Dans l’œil du cyclone, Lensois comme Nantais naviguent à vue à la recherche d’un nouveau cap. Préparons cette affiche entre le RC Lens et le FC Nantes, avec la participation de Frédéric Happe de l’Agence France-Presse, coordinateur sports Grand Ouest, qui vient nous offrir une analyse fine des Canaris et de leur début de saison.
Meneurs de barque mal embarqués
Le navire de la cité portuaire, disparu comme un symbole du logo FC Nantes depuis 2019, ressemble de plus en plus au Radeau de la Méduse, qui vivote en eaux troubles. C’est qu’il fallut essuyer le premier ressac estival avec « le mercato estival [qui] a été très calme, hormis l’achat d’Abline, par la force des choses puisque Nantes a subi comme beaucoup l’effondrement des droits télé et n’a pas réussi à vendre les quatre ou cinq joueurs dont il était prêt à se séparer. » En plus des soucis à ajuster l’effectif, il semblerait qu’il y n’ait plus de capitaines, de meneurs dans toutes les sphères du club, comme l’analyse notre expert du jour.
D’abord, à sa tête, Waldemar Kita semble tout droit sorti du turfu avec une gestion du club qui peut sembler venir d’une lointaine galaxie. Et bien qu’il ait certains traits de l’amiral Ackbar, ses compétences peuvent parfois s’apparenter à celles du capitaine Couard du Costa Concordia avec un abandon, quoique nécessaire, du navire. « Depuis le retour de Kombouaré sur le banc, Kita père a pris un peu de recul avec la gestion du club au quotidien — ce qui était une condition impérative pour que Kombouaré accepte —, laissant encore plus son fils Frank faire l’intermédiaire. […] En tout cas, il ne reste plus grand monde pour le défendre à Nantes et ce depuis quelque temps déjà. Le serpent de mer d’une vente du club ne peut que ressurgir épisodiquement, mais comme il semble avoir une idée exagérément élevée de la valeur du club, il y a peu de chances que cela aboutisse dans les tous prochains mois, faute de repreneur suffisamment intéressé. »
Sur le terrain, les meneurs d’hommes se font rares et le brassard de capitaine passe de bras en bras sans trouver son digne porteur. « Il n’y a aucun leader dans cette équipe. Le brassard a changé plusieurs fois de bras (Chirivella, Lafont, Castelleto, retour à Chirivella). Le seul « meneur », en tout cas le seul à sembler vraiment essayer de secouer ses partenaires, serait peut-être Nicolas Pallois, qui est au moins très combatif. Mais à 37 ans, il n’est plus un titulaire et les années commencent à peser. »
Tactiquement, le FC Nantes, est censé s’organiser autour d’un meneur de jeu. Même constat, avec un turn over au poste et un dernier choix en date, Tino Kadewere, qui ne semble pas avoir le profil pour le poste. « Depuis le début de la saison Nantes joue en 4-2-3-1, quels que soient les joueurs alignés. C’est un système qui pourtant suppose d’avoir un meneur de jeu en soutien de l’avant-centre, or Nantes n’a pas vraiment de joueur ayant ce profil. Kadewere est utilisé en « 10 » sans avoir les qualités techniques ou de vision du jeu nécessaires pour ça. »
Antoine Kombouaré, à la barre de l’équipe, est aussi la cible de critiques. Les résultats sont plus que médiocres depuis mi-septembre, avec un bilan de 3 points pris sur 21 possibles. Ces critiques contre le coach kanak trouvent leurs origines dans « l’inefficacité totale de ses tentatives réelles pour relancer des joueurs ou piquer son effectif, et sa communication qui semble souvent en décalage assez flagrant avec l’impression laissée par son équipe sur le terrain. »
Cap au Nord !
Alors quoi ? Rien ne va plus et le FC Nantes n’est plus qu’un navire fantôme, menacé de relégation ? Évidemment, la vérité est plus complexe. Le coach nantais préfère voir le verre à moitié plein. « Statistiquement, Kombouaré s’appuie là-dessus, en choisissant soigneusement les chiffres qu’il évoque. Et Nantes ne semble effectivement jamais très loin de ses adversaires. » Dernier exemple en date, le match face à l’OM fut assez serré, avec un tournant : « Les Nantais ont eu quand même pas mal d’occasions nettes face à Marseille […] Kadewere, malgré son but, a aussi raté deux grosses occasions, dont un ballon envoyé loin dans les tribunes sur un face-à-face avec Rulli à 1-2 », qui resta le score final.
Alors, Lensois, méfions nous de l’eau qui dort. Certes, les jaune et vert pèchent dans beaucoup de secteurs de jeu. « Le plus criant est sans doute l’animation offensive très pauvre. On est bien en peine d’expliquer le projet quand l’équipe a le ballon. Défensivement aussi il est très difficile de trouver des éléments positifs. Il y a beaucoup trop d’erreurs individuelles, dues à des sautes de concentration, des erreurs techniques ou un manque de communication. » Ajoutons à cela un mental de marin d’eau douce et « le manque de réalisme dans les deux surfaces. L’autre grosse faiblesse de Nantes est son manque de « mental » dans l’adversité. Nantes n’a pas gagné un seul des 19 derniers matches où il s’est retrouvé mené », nous explique encore Frédéric Happe.
Cependant, Nantes a quelques ressources dans son équipage. Il faudra compter sur la vitesse et la vivacité offshore de Moses Simon, le seul qui semble sortir la tête de l’eau. « Moses Simon qui, avec deux buts et trois passes décisives, reste le joueur le plus décisif. C’est le seul joueur à régulièrement créer des différences par sa vitesse de course ou en un contre un, même si dans le dernier geste ou la dernière passe, il ne fait pas toujours le bon choix ou le geste juste. » Il surnage donc un peu mais il existe d’autres joueurs potentiellement dangereux, à l’instar de Kadewere et du presque bien nommé Lepenant, qui apporte un vent de fraîcheur à cette équipe. « Le seul autre joueur à s’être vraiment distingué est Johann Lepenant, qui a temporairement apporté un peu de surprise et de projection au milieu. Mais le soufflé semble être déjà retombé et il était touché au mollet le week-end dernier. » Et attention aux ex ? Ignatius Ganago et Jean-Philippe Gbamin, formé à La Gaillette, sont présents dans l’effectif, bien que Frédéric nous confirme qu’ils ne sont présents que pour la rotation, et pour l’instant peu en vue.
Le ciel c’était l’horizon
Les deux clubs, qui semblent être au creux de la vague, n’ont tout de même pas tout à fait la même trajectoire. Là où le RC Lens est dans une année de transition, qui pour le moment semble donner quelques beaux motifs de satisfaction dans le respect et la continuité d’un projet club de long terme, le FC Nantes peine à entrevoir autre chose qu’un maintien difficile pour éviter les abysses de la Ligue 2, « comme trois fois lors des quatre dernières saisons ». Faute de projet d’ampleur, « le seul objectif de Nantes à ce stade est de regagner un jour. »
Frédéric Happe, pour qui la confrontation entre le FC Nantes et le RC Lens revêt d’un caractère particulier puisqu’il s’agit de son premier souvenir en tant que coordinateur sportif Grand Ouest à l’AFP (victoire de Nantes sur un but de Yacine Bammou contre un Lens entraîné par A. Kombouaré), se mouille sur un pronostic : « 2-0 pour Lens. C’est une équipe qui semble avoir les arguments pour battre Nantes, à condition de ne pas trop manquer de réalisme devant le but. » Cela sera en effet l’un des enjeux de la rencontre pour le seul attaquant régulier présent dans les rangs lensois, en la personne de Rémy Labeau-Lascary, jeune moussaillon formé au club. Décimée, l’attaque lensoise est l’une des moins prolifiques de Ligue 1, avec 9 buts seulement. Nantes en a marqué 12. Attention, supporters de la Trannin et Delacourt, les boulets risquent de vous tomber sur la tête…
Souhaitons-nous donc bonne chance et qu’il n’y ait pas de lapin. Lens doit impérativement remettre les voiles, contre un adversaire qui peine. Dans ce club mythique de la façade atlantique, l’équipe première déçoit, mais Frédéric nous rappelle « la formidable épopée de leurs U19 en Youth League l’an passé, qui avaient battu des records d’affluence pour un match U19 lors de leurs rencontres à la Beaujoire, et l’ascension des féminines jusqu’à l’élite en quelques années. »