CULTURE SANG & OR

Les lendemains qui déchantent

Maux de crâne, yeux bilouteux, problèmes intestinaux. Les syndromes de la gueule de bois sont nombreux. Une seule cause en ce lundi matin : la défaite injuste du RC Lens, dans le derby et à Bollaert. Pérorons entre remède cathartique et seum intégral.

« Je ne vais quand même pas me couper les bras ! » / Photo La Voix du Nord

Tout était pourtant réuni pour une soirée de délices à Bollaert-Delelis. Les ingrédients de la recette du cocktail parfait ont été sélectionnés dans les meilleures conditions après une mise au vert, pour faire monter en pression toute une semaine avant dégustation. À l’entrée du bal, on sent déjà l’atmosphère électrique qui règne dans l’antre des Sang et Or, qui a revêtu ses plus beaux tifos. La soupape de la cocotte sifflote, les supporters sont chauds, chaperonnés par le speaker DJ ambianceur Sylvano qui n’était pas là pour nous vendre des chouquettes.

Avant que l’on ne frappe les trois coups de ce premier acte, la compo tombe. La compagnie des Still Brothers nous a préparé une jolie surprise tactique. Personne, acteurs comme spectateurs, ne comprit au départ la chorégraphie, avec un Médina en 6 voltigeur à qui il fallut quelques tours de chauffe avant de déployer ses griffes acérées de petit rat de l’opéra tout au long du spectacle.

Le pressing tout terrain du Racing, avec omniprésence sur les seconds ballons, asphyxie, promène et musèle son adversaire, notamment l’acrobate Zhegrova qui réussit tout de même son célèbre petit pont puis enroulé du gauche, volleyé par le capoeiriste Samba. Le numéro surjoué des canidés manque de peps et il ne faudrait qu’un but des Sang et Or pour assurer le clou du spectacle.

deus ex machina

On espère une deuxième partie de match tout aussi haletante que la première, avec, dans l’ordre des choses, des Lillois aux abois qui baissent la garde et se font enfin scorer.
Que nenni. Le scénario ne sera absolument pas cousu de fil blanc. Des indices, outre cette fichue tendance du RC Lens à se liquéfier en deuxième mi-temps, nous ont pourtant été donnés à l’entracte, avec les frappes des challenges 123 Pare-Brise et Auchan aussi moisies que celles de nos artificiers aux pétards mouillés. Autre indice, la perte de notre spécialiste polonais du Derby du Nord, Frankie, lequel a juste le temps de venir s’asseoir sur la pelouse, saluer son public et quitter la troupe. Il est remplacé par le local de l’étape, Tom Pouilly, qui doit encore parfaire son numéro avant d’être placé sur le devant de la scène.

À part ça, rien. Les loscistes, poussés par leur chœur cagoulé aux chants homophobes, abandonnent le surjeu et twistent pour déjouer. Vas-y que je me roule par terre, vas-y que je prends mon temps. Les Lensois, joueurs, staff et supporters, semblent complètement empapaoutés par les charmeurs de serpent, avec le traditionnel capitaine accordéoniste de guinguette Benjamin André et ses morceaux de thé dansant. Les attaquants lensois ont complètement disparu des plateaux et sont remplacés par d’autres fantômes. Fulgini le magicien, en tête de cortège, a laissé son tour de passe-passe pour l’escamotage total dans un rôle de faux avant-centre, Fulgi ni 9, Fulgi ni 10, Fulgi nie le jeu et le beau lascar rit jaune de ne recevoir, hélas, aucun bonbon exploitable. C’est de circonstance, on se prépare pour Halloween.

Au bout de l’ennui, ce 0 à 0 mortel devient inéluctable, presque souhaitable pour les deux équipes. Un homme va pourtant sortir de l’ombre pour nous préparer le final dont on se souviendra toutes et tous, et décider, comme trop souvent avec cette corporation, de l’issue du match. Mesdames et messieurs, vous ne l’attendiez plus, voici l’homme au sifflet, Benoît Bastien ! Il voit une main, gonfle son pectoral et s’en va offrir sur un plateau et contre toute attente, au bout du bout, un penalty honteusement généreux. Les régisseurs de la VAR ont bien tenté de raisonner le gaillard, mais l’orgueil s’est emparé de l’âme de l’homme en noir. Il n’en fallait pas plus pour que l’expert en la matière, Jonathan David, sorte de la boîte à malices pour refroidir Bollaert-Delelis. La fin est anecdotique, l’ambiance exécrable, presque explosive sur et en dehors du terrain.

Espérons que nos Lensois se remettront la tête à l’endroit, travailleront les frappes devant le but, sans perdre leur solidité défensive. Et ne déploieront pas le tapis rouge aux stars parisiennes, qui ne se feront pas prier pour enfoncer cette équipe.

Vous souhaitez partager l'article ?
Retour en haut