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L’heure de la résilience

Le football français traverse un épisode orageux. Le feuilleton des droits TV n’en finit plus de nourrir la presse sportive et les talk-shows. Dernier épisode en date, à l’heure où nous écrivons ces lignes, DAZN menace de ne pas régler la totalité de la dernière échéance financière. Un enjeu pour tous les clubs de Ligue 1 et, a fortiori, pour le Racing. L’heure est plus que jamais à la résilience.

Un caméraman au Stade Bollaert
Un match filmé pour ceux qui ont économisé un restaurant par mois / Photo CSO

D’après le Robert, le mot résilience se définit ainsi :

1. Physique. Valeur caractérisant la résistance au choc d’un métal.

2. Psych. Capacité à surmonter les chocs traumatiques.

3. Écologie. Capacité (d’un écosystème, d’une espèce) à retrouver un état d’équilibre après un évènement exceptionnel.

4. Informatique. Capacité (d’un système ou d’un réseau) à continuer de fonctionner en cas de panne.

5. Sport. Capacité du Racing à garder son équilibre économique et à rester compétitif avec Vincent Labrune comme président de la LFP et DAZN comme détenteur des droits TV.

Peut-être avons-nous rajouté la cinquième définition.

Cette incertitude sur les rentrées d’argent que le Racing peut espérer de la part de DAZN appelle donc aujourd’hui à faire preuve de résilience. Joseph Oughourlian était-il au courant de ce risque de défaut de DAZN, ou l’a-t-il seulement envisagé, voire anticipé ? Nous ne le saurons probablement jamais, mais force est de constater que les ventes de joueurs lors de ce mercato d’hiver se révèlent, a posteriori, avoir été un mal nécessaire, ou pour le moins une sage prudence. L’hiver arrivant, la direction adopte le comportement d’une fourmi, et pas celui d’une cigale qui jouerait le futur du club sur une éventuelle qualification européenne.

Court, moyen et long terme

En premier lieu sur le très court terme, face au possible non-paiement de la totalité des droits TV, les clubs doivent savoir assurer le paiement des charges et des salaires. À ce sujet, le président de la FFF, Philippe Diallo, a annoncé qu’en Ligue 1 « un certain nombre de clubs sont en très grande difficulté sur le plan de la trésorerie […] On n’est pas à l’abri que des clubs s’arrêtent à la fin de la saison, peut-être avant ».

Risque réel ou jeu de communication en vue de reprendre le contrôle de cette instance en perdition complète qu’est la LFP ? Concernant le Racing, après ce mercato d’hiver, ce risque de défaut de paiement à court terme est écarté. Mais quid des prochaines échéances de DAZN ?

Cependant, la résilience, ce n’est pas seulement survivre à très court terme, c’est également garder un effectif compétitif à court et moyen terme, pour cette saison et la suivante. La vente en dernière minute de Przemysław Frankowski — ainsi que les résultats qui ont suivi contre Nice et Strasbourg — font douter bon nombre de supporters. Avec les récurrents pépins physiques de Ruben Aguilar, le départ du Polonais oblige Will Still à bricoler. Et si la compétitivité de l’équipe en est fortement réduite, le coach artésien semble comprendre les enjeux financiers et s’accommoder de cette inconfortable situation — en faisant certes la moue en conférence de presse ou devant les caméras.

Enfin, derrière le court et moyen terme, il y a le long terme. La résilience, c’est aussi inventer un nouveau modèle, trouver un nouvel équilibre. Certaines des pistes explorées par la direction sont déjà visibles. Par exemple, baisser la grille salariale et diminuer le nombre de joueurs sous contrat. Investir sur des joueurs en post-formation et utiliser davantage la data et les réseaux de scouts en espérant ainsi dénicher les pépites des championnats mineurs. Et enfin, racheter le Stade Bollaert-Delelis pour développer des revenus annexes. Si ça ne suffit pas, il faudra trouver d’autres idées.

Être résilient, c’est gérer en même temps ces trois termes. Les problématiques financières de court terme liées à l’incertitude des droits TV, l’ambition européenne des prochains mois et le modèle économique du club sur les prochaines années.

être plus malin que les autres

Le besoin de résilience oblige le club à se réinventer, trouver des solutions, être innovant. Le football est un sport injuste. Et pour un club comme le Racing qui n’a pas avec lui le Qatar ou un milliardaire pour éponger ses pertes, il n’y a qu’une seule solution : être plus malin que les autres. À Lens, on n’a pas de pétrole et les mines de charbons sont fermées, mais on espère avoir des idées pour passer l’orage DAZN.

Les supporters se rassureront en se disant que dans le bassin minier, les crises économiques, ça nous connaît. Les valeurs du courage et du travail sont dans l’ADN du territoire. Le Racing, lui aussi, a connu bien des épreuves tout au long de son existence et est toujours remonté à la surface. Il n’y a pas de « y’a qu’à, faut qu’on » qui tienne. Il ne faudra probablement pas espérer de miracle concernant les droits TV dans les prochains jours, ni espérer un nouvel actionnaire providentiel, mais bien compter sur le travail et l’intelligence des acteurs du club. C’est cela, le besoin de résilience que nous appelons de nos vœux.

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