Pour connaître l’identité d’un club, il faut d’abord appréhender son histoire. Pour le RC Lens, il faut remonter à la toute fin du XIXe siècle. Douterlungne, un nom de famille sans doute peu connu du grand public, occupe pourtant une place capitale dans l’histoire du club. Cette famille de pionniers a joué un rôle essentiel dans la fondation et le développement de ce qui allait devenir notre Racing. À travers cette famille, c’est tout un pan de l’histoire sportive lensoise qui se dévoile.
À une époque où le football est encore inconnu du grand public, quelques jeunes étudiants commencent à s’y intéresser. Rapidement, un championnat universitaire voit le jour, regroupant différents établissements scolaires. C’est ainsi que des clubs représentant leurs villes commencent à apparaître. Du côté de Lens, des jeunes prennent l’habitude de se réunir les week-ends et pendant les vacances scolaires sur la place Verte, aujourd’hui place de la République, pour jouer au football. Après leurs matchs, tous ces jeunes se retrouvent au café Douterlungne, situé boulevard des Écoles. C’est dans ce café que tout va se jouer : le propriétaire Henri Douterlungne et son ami, Jules Van den Weghe, tous deux ressortissants belges, vont avoir l’idée de créer le premier club lensois.
Henri Joseph Douterlungne, originaire de Mouscron, et sa femme, Pauline Sophie Joseph Hollemaert, font partie des nombreux Belges venus s’installer dans le Nord de la France à la fin du XIXe. Menuisier de profession, Henri s’établit dans la région lilloise, entre Tourcoing, Wattrelos, Lille et Mouvaux. Le couple n’est pas épargné par le fléau de la mortalité infantile : seuls cinq de leurs onze enfants atteignent l’âge adulte. Le plus jeune, Carlos, est né le 22 mai 1888 à Mouvaux. La famille Douterlungne déménage ensuite à Lens, où elle devient propriétaire d’un café qui deviendra bientôt le premier siège social du Racing Club Lensois.
En 1903, Henri Douterlungne et Jules Van den Weghe, qui ont créé le Club Cyclo-Pédestre Lensois trois ans plus tôt, décident d’y adjoindre une section football afin de regrouper tous ces jeunes joueurs de la place Verte. En 1906, la section devient indépendante, donnant ainsi naissance au Racing Club Lensois. Jules Van den Weghe devient président et Henri Douterlungne président-adjoint, tandis que Carlos occupe le poste de trésorier.
Carlos fait également partie de la toute première équipe, dans le rôle du gardien de but. Le club, désormais installé sur la pâture Mercier, adopte les couleurs vert et noir, en référence à la place Verte et au charbon. Les statuts du club, rédigés par Justin Guilbert, le fils du juge de paix de Lens, sont déposés en sous-préfecture de Béthune le 18 octobre 1907, date officielle de la création du club. L’équipe peut ainsi disputer le championnat de promotion du district de l’Artois.
Le soldat Douterlungne
En 1909, Carlos s’engage dans l’armée et se forme au métier d’ajusteur. Quatre mois après son retour à Lens en 1912, et après trois années de service, il est confronté au décès de son père, Henri. Le 5 avril 1913 à Lens, Carlos épouse Marie Dilly, également fille de menuisier. Leur fils Victor Henri naît le 18 juillet de la même année à Billy-Montigny.
Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Carlos est mobilisé dès les premiers jours et intègre son régiment d’artillerie. Blessé à plusieurs reprises, il souffre de problèmes respiratoires dus aux gaz, d’une fracture du tibia et d’une épaule brisée. Décoré de la croix de guerre étoile de bronze, il ne peut plus rejouer au football. Libéré en 1919, il rejoint sa femme et son fils, rapatriés à Paris en 1917. Le 24 janvier 1920, leur fille Raymonde Marcelle Désirée naît à Paris, au 11 rue de Tanger, dans le 19e arrondissement.
Après un retour dans la région, Carlos et Marie se séparent en 1928. À partir de cette date, la vie de Carlos devient très instable. Il finit par s’installer définitivement à Paris en 1936, rue de l’Hôtel-Colbert dans le quartier de la Sorbonne, avec sa nouvelle compagne Adolphine Canone. Il décède le 9 février 1961 à Paris et est inhumé au cimetière de Thiais, dans le Val-de-Marne.
La famille Douterlungne a posé les bases d’un club qui, des décennies plus tard, fait vibrer des dizaines de milliers de supporters. Son héritage, profondément enraciné dans l’histoire du RC Lens, rappelle l’importance de se souvenir de ceux qui ont façonné notre présent.
Sources :
- Plaquette souvenir du cinquantenaire du Racing Club de Lens
- Archives du Pas-de-Calais
- Archives du Nord
- Archives de Paris
- Geneanet
- Journal Officiel – 28 janvier 1908
- Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais – 20 septembre 1917
- rclens.fr