Raymond François, décédé le 23 avril 1984, aura marqué l’histoire du club des années 1920 aux années 1940. De ses débuts à Lens jusqu’à son rôle de capitaine et d’entraîneur, il incarne des temps où le football était avant tout une histoire de passion et de loyauté. À une époque où les carrières s’écrivent au gré des transferts, son parcours rappelle celui d’un joueur qui aura tout donné pour son club et qui restera, à jamais, une légende du Racing.
Sources :
- Généanet
- Archives départementales du Nord
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
- Les Sports du Nord, 28 novembre 1932
- Le Sud, 30 novembre 1932
- L’Écho du Nord, 29 avril 1937
- L’Auto-Vélo, 23 août 1938
- Le Grand Écho du Nord, 1er juin 1939
- L’Auto-Vélo, 30 avril 1942
- L’Équipe, 1er janvier 1952
- Ce soir, 19 décembre 1952
