CULTURE SANG & OR

Lens, rien que Lens

Depuis que l’on est tout petits, l’amour du foot, contrairement à celui qu’on nous apprend selon les schémas établis, s’apparente à un trouple, entre le supporter, son club de cœur et son équipe nationale. Je t’aime, un peu, beaucoup, pas du tout.

Titi Camara et Éric Assadourian
Photo France 3

Depuis que l’on est tout petits, de la génération qui a grandi dans les années 90, quand nos souvenirs de football commençaient à prendre forme, on garde en mémoire avec autant de force le penalty plein centre raté de Reynald Pedros à l’euro 96 contre la République tchèque que de la dégaine de Titi Camara, alors lensois, au magnifique maillot Shopi code-barres sang et or. Pendant de très nombreuses années, l’amour a sans doute la même intensité pour le RC Lens et l’équipe de France. Évidemment, 98 s’est avérée être une année charnière qui a consolidé cet amour. Pas de coup de foudre au départ, c’est un amour pantoufles presque mariage arrangé, fruit d’une culture sociale et familiale, entre un·e petit·e et deux équipes de foot.

Les débuts sont poussifs, le charme n’opère que trop peu, et ça ne tient peut-être encore que grâce à la blondeur d’Ibrahim Ba chez les Bleus et de la fougue de Titi Camara. Lens sort en 1997 d’une saison longtemps inquiétante et finalement moyenne, jouant le maintien, tandis que l’équipe de France d’Aimé Jacquet a très mauvaise presse, critiquée de tous les côtés. Comment ça, Ba est non sélectionné pour le Mondial ? Tony Vairelles non plus ? Alors 98, c’est l’année de toutes les surprises, des étoiles dans les yeux et brodées sur le cœur. Le RC Lens est champion de France, et l’équipe de France gagne la Coupe du monde chez elle, chez nous, après avoir battu le Paraguay à Bollaert. On en a passé des heures à klaxonner dans les rues avec la Ford Escort rouge sang elle aussi. On en a eu des palpitants à 1000 à l’heure, devant le match Auxerre-Lens de la dernière journée, fatidique, de cette saison 1997-98, regardé dans une arrière-salle privatisée à la hâte et en pirate par le comité d’entreprise d’un père. Ou encore le France-Brésil du 12 juillet 1998 et son célèbre 3-0, entonné partout avec orgueil comme des coqs que nous sommes. Huit ans, et putain, on peut déjà mourir tranquilles, plus que n’importe qui mais le plus tard possible.

En fait, on a tous envie de vivre, on est tous accro au foot, à Lens et à l’équipe de France. Il faut dire, on vit de belles idylles, et on n’a pas à choisir, les deux jolies équipes se complètent parfaitement dans l’agenda. Lens coule des jours heureux, on découvre ensemble le toit de l’Europe, le trop célèbre fair-play anglais piétiné par Lee Dixon, la froideur ukrainienne, et on cueille un trophée, une coupe, le grand blond doigt levé en mode disco vers son peuple en virage sang et or. Avec la France, on fait le doublé avec l’Euro 2000, sans trop de bugs et avec le suspens du but en or. Wil tord les italiens sur le gong et David très aux aguets les achève en matador. Allez ch’père, ressors la Ford Escort, on va faire tut-tut dans le Bassin minier.

Notre fierté ouzbèke

On vous le dira souvent, dans une relation amoureuse, la crise arrive au bout de sept ans. Et c’est vrai. Que ce soit avec Lens ou la France du foot, on en a connu des crises. La France se vautre dès 2002 en poule de Coupe du monde, avec une équipe de panneaux publicitaires en Asie. Il y a eu les années du sélectionneur Santini le flegmatique, très moyennes, et celles de Domenech Mad King, encore pires, à peine sauvées par le mirage 2006, largué sur un coup de tête. Et Lens ? Après avoir rompu avec le stoïque Francis Gillot, l’arrivée de Guy Roux, la légende de l’Yonne, devait sonner comme un renouveau pour raviver la flamme. Lens fut un Auxerre bis, un Auxerre Wish, qui plongea dans la Ligue 2 des abysses. Des années de désarroi, une sacrée traversée du désert. Lens a tout connu, de l’ascenseur à l’Azéri mauvais payeur. La France, elle, n’avait plus trop de saveur mais a retrouvé de l’appétit et un peu de vie avec le début de règne de Deschamps le pragmatique.

Quelque chose a pourtant changé, quelque chose s’est cassé. Peut-être pour ces raisons passées évoquées, peut-être est-ce l’âge de la maturité ou peut-être la sénilité prématurée et blasée… Avec le temps, va, tout s’en va, et on a fini par choisir celle qui sera la seule et l’unique. L’amour de nos vies, le RC Lens. Ce sont les plus belles émotions, pures et intenses boules au ventre. Même au fin fond du ventre mou de L2, Bollaert-Delelis amputé de sa Trannin, même à la 96e frustrante minute de jeu, même quand Vachoux gogo gadget au poing. La France, elle, n’a plus vraiment d’intérêt, bien mal aidée par un Qatar 2020, Mondial automnal de la honte. Certes, il y la deuxième étoile fêtée bien trop loin du peuple, certes, DD s’est refait une beauté, certes, l’EDF roule en Volkswagen mais rien à faire, la belle bleue ne nous fait plus chavirer. Ce n’est alors plus qu’une lointaine curiosité pour une personne simplement, de foot, passionnée.

Qu’une seule fierté internationale, lorsque nos petits poulains, nos Sang et Or, sont appelés à servir les pays. Faites-nous plaisir, Frankie, Samba, Kodir, Macha, Chávez, Diouf, Papy… Vous êtes nos ambassadeurs d’âme. Pour porter partout à vos côtés Lens, rien que Lens. Et surtout, revenez-nous vite, vous nous manquez déjà, car ce qui compte c’est Lens, rien que Lens.

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