Lewandowski, nom familier pour les amateurs de football, celui du buteur du FC Barcelone, Robert, qui aurait même pu rejoindre le Racing Club de Lens en 2007. Mais deux autres Lewandowski ont contribué à l’histoire du club artésien. Michel, de 1938 à 1945, et Jean, de 1949 à 1953, ont tous deux laissé leur empreinte à Lens. Plongeons-nous dans l’histoire du premier, un demi-centre rugueux.
Michel Lewandowski voit le jour en Allemagne le 28 mai 1914 à Waltrop, dans le royaume de Prusse, aujourd’hui dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Fils de Nicolas Lewandowski, mineur, et de Victoria Polacka, il grandit au sein d’une famille ouvrière immigrée. À l’âge de sept ans, il s’installe en France avec ses parents et son frère aîné, Boleslas. Très jeune, Michel se passionne pour le football. Il débute à 14 ans dans le club de Pogon-Marles, une association polonaise de Marles-les-Mines. Après avoir essayé différents postes, il trouve sa place dans le rôle crucial de demi-centre, c’est-à-dire comme milieu de terrain axial. Il est repéré très rapidement par des clubs plus huppés, et rejoint le Stade béthunois dès 1935. Durant cette période, il vit avec son frère au 50 rue Sadi-Carnot à Béthune, et travaille comme magasinier pour Gaston Deloraine, le président du club.
Une ascension fulgurante
C’est au Stade béthunois que Michel Lewandowski va véritablement s’affirmer pendant plusieurs saisons, jusqu’à graver son nom dans l’histoire du club un beau jour de 1938, lors de la finale du championnat de France amateur. L’adversaire, le club de Scionzier (Haute-Savoie), finaliste malheureux de l’édition précédente, est déterminé à prendre sa revanche. Le match débute dans un relatif anonymat, avec des gradins quasi vides, mais peu à peu, le stade de Colombes se remplit, atteignant 40.000 spectateurs, attirés par le choc international France-Angleterre prévu juste après. Béthune mène d’un but à la mi-temps et enfonce le clou en début de seconde période, à 2-0. Mais Scionzier réduit l’écart à dix minutes du terme, à 2-1. Ces dernières minutes semblent interminables, sauf que Béthune peut compter sur Lewandowski et Mackowiak, deux colosses au physique de boxeur, pour verrouiller la défense. Finalement, Béthune conserve son avantage et décroche le titre de champion de France amateur.
Le monde professionnel
En 1938 toujours, la carrière de Michel Lewandowski prend un tournant décisif. Grâce à sa capacité à imposer sa domination physique et à se faire respecter sur le terrain, le RC Lens lui propose un contrat professionnel. Le club vient de réussir à se maintenir en première division et cherche désormais à renforcer son effectif pour viser plus haut que le simple maintien. Plusieurs départs sont enregistrés, comme ceux de Grauby et Daumin (US Boulogne), Laczny et Staho (RC Roubaix), Strohs (RC Calais), tandis que Camille Salas prend sa retraite sportive. Côté arrivées, le club accueille des recrues de choix, notamment le défenseur Jean Mathieu en provenance du FC Nancy, l’ailier gauche Marcel Ourdouillié de Dunkerque pour 70.000 francs, le gardien Armenak Erevanian de l’Olympique de Marseille, ainsi que la grande surprise du mercato, Georges Beaucourt, arrière international et capitaine de l’Olympique lillois, pour un montant record de 150.000 francs.
C’est dans ce contexte que Michel Lewandowski rejoint les Sang et Or, accompagné de son coéquipier Louis Dugauguez. Malgré un changement d’entraîneur en début de saison, Lens réalise une excellente campagne, terminant à une prometteuse 7e place. Tout juste naturalisé Français, Michel Lewandowski aborde sa deuxième saison avec une équipe quasi inchangée. Cependant, à l’ouverture du championnat 1939-1940, un événement bouleverse tout : l’invasion de la Pologne par l’Allemagne marque le début de la Seconde Guerre mondiale. Presque tous les joueurs lensois sont mobilisés pour rejoindre l’armée. Il n’est plus question de football.
Le football pendant la guerre
La défaite militaire du printemps 1940 et l’occupation nazie plongent la France dans une situation sportive inédite, avec trois championnats distincts : ceux de la zone interdite, de la zone occupée et de la zone libre. Quelques anciens joueurs réintègrent le RC Lens, dont parmi eux Michel Lewandowski. Toutefois, dans le contexte troublé de la guerre, la victoire dans le championnat de la zone interdite des Lensois en 1941 reste anecdotique. Le 25 janvier 1940, Michel Lewandowski a épousé Lucia Anna Schwuntkowski à Waziers, et le couple s’est installé à Lens, au 41 chemin de Loos. Son acte de mariage révèle qu’il exerce la profession de peintre et que ses parents, Nicolas et Victoria, sont retournés en Pologne, à Krotoszyn, une ville située à 88 km au sud-est de Poznań.
Lors de la saison 1941-1942, pas de changements notables. Mais pour la suivante, la circulation entre les zones interdite et occupée est désormais possible, et le championnat professionnel est rétabli. Cependant, lors de la saison 1943-1944, le ministre des Sports de Vichy, Joseph Pascot, décide de suspendre à nouveau ce championnat pro. Les équipes sont alors réorganisées par régions, et Michel Lewandowski intègre la nouvelle formation baptisée Lens-Artois, composée presque exclusivement de joueurs lensois. Elle remporte le titre de champion de France, bien que la compétition n’ait pu être menée à son terme.
Cette même année, Lewandowski se fait remarquer lors de la demi-finale de la Coupe de France entre l’équipe de l’Artois et celle de la Champagne, jouée le 2 avril 1944 au stade Henri-Jooris de Lille. À la dernière minute, on apprend que Michel Lewandowski ne pourra pas participer à la rencontre, une absence qui suscite des interrogations. Officiellement, Lewandowski déclare une blessure contractée six semaines plus tôt lors du match Artois-Provence. Bien qu’il ait continué à jouer en se soignant, il se blesse à nouveau à l’entraînement juste avant la demi-finale. N’étant pas à 100 %, il déclare :
Le match est trop important pour que je prenne le risque de devoir quitter le terrain après quelques minutes.
Cependant, une autre version circule : après sa blessure, Michel Lewandowski fut indisponible pendant 15 jours et ne reçut que la moitié de son salaire, conformément au règlement professionnel. Insatisfait, il aurait réclamé l’intégralité de sa rémunération, mais face au refus du club, il aurait menacé de se venger en déclarant forfait pour ce match crucial. Sans lui, le RC Lens échoue à se qualifier pour la finale.
Pour la saison 1944-1945, le championnat est divisé en deux zones : Nord et Sud. Le RC Lens termine à une belle deuxième place, juste derrière le FC Rouen. Elle est la dernière pour Lewandowski dans ce club.
Le C.O.R.T.
À l’été 1945, le Red Star propose 180.000 francs au RC Lens pour s’attacher les services de Michel Lewandowski, mais c’est finalement le C.O.R.T. (Club olympique Roubaix-Tourcoing) qui parvient à conclure le transfert pour le même montant. Ce départ marque le début d’une période difficile pour le RC Lens, qui peine à compenser la perte de plusieurs cadres importants tels, outre Lewandowski, Arthur Fruleux, Jean Mathieu et Georges Beaucourt. À son arrivée au C.O.R.T., le demi-centre découvre des coéquipiers comme César Urbaniak, Stanislas Sumera, Julien Darui et Henri Hiltl. Avec cette équipe soudée et talentueuse, il décroche le titre de champion de France en 1947.
La reconversion
Après une très belle carrière, Michel Lewandowski prend la direction de la JA Armentières en tant qu’entraîneur-joueur, avant de rejoindre l’US Billy-Berclau en tant qu’entraîneur. Joueur au physique impressionnant, avec un faciès de boxeur et une carrure solide, il n’était pas du genre à faire dans la dentelle et savait imposer le respect sur le terrain. Sélectionné en équipe de France militaire, il laisse une empreinte durable dans le football français, notamment avec son titre de champion de France en 1947 avec le C.O.R.T. Michel Lewandowski s’éteint le 7 septembre 1990 à Lens, laissant derrière lui le souvenir d’un homme inflexible et déterminé.
Au physique, avec sa tête énergique, taillée à coups de serpe, ses cheveux en brosse, sa solide carrure, ses mains énormes, on prendrait plus volontiers Lewandowski pour un boxeur, un champion des poids moyens que pour un footballeur.
L’Écho des sports
Sources:
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
- Archives départementales du Pas-de-Calais
- Un siècle de football en Nord par Laurent Dremière
- L’Auto-Vélo, 4 avril 1944
- L’Écho des sports, 31 mai 1939